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Brexit

Les hypothèses ouvertes par le discours de Theresa May

Créé le

26.01.2017

-

Mis à jour le

30.01.2017

Le Brexit n’a toujours pas eu lieu mais on en sait un peu plus sur la stratégie de Theresa May après son discours du 17 janvier, et sur les intentions des banques présentes à la City.

Sortie du marché unique

« Ce que je propose ne signifie pas l’adhésion au marché unique », a affirmé la Première ministre britannique mi janvier. « L’abandon du marché unique me paraît assez inéluctable, analyse Laurent Quignon, responsable économie bancaire chez BNP Paribas, notamment si le Royaume-Uni souhaite une sortie assez brutale comme le discours le laisse penser. Reste à savoir si ce discours est une posture destinée à obtenir des négociations plus favorables, à montrer que le Royaume-Uni a une capacité de nuisance vis-à-vis de l’Union européenne qui pourrait être amenée à faire quelques concessions pour ne pas se priver du marché britannique. »

Passeport ou paradis réglementaire et fiscal ?

La sortie du marché unique signifierait a priori la fin du passeport pour les activités britanniques, puisqu’il résulte de directives de l’Union européenne (UE). Mais si le discours du 17 janvier relève d’une posture, plusieurs hypothèses demeurent. Selon Laurent Quignon, « si Theresa May est sincère et envisage une sortie brutale, se pose alors la question du statut de pays tiers équivalent pour certaines opérations. L’une des branches de l’alternative serait de préserver le Royaume-Uni comme tête de pont pour accéder au marché européen, c’est la situation actuelle avec le passeport, et cela le resterait demain si le principe d’équivalence s’y substituait. Elle pourrait, au contraire, faire du Royaume-Uni un paradis réglementaire et fiscal. Cela consisterait à s’écarter (vers le bas) de la réglementation et la fiscalité de l’Union européenne afin d’attirer de nouveaux capitaux et d’accroître encore l’attractivité sui generis de la place de Londres, sur ces critères. Ces deux hypothèses restent possibles en fonction de l’évolution des négociations à venir. »

Modalités et timing de sortie

Le Parlement britannique devra se prononcer avant l’invocation de l’article 50 qui doit ouvrir le début des négociations. D’après Theresa May, cela ne remet pas en cause la date prévue de fin mars pour cet article 50. « En pratique, la Première ministre dispose d’une majorité assez courte au Parlement et les travaillistes étaient plutôt favorables au maintien dans l’UE. Le Parlement pourrait dont exercer une pression pour la conduire à amender certaines de ses positions et obtenir un Brexit selon des modalités moins abruptes », estime l’économiste.

Theresa May appelle de ses vœux « un accord sur notre futur partenariat, à l’issue des deux ans du processus déclenché par l’article 50 » puis une période de transition « pour que les entreprises se préparent aux nouvelles dispositions ». Pour Laurent Quignon, « le délai de 2 ans est assez optimiste. Il sera compliqué d’obtenir une fin de négociation sur la plupart des accords commerciaux. »

Les départs d'activités financières de la City

« Il est trop tôt pour savoir si les banques européennes ont intérêt à sortir du Royaume-Uni ou à y rester. Dans l’hypothèse où le Royaume-Uni chercherait à renforcer son attractivité par un assouplissement du cadre réglementaire et fiscal, elles auraient tout intérêt à y conserver certaines activités », estime Laurent Quignon. Des responsables de banques se sont en tout cas exprimés après le discours pour révéler une partie de leurs intentions. La plupart prévoient de délocaliser certaines activités si les négociations se traduisent par la perte du passeport. HSBC délocaliserait 1 000 emplois à Paris. UBS mentionne également 1 000 emplois sur 5 000, JP Morgan parle de 4 000 postes sur 16 000, et Crédit Suisse cible 5 000 départs sur 10 000. Goldman Sachs pourrait délocaliser 3 000 de ses 6 000 emplois à Londres, dont 1 000 à Francfort et certains… à New York. City Group cite Dublin sans donner de chiffres. Morgan Stanley a un projet de filiale sur le continent. La britannique Barclays, en cas de perte du passeport, mènerait certaines opérations depuis Francfort. « Cela concernerait au total au moins 10 000 emplois, ce qui est significatif », commente Laurent Quignon. Francfort et Paris seraient donc parmi les gagnantes des mouvements avec d’autres places continentales, et certaines activités de banques américaines pourraient en revanche quitter le continent.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº805