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La procédure bientôt remise en cause ?

Créé le

12.01.2022

Par le biais de sa Commission des sanctions, l’ACPR a développé progressivement un droit prétorien qui doit désormais être appliqué par les établissements assujettis au même titre que les dispositions du Code monétaire et financier. Au plan du droit, ce n’est pas sans poser certaines questions :

– au gré de ses décisions et de celles du Conseil d’État, la Commission des sanctions incorpore dans le motif de ses décisions les lignes directrices de l’ACPR et sanctionne leur non-respect, leur donnant une valeur normative qu'elles n’ont pas au départ ;

– le fait qu’un même régulateur, certes dans des organes différents, édicte des règles et se charge de sanctionner leur non-application, pose la question récurrente de la séparation des pouvoirs. Un constat interpelle. En dépit des garanties d’indépendance issues de l’organisation de la Commission des sanctions et des différents organes de l’ACPR, force est de constater en pratique que les réquisitions du Collège de supervision sont suivies de manière quasi systématique.

Ces réflexions sur l’avenir de la procédure française se posent alors qu’un autre front s’est récemment ouvert au niveau européen. La Commission européenne déplore en effet depuis plusieurs années le manque d’harmonisation au sein de l’Union européenne et la mise en œuvre disparate, que ce soit par les législateurs ou les superviseurs nationaux, des directives relatives à la LCB-FT. Pour y faire face, elle a publié le 20 juillet 2021 un « paquet législatif » devant permettre au cadre européen de lutter efficacement, et surtout de manière cohérente et uniforme, contre les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Ce paquet législatif est notamment composé d’une sixième directive AML, mais surtout de deux règlements, tous deux à l’état de projet à ce stade.

Ces projets de règlement européens à suivre

Le premier règlement vise à fournir un corpus réglementaire unique harmonisant les règles en matière de LCB-FT dans l’Union européenne sans laisser de place à l’interprétation inhérente à toute transposition de directive. Le projet comprend à ce stade des règles relatives aux obligations de vigilance, à la connexion des registres nationaux de comptes bancaires et aux missions et pouvoirs des autorités nationales. Le second règlement, qui constitue un élément central du paquet législatif selon la Commission européenne, a pour objet la création d’ici 2024 d’une autorité européenne de lutte contre le blanchiment des capitaux, l’AMLA (pour Anti-Money Laundering Authority).

L’AMLA sera notamment en charge d’assurer harmonisation, coordination et coopération entre les autorités nationales, que ce soient les autorités de sanction ou les cellules de renseignement financier de type TRACFIN. Cela passe notamment par l’émission de lignes directrices et de recommandations que devront suivre les autorités nationales, mais également par l’obligation pour ces dernières de divulguer certaines informations et de se soumettre à certaines requêtes personnalisées. Autant de nouveautés auxquelles la Commission des sanctions devra se conformer.

Le projet de règlement donne également un pouvoir de supervision et d’investigation à l’AMLA à l’égard des établissements opérant dans plusieurs États membres et présentant un certain niveau de risques. À ce titre, l’AMLA disposera d’un pouvoir disciplinaire lui permettant de prononcer des sanctions équivalentes à celles de la Commission des sanctions, et notamment des sanctions pécuniaires, voire de s’y substituer. Cela entraînera de facto de possibles procédures alternatives entre l’ACPR et l’AMLA, et soulèvera de nouvelles questions de subsidiarité.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº865