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Quels sont les risques liés à l'externalisation ?

Créé le

21.07.2011

-

Mis à jour le

30.08.2011

L’externalisation (outsourcing) est désormais un phénomène incontournable… et risqué. Si les entreprises y recourent pour réduire les coûts et les délais de mise en œuvre, elles doivent en revanche se préserver des risques pouvant impacter leur activité, leur rentabilité et leur image.

Au contraire de la sous-traitance, l’externalisation concerne généralement des activités qui contribuent substantiellement à la création de valeur par l’entreprise. Elle s’inscrit dans la durée et s’accompagne souvent d’un transfert de ressources. Le marché de l’externalisation, dominé par une dizaine d’acteurs occidentaux et à peu près autant d’acteurs indiens, est un marché mondial.

Un axe de segmentation concerne la maturité de l’offre et sa complexification progressive. Il permet de distinguer les prestations techniques (ITO) telles que l’informatique et les télécommunications, les prestations métiers (BPO) comme l’administration des opérations de crédit et l’exécution des paiements, et enfin les prestations à haute valeur ajoutée (KPO) telles que l’analyse sectorielle ou la fonction Product Control.

Les opérations de type ITO représentent les deux tiers des prestations, en légère croissance. Les opérations de type BPO représentent un tiers des prestations, avec une croissance annuelle à deux chiffres. Les opérations de type KPO sont quant à elles les plus prometteuses.

Pour tout type de prestation, la demande est essentiellement localisée en Europe et aux États-Unis. En particulier, le secteur de la banque et de l'assurance représente près de 40 % des recours à l’externalisation. En ce qui concerne l’offre, les centres sont essentiellement localisés en Asie (60 %), devant l’Europe de l’Est (20 %) et l’Amérique latine (15 %). Enfin, la Chine est le second pays, après l’Inde, à être reconnu comme stable par le marché.

Pourquoi externaliser ?

La décision d’externalisation est une décision stratégique qui implique, dans la majorité des cas, la direction générale. Le recours à l’externalisation est fondé sur :

  • une rentabilité accrue, à travers une importante réduction des coûts, pouvant atteindre 25 % dès la première année et 50 % en 5 ans, sans recourir aux investissements associés ;
  • une réduction des délais opérationnels, le processus pouvant être structuré de telle sorte qu’il « suive le soleil », sur différents fuseaux horaires, et ne connaisse aucun temps mort ;
  • le recentrage de l’entreprise sur ses activités stratégiques, pour préserver sa capacité à innover et à se métamorphoser.
A contrario, les coûts liés à la négociation du contrat et au contrôle de la qualité de la prestation se révèlent nettement supérieurs à ceux constatés dans le cas d’une prestation réalisée en interne.

Des risques multiples

Ainsi, les risques et surcoûts inhérents à l’externalisation sont nombreux et parfois négligés devant les bénéfices immédiats affichés et les gains potentiels escomptés.

  1. Le premier, et probablement le principal, est lié à l’impréparation : avant d’être externalisée, l’activité doit être structurée, documentée et accompagnée d’une métrique détaillant la performance de chaque acteur, faute de quoi l’opération d’externalisation se termine généralement par un échec.
  2. Le second est lié au projet d’externalisation lui-même. Ce projet international, qui implique une refonte du modèle opérationnel, requiert la coordination d’expertises multiples tout au long de sa mise en œuvre.
  3. Un troisième risque concerne la qualité de la prestation délivrée. Il se traduit par la dilution du contrôle de l’activité due à la distance géographique et culturelle, aux intérêts divergents entre le donneur d’ordres et le prestataire, voire au manque relatif d’implication du prestataire comparé aux employés internes.
  4. Le risque de durabilité de l’adéquation de la prestation fournie est lié à la qualité des choix techniques et humains du prestataire, voire à sa propre capacité à assurer une pérennité du service. Une manière d’y répondre est d’évaluer le prestataire comme un partenaire avec lequel le donneur d’ordres partage un risque industriel à moyen ou long terme.
  5. La sensibilité des données transférées à l’étranger doit également faire l’objet d’une évaluation. Ce risque se traduit, d’une part, par une possibilité accrue de fraude et, d’autre part, par une réglementation renforcée concernant notamment les données clients.
  6. Enfin, un sixième et dernier risque concerne la viabilité d’un tel modèle. Il englobe les risques sociaux liés à la délocalisation d’emplois, les risques juridiques liés aux contrats de travail et, d’une manière générale, les conséquences à terme d’un tel transfert de savoir-faire, sur les plans humains, de l’organisation et des processus.
Ces risques évoluent aussi avec les principales tendances du marché, qu’elles concernent les pays donneurs d’ordres ou les pays offreurs de prestations.

Vers une réglementation plus restrictive ?

Du côté des pays donneurs d’ordres, les environnements législatifs et réglementaires ont contribué à la complexification des montages à mettre en œuvre pour bénéficier des effets de levier liés à de telles opérations. Des mesures émergentes, plus protectionnistes, telles que la proposition de loi « Durbin-Grassley Bill » aux États-Unis (voir Encadré), ne devraient avoir qu’un impact limité sur la demande, du fait du peu d’empressement des autorités à les mettre en œuvre.

Enfin, des évolutions telles que le cloud computing devraient affecter de manière marginale le modèle d’activité relatif à l’externalisation. Si elles concernent des domaines tels que la gestion des postes de travail, voire dans certains contextes la gestion des centres de données, leur impact à moyen terme devrait être négligeable sur le BPO et le KPO.

Du côté des pays offreurs de prestations, la concentration et la rationalisation de l’offre constituent la tendance principale, sous-tendue par un investissement majeur tant dans les infrastructures que dans la formation en masse de diplômés adaptés à la demande internationale.

N’existe-t-il pas un risque systémique majeur ?

Sans entrer dans le débat à propos de l’externalisation qui serait la cause ou le symptôme du déclin de la compétitivité relative d’une économie, prenons l’exemple de l’interprétation d’images radiologiques sous-traitée en Inde. Au niveau individuel, une telle mesure est rationnelle. Au plan systémique, la généralisation d’une telle orientation ne remet-elle pas en cause l’apprentissage sur le terrain qui s’effectuerait essentiellement dans le pays prestataire, au détriment des jeunes diplômés du pays donneur d’ordres ?

La généralisation d’une telle pratique à l’industrie financière ne pourrait-elle pas conduire à l’attrition des tâches opérationnelles à haute valeur ajoutée, passage obligé pour que les futurs cadres dirigeants puissent acquérir l’expérience nécessaire à l’accomplissement de leur fonction ?

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº739
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