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Coronavirus

Michala Marcussen : « La Banque centrale de Chine offre une liquidité abondante aux banques privées »

Créé le

17.02.2020

Quelles sont les conséquences de l’épidémie due au coronavirus, récemment dénommé Covid-19, sur l’économie mondiale ?

L’épidémie actuelle est souvent comparée à celle du SRAS en 2002-2003, mais depuis cette époque, le poids de l’économie chinoise dans le PIB mondial a presque quadruplé et ses interactions avec les autres économies se sont multipliées. À partir de ces observations, on estime que si la Chine perdait 1 point de PIB, l’économie mondiale perdrait 0,4 point de PIB, toutes choses égales par ailleurs.

Il est aujourd’hui encore trop tôt pour donner une estimation sur la crise actuelle, du fait notamment que la sévérité et la durée de l’épidémie restent inconnues. Bien entendu, plus elle sera de courte durée, moins il y aura d’impacts économiques durables.

Quelles mesures ont été prises par la Chine dans le domaine bancaire ?

Des directives ont été données aux banques chinoises pour qu’elles ne coupent pas dans l’immédiat les lignes de crédit aux entreprises ayant des problèmes de cash flow. Par ailleurs, certains aspects de la régulation bancaire ont été assouplis et la Banque centrale de Chine (People’s Bank of China – PBOC) a baissé les taux et offre une liquidité abondante aux banques privées, notamment au travers d’un dispositif (special lending funds) destiné aux entreprises qui connaissent des difficultés. L’objectif de la PBOC est d’empêcher une crise de liquidité qui pourrait se transformer en crise économique plus profonde déclenchée par un effet domino de défauts – une entreprise en manque de liquidités ne peut pas régler ses fournisseurs, qui ne peuvent pas payer les leurs, etc.

La Chine prépare également des mesures sur le plan fiscal pour combattre les effets économiques de l’épidémie. Si elle perdure, les banques centrales occidentales prendront elles aussi des mesures.

Même la BCE ? Celle-ci a-t-elle encore des marges de manœuvre ?

La BCE a encore des outils à sa disposition. Elle peut proposer un nouveau programme de TLTRO ou élargir sa politique de quantitative easing à de nouveaux actifs, ou encore baisser davantage son taux de dépôt. Quant à la FED, son président, Jerome Powel, a laissé entendre qu’elle se tenait prête à agir en cas de besoin. Les gouvernements occidentaux pourraient prendre eux aussi des mesures pour soutenir l’économie. Mais les Occidentaux ne prendront ce type de mesures que si la crise s’aggrave.

Comment analysez-vous la réaction des marchés financiers ?

Malgré l’incertitude, les marchés actions occidentaux sont plutôt dynamiques : après une légère chute, ils ont repris pour atteindre, outre Atlantique, un plus haut historique. Les marchés semblent s’attendre à une crise de courte durée et misent sur l’efficacité des mesures prises pour soutenir l’économie. [1]

En revanche, le marché des taux semble plus circonspect. Le niveau des taux demeure plus bas qu’avant l’épidémie – le 10 ans américain était à 1,8 % au 15 janvier et à 1,63 % le 12 février –, et le marché anticipe davantage de baisse des taux directeurs de la FED. Une anticipation qui, par ailleurs, rassure les marchés d’actions. Enfin, les taux sont certes bas, mais ils ne souffrent pas pour autant d’un grand stress ; par exemple, la courbe des taux américains demeure positivement pentue, avec 1,44 % pour le 2 ans américain – et donc 1,63 % pour le 10 ans. Une nouvelle inversion de la courbe serait inquiétante, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Quelles sont les interactions entre le système bancaire et financier chinois et le monde occidental ?

Si l’économie réelle de la Chine est très intégrée à l’économie mondiale, son système bancaire et financier n’est en revanche pas très intégré au système international et la Chine applique encore le contrôle des capitaux. Ainsi, une crise dans le système financier chinois ne se propagerait pas directement dans le système financier international, car il y a peu de canaux de transmission. Il y a néanmoins quelques pays en voie de développement qui sont devenus plus dépendants d’un financement externe chinois.

  1. 1 L'interview a été réalisée le 17 février 2020.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº842
Notes :
1 L'interview a été réalisée le 17 février 2020.
RB