« Le shadow banking (SB) reste un thème d'actualité qui véhicule encore beaucoup de fantasmes, a
- Quelle est la dimension réelle de ce secteur particulièrement développé dans les pays anglo-saxons et en Europe ?
- Quelles raisons peuvent expliquer cette accélération de la croissance du SB (offre et demande d'actifs, crédits non bancaires, diversification du risque) ?
- Le SB exerce-t-il un rôle économique à part entière, ne serait-ce que pour assurer une meilleure diversification du risque ?
- A-t-il joué un rôle particulier de transmission des risques lors de la dernière crise financière ?
Réguler les acteurs
Vivien Levy-Garboua (Senior Advisor à la DG de BNP Paribas) affirme que toute crise économique grave s'accompagne d'une crise des banques qui résulte d'erreurs d'appréciation du risque par ces dernières. Il constate que la révolution financière débutée dans les années 1980 a conduit à une reconfiguration du système financier en trois blocs : les banques centrales, les banques commerciales et les entités de finance alternative (fonds et banques de marché). Les activités de ces dernières sont sous-réglementées, tandis que celles des banques commerciales sont surréglementées. Un consensus sur la nécessité d'une régulation du SB semble acquis. Cependant, celle des opérations du SB, suggérée par le CSF, peut s'avérer difficile à appliquer. Il préconise une orientation de la régulation vers les acteurs du SB, et l'attribution d'un rôle particulier au superviseur monétaire, afin d'éviter que les éventuels problèmes du SB affectent le secteur bancaire réglementé et ne risquent de dégénérer en crise économique plus profonde.
Des règles simples…
Christian de Boissieu (professeur à l'Université Paris I) souligne que les encours relevant du SB sont estimés à plus de 70 trillions de dollars, soit un montant supérieur au PIB consolidé mondial. Ils recouvrent des fonds d'investissement alternatifs dont la disparité rend la régulation d'autant plus délicate. Selon la directive AIFM, ils répondent à des besoins spécifiques de financement et de couverture des risques de l'économie réelle. Il formule trois principales remarques :
- les mesures de régulation indirecte de ces divers instruments financiers sont dans l'ensemble préférables aux dispositifs de régulation directe ;
- la réglementation de certains fonds (notamment monétaires) est rendue difficile par l'hétérogénéité des statuts et des modes de valorisation des fonds des différents pays ;
- les systèmes de régulation mis en œuvre risquent d'être contournés par des innovations financières. Le respect de règles simples, favorables à une certaine flexibilité financière, s'avérerait donc plus efficace.
…mais adaptées à chaque canal de financement
Alexis Collomb (professeur, CNAM) invite à réfléchir aux implications du SB sur les mécanismes d'allocation de crédit et la fonction bancaire. Il rappelle que les fonds assimilables au SB (e.g. Special Investment Vehicles, conduits) ont souvent été sponsorisés avant la crise par de grandes banques internationales, notamment pour mettre certaines activités hors-bilan et contourner certaines normes ou régulations, mais aussi pour répondre de manière plus flexible à de véritables besoins de financement de l'économie réelle. Il constate aujourd'hui la forte croissance du SB, notamment en Chine et en Asie, et propose une typologie de ces modes de financement qui montre l'émergence de nouveaux acteurs : BtoB (private equity, Hedge Funds), BtoC (nouveaux organismes de crédit aux consommateurs), CtoC (peer-to-peer lending, monnaies parallèles), CtoB (crowdfunding). Il pense que la régulation du SB devrait être adaptée à chacun de ces canaux de financement et de crédit, en se focalisant en priorité sur les grands acteurs d'importance parfois systémique (e.g. gros Hedge Funds).
Des réactions nombreuses
Ces interventions ont donné lieu à diverses réflexions et questions de la part des nombreux participants, portant sur :
- le rôle des circuits traditionnels du financement immobilier et de la titrisation des créances bancaires dans la crise des subprime ;
- l'intégration du crédit interentreprises (trade credit) dans le SB ;
- la nécessité d'édicter quelques principes généraux d'une régulation pour limiter les effets de contagion ;
- la complexité de la régulation du SB due à la différence d'approches entre les régulateurs anglo-saxons et européens continentaux.