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Ressources humaines

Réussir l’intégration des jeunes dans le secteur bancaire

Créé le

13.03.2013

-

Mis à jour le

23.10.2013

L’intégration dans le secteur bancaire des membres de la génération Y (nés à partir des années 1980) s’avère délicate tant leur relation au temps, à l'organisation et à l'exercice de l'autorité est différente de celle des collaborateurs plus anciens. Cette situation peut avoir un coût humain et économique en termes de turn-over, d'absentéisme ou de performance…

Le secteur bancaire vit un véritable tsunami sur le plan démographique, avec le départ massif des baby-boomers et l'arrivée des membres de la génération Y. Cette évolution concernera un tiers de l'effectif entre 2008 et 2020. Si la question du transfert des compétences s'avère vitale, le fossé générationnel représente un problème encore plus stratégique.

Une autre relation au temps, à l'organisation et à l'exercice de l'autorité

Il n'échappe à personne que ces jeunes qui arrivent dans les établissements bancaires ont une autre relation au temps, à l'organisation et à l'exercice de l'autorité. Un constat édifiant : 70 % des jeunes qui prennent l’initiative de rompre leur contrat de travail, dans un contexte économique si difficile, affirment le faire suite à une mauvaise entente avec leur manager, et non pour des considérations liées à l’intérêt de la fonction ou la rémunération.

Depuis l'antiquité, la jeunesse est habituellement perçue comme rebelle par rapport au modèle en place. Toutefois, l’enjeu de son intégration n'a jamais été aussi important dans le secteur bancaire, avec comme prolongement celui de faire travailler efficacement, ensemble, plusieurs générations. Aujourd'hui, les aspirations au travail de cette nouvelle génération ne trouvent pas une réponse cohérente dans les recettes classiques du management. Le secteur bancaire n'est plus aussi attractif que dans le passé et la fidélisation de ses jeunes salariés devient une préoccupation reconnue.

Les atouts de la génération Y

Pourtant, cette nouvelle génération au travail est « câblée » pour s'adapter aux besoins actuels des entreprises : travail spontané en réseau, confiance en soi, pragmatisme, facilité et goût pour l’apprentissage, capacité d’innovation… En outre, cette génération arrive dans l'emploi avec une valeur ajoutée dont ne disposaient pas ses devancières, à savoir son appétence et sa maîtrise souvent très intuitive des nouvelles technologies de la communication. Elle a acquis très vite, de par son éducation, une capacité à être autonome et à négocier avec son environnement. Les « enfants clés au cou » se sont trouvés très vite en situation de devoir gérer leur temps, parce que les deux parents avaient à conduire leur carrière professionnelle ou qu'ils étaient, pour certains, issus d'une famille monoparentale. Leurs référents ont été plus souvent leurs « pairs » que leur « père ».

Des droits plutôt que des devoirs

Plutôt que de proposer une analyse sociologique des différences de fonctionnement entre générations, il nous paraît plus pertinent de mettre en relief les principales sources de tension et de conflit. On constate en premier lieu que le positionnement vis-à-vis de l’entreprise et de l’activité professionnelle est assez fondamentalement différent. L’idéologie du mérite de la génération des baby-boomers reposait sur un principe simple : il faut d’abord faire ses preuves pour obtenir de la reconnaissance. Les jeunes se campent volontiers, à leurs yeux, dans une posture de « consommateur » et ils sont naturellement dans la négociation, voire la revendication. Les recruteurs sont dorénavant habitués à ce genre de comportement où les jeunes n'hésitent pas à exprimer, d'entrée, leurs exigences. Ils soulèvent de plus en plus souvent la question de savoir en quoi l’offre des banques est aujourd’hui susceptible de retenir leur intérêt.

La gestion du temps représente souvent un point de tension. Avec eux, nous sommes loin de la « valeur sacrificielle » du travail incarnée par les baby-boomers. La réussite au travail n'est plus vécue comme aussi centrale et efficacité ne rime plus avec disponibilité. Ils s'investiront au-delà du temps légal de travail s'ils y prennent du plaisir. Les Y ont plusieurs vies à vivre et la vie professionnelle n’est qu’un élément de l’ensemble. N’oublions pas qu’ils sont les enfants des 35 heures et qu’ils ont souvent vécu à travers la génération de leurs parents, zélés serviteurs de l’entreprise, l’expérience traumatisante du licenciement à plus de 50 ans.

Le zapping comportemental

Un autre clivage important est la relation à l'organisation. Les pertes de temps sont mal vécues. Une heure de réunion, c’est trop long… trois jours pour attendre un compte rendu représentent une éternité.

Les jeunes de la génération Y manifestent aussi un réel besoin de renouvellement et de variété dans l’activité. Ils sont capables de faire plusieurs choses en même temps et ne s’en privent pas. Ils sont multitâche et cela peut se vivre comme un manque d’investissement et de concentration pour une génération rompue au sacro-saint principe « une chose à la fois et un temps pour chaque chose… ».

La frontière floue entre vie personnelle et vie professionnelle est une autre source de problème : tel manager constate que sa jeune recrue utilise en réunion son ordinateur portable pour surfer sur Internet, par exemple, ou la sonnerie permanente d’un téléphone portable qui fait que les appels personnels empiètent sur le temps de travail.

La dictature de l’instant

La relation au temps est différente. Les jeunes Y sont dans le moment présent avec une faible anticipation. Tout va très vite et ils apprécient la réactivité. Ils considèrent peu rentable de se projeter dans le temps.

Les managers évoquent fréquemment l’impatience manifestée par des jeunes pour apprendre et obtenir les responsabilités auxquelles ils estiment pouvoir prétendre. Ils sont soucieux de leur intérêt immédiat. Cette dépendance à l'instant présent a des conséquences sur leur capacité à se poser pour réfléchir. Pragmatiques, ils sont plus dans la réaction que dans la conceptualisation. Ainsi, loin de la culture de l’effort préconisée par leurs aînés, les jeunes sont perçus comme peu persévérants.

Des exigences aux infidélités

Les jeunes réclament de la personnalisation, que les plus anciens qualifient d’individualisme. Ils veulent un management à la carte et recherchent une grande proximité relationnelle, alors même que leur décontraction est parfois perçue comme de la désinvolture, voire de l’insolence.

Les jeunes Y jugent le manager sur ce qu’il apporte à titre personnel. Ils n’ont pas une vision idéologique de la relation hiérarchique : le chef doit répondre à leurs besoins et ils sont prêts à lui « mettre la pression » pour tirer au mieux avantage de cette situation. Cette approche de la « pyramide inversée » est très perturbante pour des managers éduqués dans le respect du statut et des anciens.

Un autre élément de dissension réside dans le fait que ces jeunes sont perçus comme des mercenaires. À quoi bon s’investir dans la relation ? À la première occasion, ils quitteront l'équipe pour monnayer, ailleurs, leur savoir-faire. Mais il faut garder en mémoire le discours que ces jeunes entendent depuis le plus jeune âge sur la nécessité de faire plusieurs métiers dans des entreprises différentes. Ils ont intégré la mobilité professionnelle et pour eux le changement n’est pas une fatalité.

Les effets de levier

Ces quelques éléments montrent bien qu'il existe une nécessité de se comprendre pour tirer au mieux avantage de ses différences dans la vision de l'engagement professionnel.

Le management du secteur bancaire doit s'adapter à cette nouvelle génération et à ces aspirations. Il faut sortir de la croyance que les jeunes vont « rentrer dans le rang » et s’intégrer au système en place. Le secteur bancaire a été capable de personnaliser son offre commerciale aux différents segments de sa clientèle, pourquoi ne serait-elle pas en mesure de prendre en compte les besoins et attentes de ses nouvelles recrues.

Il paraît urgent de combattre l’incompréhension et les a priori qui existent, reconnaissons-le, des deux côtés. Les jeunes arrivent souvent aussi avec leur lot de préjugés sur la banque et le rôle des managers.

Les valeurs ne sont pas négociables. À quel titre celles de la génération Y ne mériteraient-elles pas le même respect que celles de leurs aînés ? Il s’agit de prendre en compte ce que ces jeunes sont, sans pour autant remettre en cause fondamentalement les principes et règles existants, au risque sinon de perturber les collaborateurs plus expérimentés.

Les bases d'un management intergénérationnel sont ainsi jetées. La question est de savoir si le secteur bancaire sera capable d'adapter ses pratiques managériales pour en faire un atout concurrentiel.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº764