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Banque centrale européenne

Quelles inflexions avec l’arrivée de Christine Lagarde à la tête de la BCE ?

Créé le

21.10.2019

Christine Lagarde succède à Mario Draghi le 1er novembre au terme du mandat de 8 ans de celui-ci à la tête de la Banque Centrale Européenne. L’hypothèse d’une évolution de la politique de la banque centrale peut se lire à l’aune de la conjoncture économique ou des conséquences jugées trop négatives de la situation actuelle sur les banques européennes.

Où en est la politique monétaire à l'heure du départ de Mario Draghi ?

Le 1er novembre 2019, Christine Lagarde a pris ses fonctions de présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE). La Française n’arrive pas avec une page blanche à écrire : Mario Draghi, son prédécesseur, a annoncé le 12 septembre des mesures qui devraient courir jusqu’à 2020, voire au-delà. Bastien Drut, analyste chez CPR AM et coauteur du livre Comment les années Draghi ont changé la BCE, estime que « Mario Draghi termine son mandat avec une forward guidance extrêmement puissante, installant l’idée que les taux resteront très bas encore longtemps. Et il a annoncé la reprise de la politique d’achats d’actifs, qui démarreront d’ailleurs le jour de l’arrivée de Christine Lagarde. Christine Lagarde aura donc un peu les mains liées à son arrivée. »

La conjoncture ne devrait pas appeler d’inflexion de la politique monétaire à court terme selon Bastien Drut. « Je pense que Christine Lagarde va essayer de jouer la continuité en termes de politique monétaire au début de son mandat. L’Allemagne devrait entrer en récession technique au troisième trimestre et la croissance de la zone euro est très faible. L’hypothèse d’une remontée des taux future est donc beaucoup moins probable qu’elle l’était il y a deux ans ! », assure-t-il. La politique accommodante pourrait même s’accentuer. « Si la dégradation de l’activité se poursuit en Allemagne et si les anticipations d’inflation continuent à baisser, il y aura des velléités d’assouplissement supplémentaire de la part du Conseil des gouverneurs, avec sans doute davantage de baisse du taux de dépôt, peut-être début 2020 », ajoute l’analyste de CPR AM.

« Les décisions du 12 septembre de la BCE, parmi lesquelles la nouvelle baisse du taux de dépôt, ont été qualifiées de disproportionnées et dangereuses. Et on a constaté de très vives tensions au sein du conseil exécutif de la BCE. Au Cercle de la régulation et de la supervision financière (CRSF), nous pensons que Mme Lagarde devrait se défaire des actions de son prédécesseur et a les moyens de le faire », considère de son côté Bernard Pouy, président du CRSF.

Les effets négatifs de la politique monétaire devraient induire une inflexion, estime-t-il. « Nous sommes en fin de cycle. La politique des taux bas et surtout des taux devenus négatifs a des conséquences dévastatrices pour les banques : la seule dernière baisse des taux de dépôts coûtera 8 milliards d’euros aux banques. Aujourd’hui, les banques envisagent de faire payer les dépôts de leurs clients et les assureurs vont être dans l'incapacité de distribuer des produits d’assurance vie en euros. En Europe on constate une bulle immobilière et l'accumulation d'actifs douteux dans les bilans des banques dans des proportions déraisonnables du fait de cette politique de crédit facile. Il est temps d’inverser la tendance pour éviter cet étouffement des banques européennes alors que dans le même temps les banques américaines continuent de se développer, aidées par une réglementation de fait plus accommodante et la possibilité de titriser leurs créances immobilières, ce qu'il est impossible de faire en Europe du fait des taux immobiliers accordés », détaille Bernard Pouy.

Vers une introduction de la lutte contre le changement climatique dans les objectifs de la BCE ?

L’arrivée de Christine Lagarde permet aussi de poser la question d’une évolution des objectifs de la BCE. « Il y a trois sujets majeurs sur lesquels l’arrivée de Mme Lagarde pourrait entraîner une inflexion : la politique de taux bas, l’élargissement de l’objectif statutaire de la BCE au soutien de la croissance et à la lutte contre le chômage, et un véritable plan d'action contre le réchauffement climatique », résume Bernard Pouy.

Christine Lagarde s’est prononcée lors de ses auditions pour que l’environnement fasse partie des objectifs secondaires de la BCE. Bastien Drut (CPR AM) abonde : « Le changement climatique était absent des préoccupations de la BCE jusqu’à 2018. L’Allemagne a alors connu des événements climatiques exceptionnels qui ont eu un impact direct sur l’activité industrielle alors que beaucoup pensaient encore que le climat n’avait de conséquence que sur le long terme. La BCE a réagi avec des mesures concrètes mais limitées. »

Elle pourrait décider de « verdir » ses portefeuilles de rachat de titres qui aujourd’hui répliquent le marché avec l’argument de ne pas l’influencer. « On peut imaginer des concertations avec les autres autorités européennes, la Commission, le Parlement, pour décider de privilégier des secteurs à basse intensité carbone », estime Bastien Drut.

 

Achevé de rédiger le 25 octobre 2019.

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº837