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Les planètes s’alignent pour les actionnaires des valeurs financières

Créé le

21.02.2022

L’environnement redevient favorable pour un secteur bancaire maltraité en Bourse depuis la crise de 2008. Mais les établissements français ne sont pas forcément les mieux placés pour en profiter. 

Depuis la crise financière de 2008, les investisseurs se sont détournés d’un secteur financier européen exsangue et largement sous-capitalisé. Mi-février, les banques affichent ainsi un recul de leur cours de 27 % depuis fin 2009, alors que le Stoxx 600 gagne 84 % et le secteur technologique 265 %. Aujourd’hui, elles affichent une décote de 40 % par rapport au reste du marché : le secteur se traite seulement 8,7 fois ses bénéfices contre 14 pour l’Euro Stoxx 50. Sans grande surprise, les banques sont obligées d’afficher des distributions élevées pour attirer les capitaux. Et sur ce point, 2022 sera un excellent cru (voir encadré).

Contrairement à ce que ces données peuvent laisser à penser, les banques ont pourtant fait des efforts colossaux pour assainir leur bilan, se digitaliser et être aux avant-postes du financement des enjeux écologiques. Un alignement des planètes est en train de se dessiner pour le secteur financier européen.

Retournement du cycle monétaire

Le consensus s'attend à des chiffres de croissance du produit intérieur brut réel de 4,2 % dans la zone euro, principalement tirés par la consommation, et de 3,9 % aux États-Unis, principalement tirés par l'investissement privé. Certains craignent pourtant une répétition de 2018 où la volatilité et les incertitudes ont dominé. Qu’en penser ?

Pour les banques européennes, les attentes en matière de pertes sur créances reflètent désormais la reprise. Il y a peu de marge de manœuvre pour espérer une amélioration. Toutefois, il existe des différences essentielles comparé à 2018. D’abord, nous sommes beaucoup plus tôt dans le cycle. L'économie européenne a à peine retrouvé son niveau d'avant la pandémie et a beaucoup de retard à rattraper. Ensuite, la Banque centrale européenne (BCE) est déterminée à maintenir les spreads de taux souverains sous contrôle. Elle aura la possibilité de réinvestir le bilan de son programme d’achat de titres (PEPP) de manière flexible entre les pays. Enfin, les valorisations de départ ne sont pas les mêmes. Les taux de swap euro 10 ans et 30 ans étaient respectivement 60 points de base et 90 points de base plus élevés en 2018. L’indice Euro Stoxx se négociait environ 20 % plus haut que ses niveaux actuels. En termes de valeur relative, la décote de ratio cours/bénéfices pour les banques européennes était de 40 % à fin janvier, contre seulement 20 % début 2018.

Croissance des prêts

Ce facteur n'est pas le plus porteur ! Depuis longtemps, la croissance des prêts aux entreprises est anémique dans la zone euro. L'encours des prêts bancaires aux sociétés non financières n'a pas augmenté depuis 2009. Par conséquent, les prévisions actuelles de croissance des prêts aux entreprises sont très faibles, proches de 0 %. Les encours de cartes de crédit aux États-Unis et au Royaume-Uni pourraient, eux, commencer à se redresser, le taux d'épargne ayant retrouvé son niveau prépandémie. Cela devrait être positif pour les banques ayant une présence importante dans le secteur du crédit à la consommation dans ces pays, comme Barclays ou Santander. En Europe continentale, il est peu probable que les encours de cartes de crédit se redressent avant la fin de l'année 2022. La rénovation des logements pourrait s'avérer être un coup de pouce, suite à la tendance au déménagement observée en 2021.

Dynamique de taux et marges de crédit

Les attentes concernant les futures hausses de taux seront un facteur clé pour les actions bancaires. Dans la zone euro, la sensibilité aux taux d'intérêt est plus élevée que lors des cycles précédents en raison de l'environnement de taux négatifs et du niveau de liquidités excédentaires. Comme les banques sont surfinancées et que les dépôts sont toujours rémunérés au-dessus du taux de la BCE, il est très peu probable qu'elles répercutent une quelconque hausse de taux sur les déposants. Selon nos calculs, les bénéfices des banques augmenteraient en moyenne de 25 % dans les dix-huit premiers mois en cas de déplacement de 100 points de base dans la partie courte/moyenne de la courbe. Dans le détail, les banques françaises cotées seraient en dessous de cette moyenne, notamment car la transmission de la hausse des taux à leurs revenus nets est faible (voir graphique).

Récemment, la surprise de l'inflation a fait remonter les anticipations de taux d'intérêt de leurs plus bas niveaux historiques. Les taux swap Euro 10 ans étaient, à fin 2021, 50 points de base plus élevés que leurs plus bas de 2020, bien qu'ils restent 90 points de base plus bas que leur plus haut de 2018. Aucun prévisionniste publié n'a été proche de pronostiquer des taux d'inflation en glissement annuel de respectivement 7 % et 5 % aux États-Unis et dans la zone euro pour la fin de 2021. Les réunions des différentes banques centrales lors du premier mois 2022 nous confortent dans cette idée de hausse des taux rapide de 25 points de base en Angleterre et aux Etats-Unis. De plus, les chiffres récents de l’inflation (7,5 % aux États-Unis, 4,9 % en Allemagne et 5,4 % en Angleterre) renforcent ce scénario de hausse des taux.

Soutien des activités de capital markets et d'asset management

2020 et 2021 ont été deux grandes années pour les banques d'investissement. En 2021, les taux d'intérêt bas, les liquidités excédentaires et les valorisations attrayantes ont entraîné un boom des introductions en bourse, des fusions-acquisitions et des SPAC. Le resserrement des primes de risque et le volume élevé des transactions dans le cadre d'une frénésie de transactions de détail ont permis aux salles de marché d'enregistrer des bénéfices record. L'année 2022 s'annonce prometteuse. Le pipeline des fusions et acquisitions reste très solide. Les sociétés de capital investissement sont assises sur un niveau record de liquidités non déployées et doivent faire face à la pression du rendement des capitaux. Elles chercheront probablement à anticiper le resserrement monétaire des banques centrales et à profiter des conditions de financement exceptionnelles actuelles pour réaliser des transactions. Bien que l'impulsion donnée par les liquidités s'estompe, la politique sera encore très accommodante pendant un certain temps, en particulier en Europe. Cela devrait offrir un environnement plus confortable pour les salles de marché.

Fin du cycle de régulation

Les craintes concernant l'impact de Bâle 4 sur le niveau des fonds propres excédentaires sont désormais dissipées. La date de mise en œuvre complète a encore été repoussée à 2030 et l'inflation des actifs pondérés en fonction des risques est maintenant susceptible de se situer autour des 5 %. Pour les banques, cela signifie que les fonds propres générés sur une demi-année s'avéreront globalement suffisants pour faire face aux exigences plus strictes. Et qu’elles ne se feront pas sentir, de toute façon, avant longtemps ! Il semblerait que les régulateurs mondiaux en aient fini avec les banques et se concentrent désormais sur le shadow banking et la tech.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº866