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Plafonnement des bonus : vers une « médiocratie » ?

Créé le

19.03.2013

-

Mis à jour le

26.03.2013

Après une interminable phase de trilogue, États membres et députés européens ont enfin abouti à un accord politique sur la CRD 4 qui, en plus de traduire Bâle III en droit européen, prévoit de limiter les rémunérations variables des banquiers à 100 % de leur fixe [1] . C’est une victoire hautement symbolique pour les députés et un petit séisme dans toute l’Europe, City comprise. Des détails techniques comme la date d’entrée en vigueur ou la prise en compte de la part différée du bonus – obligatoire depuis la CRD 3 – doivent encore être tranchés, mais le principe est acté.

De l’autre côté de la Manche, banquiers et pouvoirs publics se sont immédiatement émus de la distorsion de concurrence en faveur de Zurich, New York ou Singapour. Un point de vue que partage le chasseur de têtes français Éric Singer, du cabinet Singer & Hamilton : « avec une telle mesure, le départ des talents vers d’autres juridictions ne fait aucun doute. Cela s’est déjà produit en France à la fin des années 1980, lorsque certains établissements s’étaient imposé une règle similaire. Pour réussir un deal, ce n’est pas la « marque » de la banque qui compte, mais les compétences du collaborateur et la disponibilité des fonds propres de l’établissement. Si une autre banque, avec les mêmes fonds propres, paie mieux les efforts du collaborateur, il partira. » Le recruteur redoute le développement d’une « médiocratie » dans les établissements européens. Une vision que ne partage pas Régis Dos Santos, du Syndicat national de la banque et du crédit : « il restera toujours des “mercenaires” pour lesquels l’argent est roi. Ceux-ci iront ou resteront aux États-Unis ou en Asie. Mais les générations nouvelles accordent beaucoup plus d’importance à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle qu’il y a 10 ans. Ils sont moins prêts à tous les sacrifices », estime le syndicaliste, qui ne croit pas à des départs massifs, dans la mesure où la loi couvre Londres.

La réaction des collaborateurs dépendra également de la capacité des banques à augmenter la part fixe des salaires, phénomène déjà à l’œuvre pour contourner les précédentes réglementations sur les bonus. Mais les banques universelles, notamment françaises, auront-elles massivement recours à cette solution qui reste infondée économiquement et risquée en termes d’image ?

1 Ou 200 % avec l’accord de plus des deux tiers des actionnaires.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº759
Notes :
1 Ou 200 % avec l’accord de plus des deux tiers des actionnaires.