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De nouvelles offres « MIF compliant » dans les réseaux bancaires : demain un gage de compétitivité

Créé le

08.04.2016

-

Mis à jour le

09.05.2016

La directive MIF II entraîne une refonte profonde du parcours du client lors d’une transaction sur un instrument financier. Les changements sont particulièrement notables dans la banque de détail et la banque privée ; ils sont aussi une opportunité de différenciation par rapport à la concurrence.

La directive MIF (Marchés d’instruments financiers, en anglais MIFID) est pilotée au niveau européen. Elle a mis en place dès 2007 un ensemble de mesures ayant pour objectif notamment un renforcement de la protection de l’investisseur, avec deux axes principaux : une plus grande transparence permettant une réduction des coûts et des frais de transaction couplée à de nouveaux impératifs de best execution.

La nouvelle directive MIF II, aujourd’hui pilotée par l’ESMA (European Securities and Markets Authority), renforce ces positions et introduit de nouvelles notions, telles que celle de conseil en investissement indépendant, imposant de fait la fin des rétrocessions dites « inducements ». La directive MIF II sera effective au 1er janvier 2018, après transposition en droit national. L’ESMA, qui assiste la Commission européenne dans l’élaboration finale de la directive, a publié un avis technique le 19 décembre 2014, permettant ainsi à la Commission européenne de faire paraître des actes délégués de niveau 2 le 28 décembre 2015, précisant notamment la mise en application opérationnelle de MIF II.

Un parcours client à encore refondre

L’application de la directive au 1er janvier 2018 impose la redéfinition d’un parcours client compliant MIF II, bien que celui-ci ait déjà été fortement impacté par MIF I. Cette dernière avait déjà posé les bases en introduisant une nouvelle définition du conseil d’investissement, qui doit répondre aux critères « approprié et opportun » et mettre en œuvre une première évaluation de la compétence du client et de sa connaissance des produits.

Avant la transaction

Avec MIF II de nouvelles mesures prétransaction doivent offrir au client l’assurance du choix du « bon investissement ». MIF II impose des informations dispensées plus poussées sur l’instrument financier ciblé par le client. En effet, la directive exige tout d’abord un « target market test » sur le produit que le client souhaite souscrire permettant de s’assurer de la bonne définition du marché cible. Le Prestataire de services d’investissement (PSI) va devoir être en mesure de fournir tout type d’informations sur l’instrument financier concerné, à savoir les risques inhérents qui lui sont inhérents, ses performances passées, les indices de volatilité, les conditions de désinvestissement, et ce quel que soit le type de transaction, un service de RTO « Réception transmission d’ordres » à valeur ajoutée ou bien une prestation de conseil en Investissement.

Cette obligation s’inscrit dans une logique européenne de meilleure information de l’investisseur. Le règlement européen 1286/2014, dit PRIIPS (Package Retail and Insurance-Based Investment Products) impose de même un document standard d’informations, le DICI (document d’information clé pour l’investisseur) destiné aux investisseurs non professionnels, et ce avant la signature de contrats ayant pour objet des produits d’investissements de détail et ceux fondés sur l’assurance. La directive UCITS IV a déjà introduit la remise du « DICI » avant la souscription d’un OPCVM. Concernant les produits d’assurance vie, IDD – qui succède à la directive DIA – reprend les objectifs d’information pré-trade de MIF II.

Les contrôles d’appropriateness, c’est-à-dire de vérification du caractère approprié de la transaction, sont renforcés et exigent la validation des connaissances et de l’expérience du client par rapport à la transaction prévue. Le client aura désormais tout type d’information disponible sur les coûts que va engendrer sa transaction. Il va par ailleurs devoir opérer un « suitability test » de façon extrêmement précise, qui aura pour objet de donner au conseiller une bonne vision de ses objectifs de placement, de son appétence au risque au regard de sa recherche de performance. Les résultats du suitability test seront communiqués au client avant la transaction, de même que tous les coûts afférents.

Au moment de la transaction

Lors de l’exécution de la transaction, la transparence concernant celle-ci se veut renforcée de même que l’obligation de best selection et de best execution. Le client doit confirmer lui-même l’ordre de transaction, toutes les communications afférentes à celle-ci sont enregistrées. Les bases de données seront conservées 5 ans. Il recevra par ailleurs un reporting ex-post incluant l’intégralité des coûts et des charges liés à la transaction.

Après la transaction

MIF II instaure un suivi client périodique. Ceci implique un rapport annuel intégrant la totalité des coûts, une présentation synthétique des frais bancaires ainsi qu’une décomposition des inducements.

Par ailleurs, un entretien annuel a minima est désormais une obligation avec une revue de la situation financière du client, un échange concernant ses objectifs en tant qu’investisseur, sa situation personnelle et professionnelle, et la révision du questionnaire associé.

Conjugué aux modifications du parcours client et au nouveau rôle du conseiller, le régulateur impose au banquier de faire désormais un choix entre le type de conseil en investissement délivré, indépendant ou non. Afin de garantir cette indépendance, il met fin à tout type de rétrocession ou inducement en cas de choix par le banquier d’indépendance du conseil, plus particulièrement en gestion sous mandat et en architecture ouverte. Le métier de la banque privée est de fait le plus lourdement impacté. Les réseaux retail français confirment en majorité, à ce jour, vouloir conserver leurs inducements, ayant comme conséquence immédiate une offre produits plus restreinte.

Un impact sur les process et les business models

La révision des parcours client, tant dans la banque privée que dans les réseaux de retail banking entraîne une révision des business models et des chaînes de traitement avec des conséquences lourdes sur la rentabilité des activités de demain. Cela va obliger les banques à inventer de nouveaux modèles de revenus.

Le concept de « suitability » s’inscrit dans un cadre plus large de gouvernance produit impliquant une révision des rôles des producteurs et des distributeurs. En effet, l’article 24.2 précise que : « les entreprises d’investissement qui conçoivent des instruments financiers destinés à la vente aux clients veillent à ce que lesdits instruments financiers soient conçus de façon à répondre aux besoins d’un marché cible défini de clients finaux à l’intérieur de la catégorie clients concernée, et que la stratégie de distribution des instruments financiers soit compatible avec le marché cible défini, et que les entreprises d’investissement prennent des mesures raisonnables qui garantissent que l’instrument financier soit distribué auprès du marché cible. »

Pour chaque instrument financier est défini un marché cible, le distributeur s’engageant à mener une politique de distribution cohérente. Les nouvelles relations entre producteurs et distributeurs vont ainsi engendrer de nouveaux flux d’informations dans les systèmes et de nouvelles exigences en matière de données. De même, les nouvelles exigences concernant le suitabiliy test imposent de revoir certains modèles de notation en termes de risque produit, d’adapter les arbres de décision, de mettre en place de nouveaux outils de simulation.

La refonte de nombreux process tels que le contrôle d’appropriateness au passage d’ordres va nécessiter en outre de nouvelles règles d’archivage des contrôles, des outils de simulation de toute opération, ayant ainsi des impacts forts sur les SI. Les conventions de comptes titres et PEA vont devoir être amendées, de nouvelles conventions de conseil signées pour l’ensemble des comptes CIF et PEA. La mise en œuvre de MIF II implique en outre des coûts importants en termes d’interface, de référentiels valeurs, de mise en place de nouveaux process et contrôles réglementaires, mais également de change management impératif, le conseiller devant désormais endosser un nouveau costume. Cette nouvelle forme de conseil s’avère plus exigeante quant au profil du conseiller, qui va devoir se former à de nouveaux aspects de son métier, avec de nouvelles exigences qualitatives appliquées à la compréhension des produits complexes, de connaissance détaillée de la réglementation sur les sujets tels que l’anti- blanchiment. Le conseiller devra passer de nouvelles certifications MIF II.

De fait, MIF II fait bouger les lignes des métiers de la banque de détail classique et de la banque privée en imposant de redéfinir le niveau de conseil attendu, de retravailler les scoring client afin d’améliorer l’analyse du « Risk Appetite » de ceux-ci et de dessiner une offre produits en conséquence, liée à un marché défini, et tarifée différemment. Les banques ayant développé des outils de simulation leur permettant une excellente connaissance du client et une bonne adéquation du service d’investissement proposé au besoin exprimé gagneront en compétitivité. Le régulateur impose donc aux banques de réinventer une nouvelle stratégie de distribution de leurs services d’investissement, bouleverse par là même les relations entre producteurs et distributeurs, et ce quel que soit le canal de distribution choisi, agence ou net. Face à ces contraintes émergent de nouvelles opportunités afin de permettre aux banques d’assurer leur rentabilité future et de réinventer une nouvelle tarification du conseil. Elles se doivent d’être inventives en touchant de nouvelles catégories de population via de nouveaux services, de nouveaux canaux de distribution et de nouvelles offres tels que les Robot Advisors.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº796