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Anticonformiste

Nassim Nicholas Taleb n’aime pas les grandes banques…

Créé le

12.06.2015

-

Mis à jour le

09.07.2015

L’auteur du Cygne noir, Nassim Nicholas Taleb, a donné une conférence à Paris le 8 juin 2015, à l'invitation de la chaire PARI [1] . Il a cherché à démontrer que les banques de grande taille sont plus fragiles que les petites, en s’appuyant notamment sur l’affaire Jérôme Kerviel : « Il avait caché 50 milliards d’euros et ça a coûté environ 4 milliards d’euros de perte pour les liquider. Si on avait un micro-Kerviel, du dixième de la taille, il aurait traité le dixième de la somme et aurait pris le dixième des risques. Liquider 5 milliards d’euros aurait généré des pertes beaucoup moins élevées que le dixième de ce qu’a perdu Jérôme Kerviel. Quand vous devenez grand, vous devenez de plus en plus fragile aux grands chocs. » De plus, le philosophe estime que les économies d’échelle ne fonctionnent plus au-delà d’une certaine taille. Enfin, « une banque qui aurait beaucoup de risques visibles ferait peur. Donc tout ce qu’il reste, ce sont les risques des queues [2] ».

Un exemple d’organisation solide pour celui qui se définit comme un mélange d’ingénieur et de decision maker ? L’Église catholique, dont la longévité prouve la capacité de résistance : « Elle fonctionne selon le principe suivant : rien n’est fait à un niveau plus élevé s’il peut être fait à un niveau plus bas. Cela génère une grande diversification opérationnelle et une habilité à absorber les chocs. » L’organisation la plus fragile serait  quant à elle soviétiforme : à la fois très centralisée et très concentrée. Il n’y a pas de volatilité, mais si une variation se produit, tout se casse.

Dans la plupart des domaines, quand une catastrophe se produit, par exemple un accident d’avion, cela réduit le risque de voir un autre crash se produire. « Dans le domaine bancaire, la faillite d’une banque ne réduit pas la probabilité d’une autre faillite bancaire. La régulation est bonne dans le domaine aérien, mais hélas, en finance, elle a poussé à l’utilisation d’outils relevant de la pseudo-science, comme la VaR [3] , qui est du baratin ».

…et vante les mérites des hedge funds

Pour réduire efficacement le risque, Taleb préconise le principe du « skin in the game », dont la traduction en français pose un problème à ce francophone. Il le compare à la loi du talion : si je peux faire du mal aux gens, il faut alors aussi que l’inverse soit vrai. Et Taleb de stygmatiser les modèles dans lesquels les bonus des opérateurs de marché sont sensibles aux gains et pas aux pertes. À l’inverse, il encense le fonctionnement des hedge funds où les dirigeants pratiquent le skin in the game en investissant leur propre argent.  Pour Nassim Nicholas Taleb, « les hedge funds constituent même le seul endroit en finance où le skin in the game est vraiment pratiqué ». Un véritable plaidoyer en faveur de la gestion alternative ! S. G.

1 Programme sur l’appréhension des risques et des incertitudes. 2 Allusion aux queues de distribution , c’est-à-dire les risques extrêmes. 3 Value at Risk.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº786
Notes :
1 Programme sur l’appréhension des risques et des incertitudes.
2 Allusion aux queues de distribution , c’est-à-dire les risques extrêmes.
3 Value at Risk.