Avec l'épisode de la restructuration de la dette grecque, l'extension de la crise financière a invalidé en 2012 la notion d'actif sans risque associée aux obligations d'État des pays développés. Privés de ce repère, les investisseurs institutionnels internationaux (caisses de retraite, fonds de pension, compagnies d'assurance, banques, etc.) sont aujourd'hui tenus de réviser leur allocation de portefeuille et ce au moment où, de manière surprenante, le risque porté par les emprunteurs souverains n'a jamais été aussi mal rémunéré. L'État français, fraîchement déchu de son statut d'emprunteur AAA, continuait en décembre de s'endetter à des taux toujours plus bas, négatifs en termes réels, sous des niveaux jamais observés depuis la création de l'euro.
Si réévaluer le prix du danger sonne comme un impératif, l'équation à résoudre pour dégager un rendement significatif sur longue période se complique pour les investisseurs institutionnels. En Europe, l'environnement réglementaire, couplé à une conjoncture dégradée et à une démographie vieillissante, se traduit par un raccourcissement de leur horizon de gestion. Au sein des fonds de pension à prestations définies, l'augmentation de l'âge moyen des cotisants rend la consommation des actifs inéluctable. Dans les mondes de la banque, des assurances ou encore des fonds de pension soumis à des réglementations proches de Solvabilité 2, la juxtaposition d'une mesure du risque portant sur un horizon court à une comptabilisation en valeur de marché grève toute la capacité des investisseurs à adopter des positions contracycliques, sauf à accepter d'y mobiliser des fonds propres conséquents !
Depuis 2007-2008, le poids des actions au sein des allocations stratégiques des caisses de retraite françaises s'est considérablement réduit, passant de 25 % en moyenne à près de 5 % aujourd'hui, selon l'Association française des investisseurs institutionnels (Af2i). La même trajectoire s'observe au sein des portefeuilles des grandes compagnies d'assurances. Ce mouvement de retrait des marchés actions s'observe à l'échelle mondiale. Durablement installé, il a progressivement gommé les stabilisateurs automatiques de marché qui prévalaient en temps de crise au cours des décennies précédentes.
Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que, fin 2012, les plus grands investisseurs internationaux citaient une nouvelle fois la volatilité parmi les principaux risques à surveiller au cours des douze prochains mois, aux côtés de l'inflation, de la crise de la dette souveraine et d'un possible éclatement de la zone euro, selon une enquête menée par bfinance auprès de 54 fonds de pension originaires d'Europe, d'Amérique du Nord et du Moyen-Orient, représentant un encours global sous gestion de 350 milliards de dollars.
Réduire la volatilité
Comment les investisseurs envisagent-ils d'atteindre les performances nécessaires au rétablissement de leur situation de solvabilité et à la couverture de leurs engagements de long terme ? Réalistes sur la situation, 80 % d'entre eux ont réduit l'objectif de performance assigné à leur portefeuille d'actifs. Soucieux d'une meilleure maîtrise de la volatilité associée aux actifs risqués, ils envisagent une nouvelle approche pour leurs gestions « passives » ou indicielles. Les mouvements de plus en plus marqués des indices fondés sur les capitalisations de marché les amènent à privilégier aujourd'hui des solutions fondées sur des indices efficients (smart beta), en vue de réduire le niveau global du risque pour une performance similaire. Pas moins de 43 % des investisseurs prévoient de réallouer une partie de leurs gestions passives en direction de ces solutions.
Les stratégies dites de faible volatilité/variance minimale et les
Refonte des portefeuilles obligataires
En marge de la maîtrise de la volatilité, qui permet un retour prudent sur les actifs risqués, l'autre tendance appelée à se prolonger en 2013 concerne la refonte des portefeuilles obligataires. La montée du risque souverain et la faiblesse des taux d'intérêt à long terme, elle-même conséquence de la crise et des politiques d'assouplissement quantitatives menées par les principales banques centrales, incite les investisseurs à se détourner des obligations d'État depuis maintenant 3 ans. La forte dégradation du niveau de couverture des engagements incite aujourd'hui les fonds de pension à réintroduire des sources de rendement en portefeuille. L'enjeu consiste à reprendre du risque, mais de manière graduée, avec une hiérarchie adaptée au profil de chaque investisseur se déclinant de la manière suivante, du moins risqué au plus risqué : crédit investment grade, puis high yield et enfin dette émergente, avant d'arriver sur le profil rendement risque des actions, puis des actifs non cotés.
L'écrasement des marges observé dans le courant de l'année 2011 sur les emprunts corporate de la catégorie investissement a poussé les investisseurs à diversifier leurs investissements en crédit en s'élevant sur l'échelle des risques. Après le high yield, qui s'est notamment décliné dans les portefeuilles sous la forme de fonds investis en titres de maturité courte, les institutionnels s'intéressent aujourd'hui aux «
Cette problématique de l'analyse et de la compréhension du fonctionnement de l'investissement est peut-être encore plus aiguë en matière d'investissements non cotés, qui constituent l'autre tendance à l'œuvre en matière de réallocation des portefeuilles des fonds de pension. Là encore, les investisseurs, essentiellement ceux qui conservent un horizon d'investissement long, démontrent une volonté d'engranger en portefeuille des actifs non soumis à la volatilité d'une valorisation quotidienne.
Profiter de la croissance US
Les institutionnels semblent également avoir pris la mesure des enjeux et des bouleversements stratégiques de long terme, qui résident dans la croissance des économies émergentes : 52 % des investisseurs prévoient d'accroître leur exposition aux marchés émergents, tant à travers des investissements en actions qu'en dette, contre 2 % seulement qui prévoient de réduire leur exposition. Puisse leur scénario général écartant un ralentissement des économies émergentes l'an prochain se vérifier.
Car en dépit des apparences, en ce début d'année 2013, les investisseurs partagent une vision sensiblement optimiste de l'avenir. À la faveur d'une opinion générale estimant que les marchés actions sont actuellement bon marché et offrent de belles opportunités d'investissement – une opinion fortement relayée par l'industrie de la gestion collective –, les institutionnels prévoient de rester surpondérés en actions des pays développés sur la première partie de l'année. À l'heure où nombre d'économistes prédisent un renouveau de l'économie américaine, dont l'industrie sera tirée par une énergie abondante et bon marché avec le gaz de schiste, le sondage révèle sans surprise les intentions des investisseurs d'orienter, juste après les marchés émergents, leurs placements actions vers les États-Unis. Et, fait intéressant, alors que seuls de très rares fonds de pension se seraient risqués, mi-2012, à investir en actions de la zone euro, nombre d'entre eux placent cette catégorie d'actifs parmi leurs priorités en 2013.