En un peu plus d’une décennie, Internet a généré de nombreuses nouvelles industries et façons de faire du business, notamment à destination du grand public : e-commerce, monétisation de contenus et d’audience, banque et bourse en ligne, réseaux sociaux, moteurs de recherche, galeries marchandes, affiliation, marketing viral, gratuité ou
En matière de paiement, outre les cartes bancaires domestiques et internationales, les moyens prolifèrent (voir Encadré 1), correspondant à autant de besoins et d’usages nouveaux (
- des e-Payment Services Providers (e-PSPs), naguère indépendants et aujourd’hui pour la plupart aux mains de grands groupes ou de fonds d’investissement : Cybersource (Visa Inc), Bibit (WorldPay), Global Collect, Netgiro (Digital River), Dibs, Datacash (MasterCard), Pago, Ogone, Atos Worldline ou Paybox (Point Intl)… ;
- ou des géants du web, des télécom, de l’IT tels que e-bay/PayPal, Amazon, Google, Apple, Facebook, Orange, et des spécialistes comme Rentabiliweb, CellfishMedia ou Hi-Media.
- la carte bancaire est de loin le premier mode de paiement en ligne ;
- le dénouement de la transaction, même avec des e-wallets ou des moyens privatifs, s’effectue en grande partie par l’utilisation d’une carte ou d’un compte bancaire ;
- les volumes de transactions en vente à distance n’ont cessé d’augmenter ;
- les banques contrôlent l’essentiel du marché de l’acquisition et de l’émission en France.
Les risques de désintermédiation
Mais il n’empêche que les risques de désintermédiation ou de relative banalisation existent, comme le montrent plusieurs signaux et événements :
- baisse de la rémunération unitaire ;
- moindres services à valeur ajoutée et moindre visibilité face à des acteurs « non bancaires » qui valorisent le poids et la notoriété de leur marque ;
- compétition accrue avec l’avènement des établissements de paiement et de monnaie électronique, arrivant de l’Europe entière ;
- enfin, le phénomène le plus remarquable est la capacité qu’ont les sociétés venues de l’IT et du Web de recruter leur audience en l’espace de quelques années, de l’augmenter continuellement – voire exponentiellement –, et de la monnayer dans les meilleures conditions, en apprivoisant ou réinventant les modèles les plus vertueux.
Les paiements dans un monde mobile, multicanal et convergent
Nul besoin d’être gourou pour prédire qu'avec le recours toujours plus universel aux terminaux communicants, les tendances actuelles vont s’amplifier. Avec le téléphone mobile, comme hier avec Internet, les clients voudront toujours plus s’informer, se former, travailler, se divertir, communiquer, acheter, gérer leur argent, payer… Mais loin de n'être qu'un nouveau canal de communication et de distribution, le téléphone mobile recèle en lui-même un potentiel propre à renouveler la relation client et le business sous-jacent, grâce à certaines de ses caractéristiques :
- sa portabilité et son universalité (rares sont ceux qui ne possèdent pas de téléphone portable ou « osent » s’en séparer, ne serait-ce qu'un court instant) ;
- il permet de réagir à des décisions ou des souhaits de façon instantanée et impulsive ;
- il intègre des services de géolocalisation, à savoir la capacité de recevoir et d’utiliser des services ciblés en fonction du lieu (voir le succès de Foursquare, qui permet à l’utilisateur de localiser ses contacts ou ses amis) ;
- il offre une richesse de fonctionnalités et d’interactions à portée de la main, dont certaines personnalisées : identifiant, pass, authentification forte, services multimédia (texte, voix, image, vidéo…) ;
- il propose de nouveaux modèles économiques différents et astucieux, à l’instar de l’« AppStore » qui est en lutte frontale avec le système proposé jusqu’alors par Google ;
- son usage est multi-canal : rebond d’une situation à une autre (point de vente, Internet, en mobilité).
Les stratégies bancaires
On a déjà pu observer dans de nombreux pays émergents ou développés la multitude de services et d’offres de paiements mobiles (en phases pilote ou généralisée, en modes NFC ou autre, en solo ou en compétition) et le nombre croissant de prétendants qui multiplient les initiatives, en proposant innovations et nouvelles offres : Google, Apple, PayPal, opérateurs télécom, de services (transport, parking…), chaînes de la distribution (Starbucks), spécialistes du transfert d’argent tels Western Union ou Moneygram, schemes internationaux Visa, MasterCard, Amex… sans oublier des start-up de tout poil qui annoncent chaque jour un service pouvant, à leurs yeux, révolutionner le marché des paiements mobiles (l’effet bulle est de retour…).
Evidemment, les banques ne sont pas en reste, en particulier en France :
- leurs applications mobiles sont largement plébiscitées, qu’il s’agisse de services informationnels ou mieux encore transactionnels ;
- certaines banques n’ont pas hésité à devenir MVNO (voir Encadré 2) ou à inventer un nouveau moyen de paiement tel que
i-deal aux Pays-Bas ou le dernier-né Kwixo ;[4] - elles prennent part à de nombreux projets de m-payment ;
- et bien sûr elles exploitent leurs atouts en matière de services de paiement : légitimité, expertise, fiabilité, taille et surtout gestion des risques, tant vis-à-vis du grand public que des professionnels, entreprises et commerçants.
Les règles du jeu ont changé
Et pourtant, surtout en matière de services de paiement mobile, il s’agit bien d’un nouveau « Far West » à conquérir où tout est encore possible, même si nombre de projets ne trouveront jamais leur voie, leur public ou leur business model.
Ce qui est en train de se produire oblige à considérer le marché des paiements sous de nouveaux angles, car il ne s’agit pas d’un épiphénomène. En effet, les règles du jeu ont bien changé, les enjeux sur les revenus et business models sont considérables (partage des rôles et de valeur, arrivée de nouveaux larrons aux moyens conséquents, potentiel de croissance prometteur, modèles disruptifs…), les effets constatés jusqu’alors ne vont que s’exacerber, les frontières entre paiement de proximité, à distance et en mobilité vont progressivement s’estomper (Ebay annonce déjà réaliser un chiffre d’affaires annuel supérieur à 2 milliards dollars en m-commerce et se lance dans les services de proximité).
Pour les prétendants à ce business, deux familles majeures de contraintes ou de stratégies semblent se dessiner :
- savoir gérer les services de paiement en grande quantité, au meilleur coût, de façon fiable et sur plusieurs géographies ;
- savoir proposer, voire imposer, sur ces modes de paiement de la valeur ajoutée, un autre modèle, des relations nouvelles avec ses clients et partenaires.
Les futurs vainqueurs
Il n’y aura pas de sitôt de modèle unique, mais plutôt pléthore de systèmes qui vont cohabiter. En effet, tant les technologies (NFC, SMS, Application, SIM, MicroSD, biométrie…) ainsi que les approches, modèles et partenariats possibles (entre fabricants de cartes, SIM, TPE, téléphones, éditeurs de logiciels, marchands, processeurs, banques, schemes, opérateurs télécom ou de services…) sont aussi nombreux que les segments de marché et niches adressables.
Qui saura le mieux maîtriser tout ou partie des relations et des données dans ces écosystèmes, en les rendant encore plus efficientes et rémunératrices ? Qui saura monétiser ces offres ? Pour désigner les futurs vainqueurs de cette épopée (parmi lesquels sans aucun doute, on retrouvera des noms bien connus et quelques néo-entrants de dernière heure), on ne pourra s’empêcher de souligner certains facteurs clés de succès :
- la puissance de la marque et de la plate-forme ;
- une large audience d’usagers, de membres ou de clients ;
- la capacité à façonner des services en phase avec les attentes des prospects, clients et partenaires (bon dosage entre juste exploitation des données, services et bénéfices rendus, niveau d’intrusion, prix, valeur, affinité, sens, « air du temps ») ;
- l’apport d’avantages distinctifs vis-à-vis d’autres habitudes et modes de paiement, en exploitant les atouts du téléphone portable sans en oublier quelques limites ;
- la mobilisation d’investissements significatifs ;
- l’agilité et vitesse d’exécution ;
- l’innovation, non pas seulement technologique mais aussi dans l’instauration de règles et modèles inédits, dans l’enrichissement continu de l’offre (passer de l’online à l’offline, du e-wallet à la carte ou vice-versa…) ou dans la mise en place d’alliances.
Les jeux sont loin d’être faits
La partie est ouverte et les jeux sont loin d’être faitss. En effet, les domaines d’application sont vastes et les variables multiples, les modes de paiement « traditionnels » ont encore de beaux jours devant eux, et les perspectives de business aiguisent les appétits ou éveillent la clairvoyance de nombreux acteurs, en mode défensif ou offensif. Dès lors, rendez-vous dans quelque temps et d'ici-là, que les meilleurs gagnent…