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Présidentielles

Les gérants d’actifs prudents face au risque Le Pen

Créé le

23.02.2017

-

Mis à jour le

28.02.2017

La bonne position de Marine Le Pen dans les sondages n’a pas échappé aux gérants d’actifs. Selon le gérant PIMCO, spécialiste de la gestion obligataire, la victoire de la candidate du Front national est peu probable : « elle a certes de bonnes chances d'arriver en tête au premier tour, mais il est peu probable qu'elle l'emporte au second tour, les électeurs modérés ayant déjà manifesté par le passé qu'ils étaient prêts à faire barrage au Front national ». Toutefois, le gérant d’actifs admet que la victoire de Marine Le Pen n’est pas totalement impossible. Or cette candidate critique violemment la monnaie unique et prône, pour la France, le retour à la souveraineté monétaire. « Si Marine Le Pen aura vraisemblablement beaucoup de mal à réunir une majorité absolue lors des législatives du mois de juin, ce qui entraverait sa marge de manœuvre sur la question européenne, son élection n'en resterait pas moins un événement significatif susceptible d'effrayer les marchés », poursuit PIMCO qui, pour tenir compte de l'incertitude liée aux échéances électorales, de la montée du risque politique et des valorisations actuelles en Europe, privilégie un positionnement défensif pour ses portefeuilles européens. Ainsi, PIMCO fait désormais preuve de prudence face aux obligations d’entreprises françaises et italiennes et continue de sous-pondérer la dette souveraine française.

Le pronostic des analystes de JP Morgan est assez semblable : ils chiffrent à 3 % la probabilité de voir une victoire de Marine Le Pen à la présidence avec un gouvernement et un Parlement qui soutiendrait ses idées. Un autre scénario a été testé : une victoire de Marine Le Pen à la présidence assortie d’une cohabitation ; la probabilité d’assister dans la réalité à ce scénario s’élèverait à 10 %.

Fondateur et dirigeant de IVA (International Value Advisers), Charles de Vaulx s’interroge sur la capacité de la France à sortir de la zone euro ; il constate qu’il n’y a pas de précédent et en déduit qu’ « une telle sortie serait complexe, inquiétante pour les marchés et très négative, surtout pour les obligations et les titres boursiers très domestiques ». À mi-février, Charles de Vaulx ne croyait pas à une victoire de Marine Le Pen… mais il savait ce qu’il ferait si cette victoire devenait plausible.

Emmanuel Sales, qui dirige La Financière de la Cité, pense quant à lui que « Marine Le Pen a été “tsiprasisée”. En d’autres termes, en cas de victoire, son action serait très en deçà de ses déclarations et ne conduirait pas forcément à une sortie de l’euro ». Toutefois, Emmanuel Sales estime que la zone euro est dysfonctionnelle dans son ensemble et pleine d’incertitudes ; il est donc sous-investi en obligations de la zone euro : « Nous cherchons à nous diversifier hors zone euro, en investissant, par exemple, sur les obligations indexées sur l’inflation émises aux États-Unis ou encore sur les actions hors zone Euro dans notre fonds baptisé Brexit. » Selon ce gérant, une sortie de la zone euro n’est pas en soi une mauvaise chose, mais tout dépend du programme économique qui l’accompagne ; or « le programme de Marine Le Pen est loin d’être suffisamment libéral ; il conduirait la France vers des dévaluations successives, vers le contrôle des changes et rendrait l’accès aux marchés très difficile. Quant à l’idée lepéniste de recourir à la Banque de France pour financer l’État, elle ne changerait pas grand-chose à la situation actuelle où la BCE achète des milliards d’obligations d’État. La seule différence, c’est que la France serait seule, sans le bouclier allemand. »

Dans l’ensemble, les gérants doutent de l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen, sans l’exclure, ce qui constituerait un événement extrême. S.G.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº806