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Réglementation

Provisionnement des NPL en Europe : une harmonisation à parfaire

Créé le

18.04.2018

-

Mis à jour le

26.04.2018

La Banque Centrale Européenne (BCE) a-t-elle finalement dû revoir sa copie sur le provisionnement des crédits non performants (NPL) ?

Non, sinon à la marge. Face aux critiques à l’encontre de son projet d’addendum publié en octobre 2017, la BCE a précisé ses objectifs. Elle a réaffirmé que l’addendum visait à préciser ses attentes en matière de provisionnement minimal des NPL et qu’il ne s’agissait pas d’une règle devant être respectée par toutes les banques. En langage prudentiel, il s’agit d’un instrument de « Pilier 2 » par lequel la BCE est habilitée à imposer des mesures particulières, en sus de mesures d’ordre réglementaires qu’une banque doit respecter (« Pilier 1 »). Il est vrai néanmoins que le calendrier de provisionnement qui prescrit un taux de provisionnement minimal peut laisser à penser que la BCE « légifère ».

Comment s’articule l’initiative de la BCE avec le projet de règlement européen publié en mars 2018 ?

Le projet de règlement européen vise à imposer aux banques des normes de provisionnement minimales selon un calendrier précis qui porte uniquement sur les crédits qui seront distribués après l’entrée en vigueur du règlement. Le stock de créances non performantes est donc exclu. Les crédits assortis de garanties devront être provisionnés à 100 % sur une durée maximale de huit ans selon un rythme progressif et, en l’absence de garantie, la durée est de deux ans. Cela rappelle les mesures envisagées dans l’addendum. Mais la portée de la proposition de la Commission européenne est différente puisqu’il s’agit d’un règlement d’application générale. Rappelons que ces normes de provisionnement sont considérées comme un filet de sécurité (backstop) applicable dans le cas où le provisionnement comptable est inférieur à la norme prudentielle. La BCE estime que ce cas de figure doit demeurer exceptionnel.

Les différences entre les deux initiatives ne témoignent-elles pas d’un manque de coordination ?

Oui. Pourtant l’objectif est identique à savoir imposer des normes minimales de provisionnement afin d’éviter, dans le futur, une accumulation de créances non performantes à des niveaux élevés, tels que ceux constatés pendant la crise. On peut donc se demander si l’addendum sera nécessaire le jour où le règlement européen entrera en vigueur.

Notons que l’addendum est applicable depuis le 1er avril tandis que le projet de règlement européen doit être discuté par les instances européennes et que le calendrier d’application n’est pas connu. On peut penser que son adoption donnera lieu à de nombreux débats et que le projet de texte actuel sera amendé.

Par ailleurs, il faut observer une différence significative entre les deux textes. En effet, l’addendum porte sur les nouveaux NPL, ce qui signifie que la BCE inclut dans le périmètre de l’addendum des crédits actuellement sains et qui deviendraient non performants à l’avenir. Le projet de règlement européen les exclut puisque les normes de provisionnement minimales ainsi que le calendrier ne visent que les nouveaux crédits. Enfin, on peut noter que le calendrier relatif aux NPL assortis de garanties est de huit ans dans le projet de règlement et de sept ans dans l’addendum. Le rythme de provisionnement est également différent.

Donc, à ce stade, les deux initiatives ne créent pas de difficulté particulière dans la mesure où leur calendrier d’application est différent. Il n’est pas exclu que la BCE doive revoir son texte le jour où le règlement sera adopté.

Quel impact anticipez-vous ?

Faible dans la mesure où le traitement du stock actuel de crédits non performants n’est visé par aucun des deux textes. En conséquence, leur impact sera très progressif et portera sur les NPL qui apparaîtront au fil du temps.

S’agissant du stock de NPL, on peut constater en Europe une diminution progressive mais néanmoins insuffisante. Les banques les plus concernées, en Italie par exemple, sont sans doute incitées par la BCE à poursuivre leurs efforts d’assainissement.

En ce qui concerne l’impact des nouvelles normes comptables (IFRS 9), nous ne nous attendions pas à une augmentation des provisions afférentes aux NPL puisque, a priori, l’une des nouveautés introduites par IFRS 9 résidait dans le provisionnement ex ante des créances saines. Or certaines banques, notamment italiennes, ont augmenté leurs provisions sur les NPL dans de fortes proportions. De fait, elles étaient incitées à le faire dans la mesure où l’impact de la première application d’IFRS 9 transite par les fonds propres comptables, sans effet sur le compte de résultat et, par ailleurs, l’impact sur les fonds propres prudentiels est étalé dans le temps (jusqu’en 2023), la première année (2018) l’impact étant limité à 5 % de l’impact total estimé.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº820