« Malgré son caractère inédit, la présente affaire soulève une problématique à laquelle la Cour a été confrontée récemment, à savoir celle des restrictions concernant l’utilisation des espèces en tant que moyen de paiement » : ainsi débutent les conclusions de M. l’avocat général Athanasios Rantos dans l’affaire C-326/20 MONO. Le précédent auquel il est fait allusion est l’arrêt Hessischer Rundfunk
Dans l’affaire MONO, la question portait sur l’exonération des droits d’accise pour des produits livrés à des ambassades et services consulaires de divers États en Lettonie. L’exonération de droits d’accise par une législation nationale, comme la législation lettone, peut-elle être subordonnée à la condition que l’acheteur des produits soumis à accise s’acquitte du prix par des moyens de paiement autres que les espèces ?
Non, on ne peut pas toujours payer en espèces !
Dans sa décision Hessischer Rundfunk, la Cour, une fois retracés les principes fondamentaux du droit monétaire de l’Union
Dans l’affaire MONO, si la problématique était donc voisine, elle était cependant posée en des termes différents. Inversés même ! Ce n’est pas tant le paiement en espèces qui était exclu, à raison de ses inconvénients, que le « paiement bancaire » privilégié pour ses avantages. Avantage entre autres, dans le cas présent, de la lutte contre la fraude et les abus
Les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés
C’est alors que les juges de Luxembourg procèdent à l’examen de la « proportionnalité » de cette restriction aux moyens de paiement, en faisant référence à l’arrêt Commission c/ Portugal du 20 juin 2017
Privilégier les paiements électroniques ne se justifie pas toujours
La législation lettone s’est donc trouvée remise en cause. À l’aune du principe de proportionnalité, il s’avère que la fonction attachée aux paiements scripturaux est d’ores et déjà remplie par un certificat d’exonération qui accompagne nécessairement les produits soumis à accise circulant sous un régime de suspension de droits en vue d'être livrés à un destinataire
La présente décision de la Cour de justice de l’Union européenne est heureuse : faire primer les moyens de paiement autres que les espèces (monnaie scripturale, voire monnaie électronique, peut-être demain cryptomonnaies) quand l’acceptation des pièces et billets s’avérerait inadaptée, pourquoi pas ? Mais favoriser le « paiement bancaire » (« électronique » eût été préférable) pour une utilité accessoire (identification, traçabilité, etc.) qui est déjà remplie par ailleurs (ici, le certificat d’exonération) viole la juste proportionnalité entre mesures nationales et principes du droit de l’Union. Car doit demeurer « la possibilité, en règle générale, de s’acquitter d’une obligation de paiement au moyen de telles espèces » : mais cela, c’est l’arrêt Hessischer Rundfunk qui le dit