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Commissionnement

Réinventer les systèmes de management de la performance dans les réseaux bancaires

Créé le

18.11.2010

-

Mis à jour le

04.08.2011

Alors que le Crédit Mutuel vient d'innover en centrant sa dernière campagne publicitaire sur l'absence de commissionnement produits de ses conseillers clientèle, où en sont les pratiques des banques de détail françaises en la matière ? De bonnes pratiques se distinguent.

La crise financière a engendré de profonds changements dans la relation client-banque. En plus d’un contexte économique moins favorable, les banques doivent davantage tenir compte d’une opinion publique plus circonspecte et faire face aux régulateurs qui affermissent leurs exigences. Considérée comme la pierre angulaire de la performance commerciale des banques, l’évolution des systèmes de commissionnement a un rôle important à jouer dans la recherche d’une meilleure synthèse entre intérêts des clients, objectifs de développement des banques et motivation des conseillers. La question essentielle est de savoir quels sont les critères à privilégier pour bâtir des approches commerciales gagnantes dans ce nouvel environnement ?

Si la dernière décennie s’est accompagnée d’une croissance soutenue pour la banque de détail, force est de constater que les approches commerciales qui ont réussi dans le passé montrent à présent des limites. L’observation des modèles de pilotage commercial, autour desquels s’articulent les systèmes de commissionnement, laisse apparaître des enjeux importants en termes de gestion des réseaux avec des répercussions sur la motivation des conseillers et la qualité du service client.

Les failles des systèmes de commissionnement actuels

Chaque réseau de distribution a développé son propre système de commissionnement pour répondre à des objectifs précis. Leur analyse fait apparaître cinq grandes catégories (voir le schéma 1) dont aucune n’adresse intégralement l’enjeu de mise en adéquation des systèmes de management commercial – et donc du commissionnement – avec les nouvelles exigences réglementaires et la réalité des besoins clients.

Dans l’approche de type « bâtonnite », le commissionnement du conseiller est proportionnel à sa capacité à atteindre des seuils d’objectifs sur de multiples lignes produits. Pour atteindre ces seuils, il y a un risque que le conseiller « pousse » des produits qui ne répondent pas forcément au profil des clients (misselling).

Avec le commissionnement sur vente, le conseiller est « incentivé » sur l’ensemble des gammes, sans objectif précis par produit. Si le risque d’inadéquation entre produits distribués et besoins clients est ici moindre, cette approche n’intègre pas l’analyse de l’équipement client ou du niveau de satisfaction de sa relation avec la banque.

Enfin, ce qui prévaut dans l’approche discrétionnaire est la capacité du conseiller à développer la relation avec les clients qui lui sont confiés et à accroître ses propres compétences. Toutefois, ces deux critères – dépendant du bon jugement du manager de proximité – engendrent parfois le sentiment d’opacité quant à l’équité dans la distribution des parts variables et peuvent, au final, s’avérer peu motivants pour le conseiller.

Des approches plus expérimentales

Deux autres approches commerciales plus innovantes ont été expérimentées pour mieux répondre aux trois contraintes précitées. L’une d’elles repose sur la reconnaissance de la valeur ajoutée. Dans ce dispositif, le responsable d’agence est positionné comme un « chef d’entreprise » avec pour objectif l’optimisation de son compte d’exploitation. Le conseiller se voit, quant à lui, objectivé sur l’ensemble des leviers de rentabilité à moyen terme (vente, rétention des encours, qualité de service, etc.) afin de concentrer ses efforts sur les différentes formes de création de valeur.

La dernière piste consiste à valoriser le développement d’une franchise client. Dans cette approche les objectifs du conseiller et du management portent moins sur des objectifs produits que sur leur capacité à faire évoluer le fonds de commerce en cohérence avec les objectifs stratégiques de la banque (conquête de nouveaux clients jeunes, maintien du stock de clients patrimoniaux, augmentation de la clientèle intermédiaire, etc.).

Si les principes qui animent ces deux dernières approches sont séduisants, ceux-ci restent néanmoins risqués et complexes à mettre en œuvre car très en rupture par rapport aux modèles et aux organisations en place.

Trois leitmotivs pour faire évoluer un système

Si une remise à plat complète des systèmes actuels apparaît difficile, il est en revanche inévitable de les faire évoluer rapidement. Selon nos observations, trois composantes inhérentes aux systèmes de commissionnement méritent d’être davantage prises en considération pour tendre vers un meilleur alignement entre intérêts des clients, résultats de la banque et motivation des conseillers :

  • accompagner la performance individuelle – la contribution du conseiller à la dynamique commerciale (vente de nouveaux produits, suivi de l’équipement et des encours existants, etc.) reste primordiale. Il est indispensable de développer la motivation des conseillers en leur donnant davantage de marge de manœuvre pour concentrer leurs efforts sur la commercialisation de produits et services qu’ils maîtrisent bien. Cela implique notamment que le management intermédiaire dispose de bons indicateurs pour accompagner le développement des compétences. Mais il est également important que ces indicateurs permettent d’aller au-delà du seul suivi de la performance « instantanée ». Si les objectifs doivent être précis, le suivi du management doit être adapté pour permettre une meilleure prise en compte des besoins de clients sur le moyen terme;
  • accroître la qualité de service qui, peu valorisée dans les modèles actuels, est pourtant un élément clé. La capacité à intégrer la dimension relationnelle – le « comment » – à la mesure de la performance est essentielle dans un contexte où le niveau d’équipement des clients arrive à saturation. Dès lors, l’enjeu se situe moins dans la recherche de sur-productivité commerciale des conseillers que dans la capacité à accompagner au niveau local le développement des ressources les moins performantes (voir le schéma 2);
  • favoriser le développement collectif, qui se traduit par la capacité d’une agence à attirer de nouveaux clients tout en gérant efficacement le fonds de commerce constitué en favorisant, notamment, le partage des bonnes pratiques entre conseillers.
Face aux évolutions profondes du marché, il n’est plus possible de se limiter à des ajustements à la marge des systèmes de commissionnement. Revisiter ces systèmes suppose de se placer davantage dans une démarche d’accompagnement du client dans la durée plutôt que dans une logique à court terme. Ceci est d’autant plus nécessaire à un moment où le marché français fait face à de vrais enjeux de développement et que les clients sont de plus en plus attachés à un suivi personnalisé, à un bon niveau de qualité de service ou encore, à davantage de stabilité dans la relation tissée avec leur conseiller.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº730