Le combat de Greta Thunberg en Suède comme celui des gilets jaunes en France sont l’expression de la volonté d’une meilleure prise en compte des attentes (économiques, sociales ou environnementales) des citoyens. 78 % des personnes interrogées dans un sondage Viavoice de
Vous avez dit RSE ?
Une simple recherche de cet acronyme sur le moteur de recherche Google fait ressortir plus de 46 300 000 résultats et renvoie majoritairement vers quatre notions : le développement durable, la Responsabilité sociale et environnementale, la Responsabilité sociale des entreprises et la Responsabilité sociétale des entreprises, qui est la plus proche traduction du terme Corporate Social Responsability. Pour les Anglo-Saxons, le mot « social » a une portée bien plus large qu'en français. Il renvoie à la responsabilité de l’entreprise envers la société dans son ensemble, contrairement au mot français qui ne se rapporte qu’aux rapports sociaux internes de l’entreprise. Ainsi le terme « sociétal » désigne les responsabilités de l’entreprise à l’égard de ses multiples parties prenantes (employés, actionnaires, clients, fournisseurs, etc.) et bien au-delà « des simples relations employeurs/employés
La RSE, un concept pas si moderne
Alors que l’on pense souvent que le concept de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est une émergence de la toute fin du XXe siècle, il n’en est rien.
En France, la RSE prend ses racines dans la notion de « paternalisme » développée dès la fin des années 1750 chez les physiocrates, concept qui évoluera avec la révolution industrielle et qui s’enrichira de la démarche de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale (SEIN). À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, on parle de « paternalisme industriel », qui peut être considéré comme la première illustration de la prise de conscience, par les patrons, que leurs usines et eux-mêmes portent une responsabilité envers la société.
Aux États-Unis, la démarche RSE se structure avec la grande entreprise de l’après-Seconde Guerre mondiale. La vision partagée de l’époque est celle réaffirmée en 1970 par Milton Friedman, pour qui « il y a une et seulement une seule responsabilité du monde des affaires : utiliser ses ressources et les engager dans des activités destinées à accroître le profit
Quel catalyseur de la RSE ?
L’apparition de la notion de développement durable dans le rapport des Nations Unies de 1987 intitulé « Notre avenir à tous », que les initiés appellent « rapport Brundtland », va jouer un rôle de relais en France. Les entreprises, sous l’impulsion de toutes les parties prenantes de l’époque (les politiques, les organisations non gouvernementales, la société civile) vont progressivement mettre en place des actions notamment afin de limiter leur impact environnemental (protocole de Kyoto, charte de l’environnement, 17 objectifs de Développement…). Il faut toutefois attendre les années 1990 pour constater, en France, une accélération de la mise en place de politique RSE au sein de toutes les entreprises, sans pour autant pouvoir identifier de réel catalyseur. Il convient alors de s’interroger sur ce qui a conduit les grandes entreprises à adopter une démarche RSE. Paul DiMaggio et Walter Powell, avec leur ouvrage de 1983 intitulé « The Iron Cage Revisited : Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields », nous offrent un éclairage structurant. Le développement de la thématique RSE au sein des entreprises serait, selon eux, le fait du développement de normes, de la mise en place d’un cadre légal et d’un phénomène de mimétisme des entreprises. Une homogénéisation des organisations qu’ils appellent « isomorphisme institutionnel
Une prise en compte tardive par les banques
Pourquoi les banques ont-elles encore plus tardé à s’emparer de la problématique du développement responsable ? D’abord parce qu’en tant qu’industrie de services très peu consommatrice de ressources naturelles, elles n’ont pas été les premières ciblées par la société civile. D’autre part, du fait de l’importance de la régulation du secteur qui, en les protégeant de la concurrence, les a, tout du moins au départ, éloignées des questions de RSE.
La crise financière de 2008 va alors jouer un rôle d’accélérateur en révélant au secteur l’importance de la responsabilité éthique des banques, que ce soit dans leur choix d’investissement, de financement ou de management. La défense de leur image et de leur réputation devient un enjeu primordial. On voit alors fleurir, en interne, codes de conduite et autres codes éthiques, tandis que vis-à-vis de leur environnement extérieur, les banques doivent se montrer irréprochables que ce soit en matière déontologique ou environnementale. La RSE se révèle un moyen efficace pour elles d’améliorer leur réputation. Un autre enjeu, tout aussi structurant pour les banques traditionnelles, est leur besoin de développer leur parc de clients. Les établissements bancaires connaissent en effet de fortes tensions sur leurs revenus, liées notamment au contexte de taux bas dans lequel ils se trouvent depuis maintenant plusieurs années et auquel ils devront vraisemblablement s’habituer. Face à cette baisse de leur Produit net bancaire, ils cherchent alors, d’une part, à développer leur volume d’affaires avec leurs clients acquis et, d’autre part, à conquérir de nouvelles relations. Dans cette quête, les banques se heurtent à une concurrence exacerbée par l’arrivée des néo-banques et autres FinTechs. On notera que la concurrence au sein du secteur bancaire est restée pendant longtemps très limitée. Une explication vient de l’hyper-réglementation du secteur qui agissait comme une forte barrière à l’entrée. La révolution numérique, le développement du digital et, paradoxalement, les dernières évolutions réglementaires
La question plus globale est de savoir comment une banque traditionnelle peut se démarquer de ses concurrents, en ne misant pas uniquement sur les nouveaux modes de distribution de ses produits. Nous sommes là confrontés à un dilemme : celui de choisir entre mimétisme et différenciation. Alors que les établissements cherchent à se distinguer, notamment au travers des innovations, ils adoptent pour autant des comportements grégaires et ne font que suivre les mêmes tendances, plutôt que réellement se différencier.
Un partenariat banques-État pour une éducation économique et financière de tous
Même si la situation tend à s’améliorer, le secteur bancaire conserve une image dégradée. La crise de 2008, dont les banques sont largement tenues pour responsable, les affaires Kerviel et l’amende de BNP Paribas aux États-Unis, pour ne citer qu’elles, ont laissé des traces auprès du grand public. Il n’est pas rare d’entendre que les banques ne sont que des « pompes à fric » et qu’elles « n’ont que faire de leurs clients ». Alors même que le panel interrogé dans le cadre de ces travaux reconnaît unanimement un caractère incontournable aux banques (certains pouvant le regretter), peu de personnes en connaissent le fonctionnement. Pour autant, ils considèrent les banques comme légitimes pour apporter une expertise. Ils attendent d’elles un rôle d’accompagnant, d’éducateur (au sens de professeur) à la gestion budgétaire aussi bien à destination des personnes fragiles, des plus jeunes que de tous, pour améliorer la gestion de son budget.
Sans écarter les abus et les fautes qui ont pu être commis, il semble tout aussi absurde de nier le rôle positif que jouent les banques au quotidien. C’est pourquoi il semble pertinent de nouer un partenariat entre l’État et les banques, afin de donner à tous les Français un socle de connaissance minimal en économie et de leur permettre de comprendre le fonctionnement du système bancaire dans lequel ils vivent. Il ne s’agit bien entendu pas de faire du prosélytisme ou de la démagogie. Il s’agit simplement de permettre à chacun de pouvoir être critique en connaissance de cause.
Devenir « Advise Centric »
C’est la qualité du conseil, l’expertise dispensée, qui permettront aux banques de se différencier les unes des autres. Toutes les forces de l’entreprise doivent converger vers le seul objectif de procurer une expérience client exclusivement basée sur le conseil. C’est d’ailleurs ce que les consommateurs expriment, aussi bien en 2017 dans une étude du cabinet
Fini le temps du greenwashing, place aux actes
Outre la sécurité, les consommateurs attendent de leur banque de la transparence. À l’ère du digital, une réponse pourrait passer par le développement d’une application grâce à laquelle, en un clic, le client (ou le prospect) obtiendrait instantanément les caractéristiques du produit souscrit (ou envisagé), des avis comparatifs établis par d’autres consommateurs, les notations des agences extra-financières, un comparatif avec les produits concurrents, et surtout une visibilité sur ce à quoi sert concrètement son argent. Pour autant, il ne faut pas oublier l’interne. Il est tout aussi primordial d’acculturer l’ensemble des collaborateurs à la notion de RSE que de communiquer auprès de ses clients. Ceci peut passer par la nomination de « RSE Officers » dont la mission serait à la fois d’évangéliser leurs collègues, à tous les niveaux, mais aussi de coordonner des actions locales qui donneraient corps à la théorie. Une option pourrait par exemple être de lancer un « Solidarity Day » annuel. Le même jour, l’ensemble des collaborateurs seraient invités à participer à l’action RSE de son choix, aux côtés d’associations partenaires de la banque. Les réseaux sociaux permettraient de communiquer sur les actions concrètes mises en place et assureraient le bouche-à-oreille attendu, comme seul vecteur de communication en la matière.
Et (après) demain ?
Qu’elle prenne la forme d’assistant personnel, d’enceinte connectée, de robot ou autre chatbot, l’Intelligence artificielle (IA) est de plus en plus intégrée dans nos vies. Son développement soulève, comme pour toute évolution technologique, de nombreuses questions, notamment en matière d’éthique. On peut alors, légitimement, s’interroger sur les nouvelles responsabilités que l’IA va faire porter aux entreprises. Un sujet pour une prochaine thèse…