Le point de vue d’un banquier dans un conglomérat financier

La bancassurance est avant tout un mod&egrave;le tr&egrave;s d&eacute;velopp&eacute; en France et b&eacute;n&eacute;fique tout &agrave; la fois pour les banques et pour leurs clients. Son traitement prudentiel est particuli&egrave;rement complexe car multidimensionnel : il cumule 2 r&eacute;gimes de supervision, l&rsquo;un relevant des &eacute;quipes JST [1] de la BCE/ACPR pour les activit&eacute;s bancaires et la fonction conglom&eacute;rat et l&rsquo;autre national pour les activit&eacute;s d&rsquo;assurance, l&rsquo;ACPR pour les six grands groupes fran&ccedil;ais tous conglom&eacute;rats. Il porte sur deux secteurs dont les r&eacute;glementations reposent sur des philosophies d&rsquo;approches assez diff&eacute;rentes. Ces caract&eacute;ristiques jouent au sein des banques mais aussi au sein de leurs Coll&egrave;ges de supervision. Chassons d&rsquo;embl&eacute;e trois id&eacute;es fausses sur ce sujet. C&rsquo;est un sujet fran&ccedil;ais&hellip; Non, la derni&egrave;re liste publi&eacute;e par les Autorit&eacute;s europ&eacute;ennes comprend 78 conglom&eacute;rats europ&eacute;ens. &Agrave; l&rsquo;initiative du Cr&eacute;dit Agricole, un &laquo; Pan-european conglomerate club &raquo; r&eacute;unit d&eacute;sormais les 13 conglom&eacute;rats importants : Belfius Bank, BNP Paribas, BPCE, Caixa Bank, Cr&eacute;dit Agricole, Cr&eacute;dit Mutuel, Danske Bank, DZ Bank, La Banque Postale, OP Financial Group, Soci&eacute;t&eacute; G&eacute;n&eacute;rale, soit des groupes pr&eacute;sents dans 5 pays. Ce club est actif (deux r&eacute;unions physiques cette ann&eacute;e &agrave; Paris et &agrave; Francfort et de nombreux calls et &eacute;changes) et s&rsquo;est ouvert au dialogue avec la BCE notamment. La r&eacute;glementation sur les conglom&eacute;rats est l&agrave; pour favoriser les banques&hellip; Non, la Directive sur les conglom&eacute;rats financiers organise une surveillance prudentielle compl&eacute;mentaire des conglom&eacute;rats financiers qui vient s'ajouter aux r&egrave;gles sectorielles existantes dans la banque et dans l'assurance. C&rsquo;est une s&eacute;curit&eacute; suppl&eacute;mentaire car elle introduit des contraintes additionnelles : sur le suivi des grands risques, sur les op&eacute;rations cross-sectorielles, etc. L&rsquo;ensemble des acteurs trouve cette directive n&eacute;cessaire compte tenu des risques de contagion entre les deux secteurs. C&rsquo;est un sujet nouveau&hellip; Au contraire, ce sujet est vieux de plus de 20 ans. Le premier rapport du Groupe tripartite des autorit&eacute;s de contr&ocirc;le des banques, des entreprises d'investissement et des compagnies d'assurances date ainsi de juillet 1995. La Directive europ&eacute;enne sur les conglom&eacute;rats date, elle, de 2002 et constitue un socle prudentiel unique dans le monde. Une pol&eacute;mique est apparue en 2010 lorsque le Comit&eacute; de B&acirc;le a recommand&eacute;, avec la r&eacute;forme B&acirc;le III, de d&eacute;duire des fonds propres du groupe bancaire ceux qui sont allou&eacute;s aux soci&eacute;t&eacute;s d'assurance qui appartiennent &agrave; ce groupe. Le package europ&eacute;en CRR/CRD 4 transposant B&acirc;le III a permis, sous conditions renforc&eacute;es, aux conglom&eacute;rats financiers d'appliquer une m&eacute;thode alternative &agrave; la d&eacute;duction totale des fonds propres de l'assurance dans leurs ratios bancaires de solvabilit&eacute; (article 49 &sect; 1), dite &laquo; compromis danois &raquo; car d&eacute;cid&eacute;e lors de la Pr&eacute;sidence danoise, qui prend en compte le niveau de gestion int&eacute;gr&eacute;e et de contr&ocirc;le interne des entit&eacute;s relevant de la consolidation et cela sous contr&ocirc;le du superviseur. En d&eacute;pit des avanc&eacute;es europ&eacute;ennes, le sujet de couverture des risques en fonds propres refait r&eacute;guli&egrave;rement surface, remis d&rsquo;actualit&eacute; par des acteurs souvent nouveaux sur le dossier, sans connaissance de son historique ; il faut donc de nouveau faire de la p&eacute;dagogie et convaincre. &Eacute;clairons ce d&eacute;bat controvers&eacute;, une nouvelle fois au travers de trois &eacute;tapes. 1 re phase : suite aux travaux du Joint Forum, l&rsquo;Europe a mis en place d&egrave;s 2002 une r&eacute;glementation conglom&eacute;rats, tr&egrave;s stricte et couvrant plusieurs secteurs, notamment la banque et l&rsquo;assurance. Elle impose notamment de produire un ratio conglom&eacute;rat, transmis au superviseur. Ce ratio conglom&eacute;rat est bas&eacute; sur les normes r&eacute;glementaires sectorielles en vigueur [2] : tout conglom&eacute;rat doit respecter l&rsquo;ensemble des besoins en fonds propres en tenant compte de l&rsquo;exigence de chacun des secteurs : le secteur bancaire comprend les exigences du pilier I, du pilier 2 et des coussins suppl&eacute;mentaires qui lui incombent (coussin de conservation, contra-cyclique, syst&eacute;mique&hellip;) ; le secteur assurance inclut les exigences de SCR (Solvency Capital Requirements) et &eacute;ventuellement de capital suppl&eacute;mentaire (capital add-on). Et il est calcul&eacute; en &eacute;liminant les op&eacute;rations internes entre le secteur bancaire et le secteur assurances, sur les &eacute;l&eacute;ments de fonds propres et sur les assiettes de risques pour &eacute;viter un double emploi de fonds propres (cf. les instructions du r&egrave;glement d&eacute;l&eacute;gu&eacute; [3] et l&rsquo;arr&ecirc;t&eacute; fran&ccedil;ais [4] ). 2 e phase : le Comit&eacute; de B&acirc;le publie fin 2010 ses recommandations B&acirc;le III qui sont transpos&eacute;es en Europe dans le package CRR/CRD 4 en 2013. Apr&egrave;s des d&eacute;bats intenses, un accord a alors &eacute;t&eacute; finalis&eacute;. Tout d&rsquo;abord, un grand nombre d&rsquo;acteurs ont reconnu que la d&eacute;duction totale de B&acirc;le n&rsquo;&eacute;tait pas justifi&eacute;e. D&egrave;s juillet 1995 le rapport du Groupe tripartite cit&eacute; ci-dessus et cr&eacute;&eacute; &agrave; l&rsquo;initiative du Comit&eacute; de B&acirc;le concluait : &laquo; la d&eacute;duction totale ne permet pas d'&eacute;valuer globalement les risques au niveau de la soci&eacute;t&eacute; m&egrave;re ou du groupe, et elle ne donne &agrave; ceux-ci aucun avantage pour tout exc&eacute;dent de capital constat&eacute; dans les filiales. De ce fait, les soci&eacute;t&eacute;s m&egrave;res ne sont nullement incit&eacute;es &agrave; faire en sorte que leurs filiales aient davantage de fonds propres que le montant jug&eacute; ad&eacute;quat &raquo;. Ce point a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s largement confirm&eacute; ensuite. Nous avions r&eacute;dig&eacute; en juin 2011 un article dans Revue Banque [5] qui d&eacute;veloppait dix arguments en faveur de la Directive conglom&eacute;rats. Citons-en quelques-uns : le traitement de la d&eacute;duction de B&acirc;le III p&eacute;naliserait les compagnies d'assurance bien capitalis&eacute;es et favoriserait les assurances &agrave; effet de levier ; tout buffer de fonds propres dans l'assurance p&eacute;naliserait la banque ; la Directive conglom&eacute;rats reconna&icirc;t une valeur &agrave; l&rsquo;assurance en cas de difficult&eacute;s des activit&eacute;s bancaires alors que la d&eacute;duction totale attribue une valeur nulle, voire dans quelques cas une valeur n&eacute;gative, aux participations de la soci&eacute;t&eacute; m&egrave;re. L&rsquo;accord vot&eacute; en Europe par le Parlement europ&eacute;en &ndash; apr&egrave;s son approbation par le trilogue Commission europ&eacute;enne, Conseil et Parlement, a repr&eacute;sent&eacute; une alternative acceptable sous les r&egrave;gles prudentielles bancaires disponibles : un r&eacute;gime sp&eacute;cifique dit &laquo; compromis danois &raquo; est propos&eacute; ; la contrepartie exig&eacute;e par les autorit&eacute;s est que les banques publient d&eacute;sormais leur ratio conglom&eacute;rat de solvabilit&eacute; jusqu&rsquo;alors simplement transmis &agrave; leur superviseur ; les textes finaux du CRR sont am&eacute;nag&eacute;s en cons&eacute;quence, sans r&eacute;f&eacute;rence possible &agrave; la d&eacute;duction totale. Donc sans come-back sauf &agrave; revenir via une d&eacute;cision de niveau 1, c&rsquo;est-&agrave;-dire une r&eacute;vision du CRR lui-m&ecirc;me. 3 e phase : r&eacute;guli&egrave;rement, certains acteurs sont tent&eacute;s de revenir &agrave; la d&eacute;duction totale de B&acirc;le. Ce fut le cas l&rsquo;an dernier &agrave; Francfort mais la BCE a confirm&eacute; en mars 2016 la validit&eacute; du traitement &laquo; compromis danois &raquo; au travers de son guide relatif aux options et pouvoirs discr&eacute;tionnaires. Les initiatives de la Commission europ&eacute;enne, &agrave; travers sa consultation sur l&rsquo;&eacute;valuation de la performance de la FICOD, et de l&rsquo;EBA &agrave; travers la consultation sur le Pilier 3 vont-elles rouvrir le d&eacute;bat sur ce sujet (voir Encadr&eacute; 2) ? Ce serait regrettable car il convient de maintenir l&rsquo;&eacute;quilibre obtenu dans le CRR. Enfin, sur le fond, pourquoi stigmatiser les conglom&eacute;rats qui ont prouv&eacute; leur robustesse pendant la crise ? Il y a d&rsquo;autres diff&eacute;rences entre le CRR europ&eacute;en et les recommandations du Comit&eacute; de B&acirc;le sans qu&rsquo;il soit propos&eacute; que celles-ci figurent en Pilier 3. En conclusion, l&rsquo;industrie reste oppos&eacute;e &agrave; la d&eacute;duction des participations assurance sur les fonds propres. Elle ne souhaite pas s&rsquo;afficher aupr&egrave;s des investisseurs avec une mesure b&acirc;loise jug&eacute;e non fond&eacute;e alors que m&ecirc;me les &Eacute;tats-Unis n&rsquo;appliquent pas cette d&eacute;duction totale. Elle est bien s&ucirc;r pr&ecirc;te &agrave; analyser toute am&eacute;lioration coh&eacute;rente de la Directive conglom&eacute;rats mais sans aller jusqu&rsquo;&agrave; la publication d&rsquo;une information qui d&eacute;forme notoirement la solvabilit&eacute; des groupes bancaires. 1 Joint supervisory teams . 2 C&rsquo;est-&agrave;-dire le r&egrave;glement 575/2013 du Parlement europ&eacute;en et du Conseil du 26 juin 2013 (dit CRR) et la directive 2013/36/UE du Parlement europ&eacute;en et du Conseil du 26 juin 2013 pour la banque et la directive 2009/138/CE du Parlement europ&eacute;en et du Conseil du 25 novembre 2009 (dite Solvabilit&eacute; 2) pour l&rsquo;assurance. 3 R&egrave;glement d&eacute;l&eacute;gu&eacute; (UE) n&deg;342/2014 de la Commission du 21 janvier 2014 compl&eacute;tant la directive 2002/87/CE du Parlement europ&eacute;en et du Conseil et le r&egrave;glement (UE) no 575/2013 du Parlement europ&eacute;en et du Conseil par des normes techniques de r&eacute;glementation pour l'application aux conglom&eacute;rats financiers des m&eacute;thodes de calcul des exigences en mati&egrave;re d'ad&eacute;quation des fonds propres. 4 Arr&ecirc;t&eacute; du 3 novembre 2014 relatif &agrave; la surveillance compl&eacute;mentaire des conglom&eacute;rats financiers. 5 &laquo; R&eacute;forme prudentielle de B&acirc;le III : pr&eacute;server le mod&egrave;le r&eacute;silient de la bancassurance fran&ccedil;aise &raquo;, Revue Banque n&deg; 738, juillet-ao&ucirc;t 2011.

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