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Redistribution des rôles

Les gérants d’actifs cherchent leur place

Créé le

18.04.2012

-

Mis à jour le

27.04.2012

Les sociétés de gestion d’actifs prévoient que les établissements bancaires vont brider leur activité de prêteur. Elles proposent d'aider les institutionnels à prendre le relais.

Alors que Bâle III pénalise les activités bancaires de financement de l’économie, les asset managers voient une opportunité s’offrir à eux. C’est la conviction de Laurent Gueunier, directeur d’AXA Structured Finance, au sein d’AXA IM : « La désintermédiation bancaire est au cœur de nos réflexions actuelles. Des investisseurs institutionnels pourraient prendre certains risques de financement afin d’accompagner les banques. La finance structurée retrouverait ainsi son rôle véritable, c’est-à-dire constituer l’interface entre ces investisseurs et les actifs bancaires. » En d’autres termes, les institutionnels seraient susceptibles d’investir dans des créances bancaires. Mais pourquoi seraient-ils intéressés par les prêts alors qu’il existe les très classiques fonds obligataires, qui eux aussi permettent de s’exposer au risque de crédit ? « Le loan présente des fonctionnalités intéressantes : par exemple, les covenants procurent au créancier un contrôle plus important sur l’emprunteur », explique Laurent Gueunier. Certes, les obligations peuvent elles aussi être assorties de covenants, mais ces clauses sont standardisées, les investisseurs étant alors très nombreux. Le loan permet davantage de « sur mesure ». De plus, les loans présentent un taux de défaut inférieur à celui des obligations, car ils peuvent facilement être restructurés.

Les sociétés de gestion pourraient donc élaborer des fonds au travers desquels les institutionnels financeraient différents secteurs de l’économie. « Nous songeons notamment aux prêts aux ETI, car ces acteurs ont été jusqu’à présent essentiellement financés par les banques, ce qui pourrait ne plus être le cas à l’avenir, en raison des exigences réglementaires que subissent ces établissements. De plus, les ETI ont aujourd’hui difficilement accès au marché obligataire et ont donc besoin de solutions qui se substituent aux prêts bancaires. »

D’autres domaines sont étudiés par AXA Structured Finance, comme le trade finance, qui est la base du financement du commerce international. Dans ce secteur, des prêts de court terme (un an environ) sont accordés aux entreprises acheteuses ou vendeuses. Là aussi, la société de gestion pourrait accompagner les banques, celles-ci demeurant à l’origination du prêt.

Les banques incontournables

La démarche de Groupama AM est plus concrète, puisqu’elle concerne un véhicule qui doit voir le jour avant l’été. Il s’agit d’un FCT [1] investi en prêts seniors à l’immobilier commercial en France.

Les sociétés de gestion travaillent en partenariat plus ou moins étroit avec les établissements bancaires, mais elles ne peuvent pas les éviter totalement : « Dans le cadre de l’origination d’une créance bancaire, d’un point de vue réglementaire, la mise en place de ce prêt doit passer par une banque, rappelle Jean-Marie Catala, directeur du développement de Groupama AM. Quelques instants après son émission, la créance bancaire sera totalement ou partiellement transférée au FCT. »

Pour le servicing, Groupama AM va recourir à une société de gestion de titrisation.

La filiale de Groupama va également s’appuyer sur Acofi, un groupe de services financiers très expérimenté en matière d’immobilier et de distress loans (prêts bancaires en difficulté) qui dispose d’un savoir-faire en matière de recouvrement et d’analyse juridique des contrats de prêt. « Son expertise sera très utile pour réaliser le montage juridique des prêts qui seront mis en place, notamment pour rédiger les covenants qui comprennent les clauses sur les garanties » relève Jean-Marie Catala. Ces aspects sont essentiels pour que le loan soit le moins coûteux possible en fonds propres dans un environnement Solvabilité 2, les assureurs constituant une grande partie des investisseurs. Un exemple : prévoir une évaluation régulière des actifs immobiliers venant en garantie d’un loan contribue à réduire le coût en fonds propres.

Ce fonds devrait offrir l’Euribor 3 mois +150 points de base net de frais de gestion. C’est du moins l’objectif que se fixent Groupama AM et Acofi.

Un taux plus élevé

L’immobilier commercial est également le terrain de prédilection du hedge fund britannique Chenavari. Son managing partner, Loïc Fery, constate « un mouvement de désengagement de la part des banques dans l’immobilier commercial qui a commencé en Allemagne et en Angleterre ». Son fonds Chenavari Multi-strategy Credit Fund existe depuis fin 2008. Son montant s’élève à 400 millions d'euros. « Ces mécanismes de prêts via des fonds ne sont pas nouveaux, mais aujourd’hui, les emprunteurs se tournent beaucoup plus souvent vers les acteurs non bancaires qu’avant la réglementation bâloise et le calendrier fixé par l’EBA. » Ces circuits de financement  alternatifs changent-ils la situation des emprunteurs ? « Notre réactivité est bien meilleure que celle des banques, car nos processus de décisions sont plus rapides ; cela dit, nous n'investissons que sur des durees de 2 à 3 ans, explique Loïc Fery. Nous demandons davantage de collatéral (c'est-à-dire des critères de Loan to Value [2] plus restrictifs). Nous attendons de nos investissements un retour minimum de 10 % annualisé. » Pour atteindre cet objectif, Chenavary prête à un taux plus élevé que les banques. Les emprunteurs acceptent un taux plus élevé ; dans le cas contraire, le projet reste sur le papier !

1 Fonds commun de titrisation. 2 Loan to Value: rapport entre le prêt et la valeur de marché de l'actif qu'il finance

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº748
Notes :
1 Fonds commun de titrisation.
2 Loan to Value: rapport entre le prêt et la valeur de marché de l'actif qu'il finance
RB