Square

Restitution des biens mal acquis

Les mesures judiciaires : le gel des avoirs publiées par l’ONU ou le Conseil européen.

Créé le

20.06.2011

-

Mis à jour le

29.06.2011

La notion de « biens mal acquis » ne fait pas l’objet d’une définition juridique internationale, pas plus que nationale. La restitution de ces biens passe par des mesures judiciaires, mais aussi administratives comme le gel des avoirs. Celui-ci peut avoir différentes motivations mais le plus souvent, c’est au titre de la lutte contre le terrorisme que ces mesures sont prises. Parfois aussi au titre d’accompagnement d’une politique étrangère, soit pour non-respect des droits de l’Homme [1] , soit encore à titre de mesure d’accompagnement de la transition démocratique dans un pays [2] , soit au titre de la lutte contre la prolifération d’armes de destruction massive [3] , et plus rarement encore comme réponse aux demandes de restitution effectuées par les nouveaux régimes démocratiques, comme dans le cas des actions menées depuis le Printemps arabe en 2011 [4] . Or, le droit européen est d’une grande complexité en la matière du fait de l’architecture de la construction européenne.

En Europe : trois piliers institutionnels

L’Union européenne repose sur trois piliers institutionnels qui se différencient par leurs procédures de décision ainsi que par le rôle qu’y jouent les institutions européennes : le 1er pilier (le plus important) est composé des Communautés européennes (CEE, CECA, Euratom) rassemble l’ensemble des politiques communes (agricole, monétaire, transports, concurrence…) et permet aux institutions européennes (Commission et Parlement notamment) de jouer pleinement leurs rôles. Les deux autres piliers (La PESC ou politique étrangère et de sécurité commune ainsi que la coopération judiciaire en matière pénale) relèvent de la méthode dite intergouvernementale qui repose sur une logique de coopération où la Commission comme le Parlement jouent un rôle réduit. Or, les actes administratifs en matière de gel des avoirs relèvent du 2e ou du 3e pilier, ce qui n’est pas sans conséquence en matière de contrôle judiciaire de ces mesures [cf. encadré n° 2].

L’exemple de la Lybie

Illustrons ceci avec l’exemple de la Libye. Plusieurs actes ont été adoptés par l’Union européenne. Tous émanent du Conseil européen mais prennent des formes différentes ( règlement ou décision d’exécution [5] ) et sont pris, selon le cas, au titre du pilier 1, 2 ou 3. Il convient donc pour les intermédiaires financiers de vérifier avec précision l’origine de l’acte administratif (Conseil ou Commission) ainsi que le fondement juridique de celui-ci (pilier 1, 2 ou 3), et enfin d’examiner si une ou des mesures nationales d’accompagnement ont été prises. Selon le cas, les conditions de recours des personnes visées par ces mesures administratives européennes ou nationales ne seront pas les mêmes, et les précautions à prendre par les banques en cas de recours contentieux seront différentes.

Les décisions de sanction de l’ONU

Lorsque des mesures restrictives sont prises contre des personnes ou institutions alors qu’elles sont issues de décisions de sanction de l’ONU (ce qui n’est a priori pas le cas pour des « biens mal acquis »), la situation est un peu plus complexe encore. Les États membres de l’UE mettent en œuvre ces résolutions de l’ONU sur la base d’une position commune (2001/931/PESC) prise dans le cadre du 2e pilier et relative à l’application de mesures spécifiques de lutte contre le terrorisme (article 15 TUE). Cette action appelant une coopération policière accrue, la position commune est également fondée sur le 3e pilier (article 34 TUE). Quand la liste noire implique en outre une action de gel des avoirs, l’Union utilise les dispositions du Traité du 1er pilier (articles 60, 301 et 308 TCE)

1 Ainsi, pour le Myanmar, la motivation des mesures restrictives adoptées fait référence au non-respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales : décision 2011/239/PESC du Conseil du 12 avril 2011. Mais aussi pour l’Iran avec le Règlement (UE) 359/2011 du Conseil du 12 avril 2011 qui vise « de graves violations des droits de l’Homme ». Pour la Syrie, la décision 2011/273 du Conseil du 9 mai 2011 considère qu'« il convient d’instituer des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne ». 2 Ainsi, concernant l’Égypte, la décision 2011/172/PESC du Conseil du 21 mars 2011 se réfère-t-elle à des « détournements de fonds publics privant le peuple égyptien des avantages du développement durable de son économie et de sa société, et compromettent l’évolution démocratique du pays ». 3 Position commune 2007/246/PESC du Conseil du 23 avril 2007 qui vise à transposer dans l’ordre européen la résolution 1747 des Nations-Unies qui interdit l’acquisition d’armes et de matériels connexes auprès de l’Iran. 4 Ainsi, l’Égypte a-t-elle officiellement demandé à la France le 23 février 2011, ainsi qu’à d’autres pays européens, de geler les avoirs, comptes et biens du président Hosni Moubarak et de son épouse, ainsi que ceux de ses deux fils et leurs épouses. Suite à cette demande, l’Union européenne a décidé, le 21 mars 2011, de geler les avoirs de l’ex-président égyptien et de 19 autres personnes. 5 Décision 2011/137/PESC du Conseil du 28 février 2011 ; Règlement (UE) n° 204/2011 du Conseil du 2 mars 2011 ; Règlement d’exécution (UE) n° 233/2011 du 10 mars 2011 ; Décision d’exécution 2011/175/PESC du Conseil.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº738
Notes :
1 Ainsi, pour le Myanmar, la motivation des mesures restrictives adoptées fait référence au non-respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales : décision 2011/239/PESC du Conseil du 12 avril 2011. Mais aussi pour l’Iran avec le Règlement (UE) 359/2011 du Conseil du 12 avril 2011 qui vise « de graves violations des droits de l’Homme ». Pour la Syrie, la décision 2011/273 du Conseil du 9 mai 2011 considère qu'« il convient d’instituer des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne ».
2 Ainsi, concernant l’Égypte, la décision 2011/172/PESC du Conseil du 21 mars 2011 se réfère-t-elle à des « détournements de fonds publics privant le peuple égyptien des avantages du développement durable de son économie et de sa société, et compromettent l’évolution démocratique du pays ».
3 Position commune 2007/246/PESC du Conseil du 23 avril 2007 qui vise à transposer dans l’ordre européen la résolution 1747 des Nations-Unies qui interdit l’acquisition d’armes et de matériels connexes auprès de l’Iran.
4 Ainsi, l’Égypte a-t-elle officiellement demandé à la France le 23 février 2011, ainsi qu’à d’autres pays européens, de geler les avoirs, comptes et biens du président Hosni Moubarak et de son épouse, ainsi que ceux de ses deux fils et leurs épouses. Suite à cette demande, l’Union européenne a décidé, le 21 mars 2011, de geler les avoirs de l’ex-président égyptien et de 19 autres personnes.
5 Décision 2011/137/PESC du Conseil du 28 février 2011 ; Règlement (UE) n° 204/2011 du Conseil du 2 mars 2011 ; Règlement d’exécution (UE) n° 233/2011 du 10 mars 2011 ; Décision d’exécution 2011/175/PESC du Conseil.