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Témoignage de Bernard Devert, président fondateur du mouvement Habitat et Humanisme

Créé le

08.12.2020

De quelle vision initiale procède le mouvement que vous avez initié en 1985 ?

Bâtir dans des quartiers socialement équilibrés pour ceux qui n’ont pas ou plus de logement, en veillant à ce que l’acte de construire suscite une ouverture sociale, les différences étant perçues comme des richesses, une chance, et non une charge. La mixité sociale apparaissait comme une utopie ; elle s’est révélée une utopie concrète, tout comme l’économie solidaire que nous mettions alors en œuvre pour parvenir à financer nos opérations dans le cadre d’un partenariat public-privé.

Le fil rouge de notre engagement est l’attention à l’autre dans le respect de son éminente dignité. Cette reconnaissance ne dit-elle pas combien chaque être est une pépite, une perle, nous rappelant ce mot de Flaubert « ce n’est pas la perle qui fait le collier mais le fil ».

Ce fil a été tissé au cours des années jusqu’à pouvoir présenter aujourd’hui H&H comme un créateur de liens.

Quelles sont les priorités actuelles d’Humanisme & Habitat ?

La crise sanitaire nous a appris que notre monde doit désormais panser le mal qui l’étreint et se penser dans une approche de la fragilité, pour quitter les illusions de la puissance.

La cohésion sociale est en rupture ; elle l’est davantage qu’il y a 35 ans, quand commença l’aventure d’Habitat et Humanisme. Cette observation conduit à une grande humilité.

Avons-nous échoué ? Nous avons la faiblesse de penser que nous ne nous sommes pas trompés de combat. Il nous faut développer les options retenues en leur offrant un changement d’échelle.

En ce sens Habitat et Humanisme s’est ouvert à l’accueil des réfugiés de la guerre en Irak, notamment des familles yézidis particulièrement persécutées par « l’État islamique », et plus récemment, à l’occasion d’un confinement impossible pour les « sans-abri », à l’organisation de l’accueil – grâce à la solidarité hôtelière – de personnes vivant dans la rue, notamment des jeunes femmes avec leur(s) enfant(s). Cet accueil se poursuit, à l’heure du déconfinement, pour éviter leur retour à la rue.

Comme beaucoup d’entreprises plus classiques, vous avez initié une démarche collective aboutissant à une vision à l’horizon 2025. Quelles en sont les orientations ?

L’analyse de ce qui a été entrepris fait apparaître la nécessité de « prendre soin de l’autre » pour se mettre à distance de la mythologie de Babel qui marque de son empreinte l’urbanisme, mais pas seulement, l’entre soi l’emportant sur l’autre soi. Il vous souvient de cette parole magnifiquement humaine, dans le Livre de la genèse : et les autres… rappelant à ces hommes puissants, construisant une tour, que l’acte d’habiter ne peut l’être vraiment que s’il est une ouverture. Ce cri n’a peut-être jamais été aussi actuel ; il est celui de la planète et des pauvres. Un même appel à repenser le développement pour une croissance mettant un terme aux abîmes.

Dans ce contexte, il appartient à Habitat et Humanisme de prendre – toute – sa part pour la maîtrise énergétique, réponse immédiate et crédible à l’augmentation du reste pour vivre des plus fragiles.

Concrètement, Habitat et Humanisme oriente son action vers le logement collectif innovant tel que l’habitat intergénérationnel ou bi-générationnel, qui inspire les politiques publiques « d’habitat inclusif ». Il s’efforce aussi d’aider à la mise en place d’un modèle d’EHPAD à domicile qui cherche à concilier économie de moyens et humanité de la réponse à la dépendance.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº851