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Innovation

Les FinTechs en 2017 : maturité du marché et adaptation des outils réglementaires

Créé le

18.05.2017

-

Mis à jour le

13.06.2017

Les FinTechs ne se contentent pas de leur marché domestique d’origine : compte tenu de leur capacité à lever des fonds et de la flexibilité de leur outil digital, elles essaiment très vite à l’international. Mais des freins subsistent, sur le plan réglementaire et, de façon plus conjoncturelle, dans la perspective du Brexit.

Les investisseurs financiers ont fourni en quantité les capitaux demandés lors des levées de fonds initiées par les FinTechs en 2015 puisque celles-ci ont augmenté de 75 % dans le monde pour atteindre 22,3 milliards de dollars [1] . En avril 2016, la filiale Ant-Financial du groupe chinois Alibaba réalise un investissement de 4,5 milliards de dollars, le plus important dans ce domaine, et dépasse ainsi l’augmentation de capital réalisée en janvier par un autre site chinois – Meituan – spécialisé dans la vente en ligne. Cependant, l’enthousiasme retombe au deuxième semestre, compte tenu de l’évolution internationale : élection de Donald Trump aux États-Unis, validation du Brexit au Royaume-Uni et ralentissement économique en Chine et pays de l’OCDE.

En termes d’investissements pour 2016, la Chine devance pour la 1re fois les États-Unis (près de 10 milliards de dollars contre 9.2 milliards pour les États-Unis). L’Europe reste distancée avec seulement 2.4 milliards de dollars et le contexte « Brexit » ralentit fortement les levées de fonds qui s’écroulent de 80 % en 2016 (10,9 milliards de dollars en 2015).

Un changement d’opérateurs intervient : les entreprises comme les grands groupes bancaires et assurances investissent désormais directement dans les FinTechs. Les GAFAM aux USA (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) se renforcent dans le domaine de l’intelligence artificielle ainsi que les BATX en Chine (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi).

Développement régional pour les FinTechs des pays émergents

Compte tenu du faible maillage d’agences bancaires dans les pays émergents et de l’explosion de l’utilisation des portables, les clients des banques traditionnelles utilisent plus facilement les produits et services des FinTechs : 77 % en Amérique latine, 69 % en Europe centrale et 63,6 % en Afrique et au Moyen-Orient [2] . De plus, les FinTechs ont le vent en poupe auprès de la clientèle millenial (jeune, techno-addict et aisée), la Chine et l'Inde étant en tête, avec plus de 75 % d'utilisateurs. En Amérique Latine, plusieurs FinTechs locales se développent comme Nubank, GuiaBolso, BankFacil au Brésil, Konfio, Kubo Financiero et Clip au Mexique. KoinBanx et Signatura développent la Blockchain en Argentine [3] . Cette nouvelle approche de la gestion des finances personnelles (API de paiements et crédits) constitue un vecteur pour la croissance de l’épargne et favorise une meilleure gestion de l’endettement de la clientèle privée qui gère ainsi plus simplement ses flux espèces. De même, le financement des PME locales et le « peer to peer » (Konfio et Kubo) sont des outils de financement alternatif aux banques locales sud-américaines. L’utilisation de la langue espagnole sur ce continent (excepté le portugais pour le Brésil) facilite un développement régional et de nombreuses FinTechs Latino-Américaines visent, dès leur création, un marché global. Dans de nombreux cas, les banques internationales de développement accompagnent ces nouveaux acteurs numériques pour résoudre le problème de l’accès aux services financiers.

Déploiement international des Fintechs européennes

En Europe, les déploiements à l’international des FinTechs portent notamment sur l’activité de transferts de devises, qui permet de reproduire un traitement numérique dans de nombreux pays. La plate-forme de virements internationaux comme

TransferWise, FinTech britannique, assure ainsi des échanges dans 35 monnaies et 60 pays et compte plus d’un million d’utilisateurs. Depuis 2015, elle est présente aux USA et Australie et prévoit en 2016 de s’installer au Canada, Brésil, Hong Kong, en Nouvelle-Zélande, au Japon…

La flexibilité liée à l’outil digital facilite le passage des frontières, comme en Afrique francophone ou Amérique Latine où s’échange une langue commune à plusieurs pays, même si une adaptation aux besoins locaux ainsi qu’aux réglementations s’avère nécessaire.

Implantation de FinTechs françaises à l’étranger

Prenons l’exemple de Slimpay : entre 2010 et 2014, cette start-up a connu une croissance phénoménale de 4 000 %. Pourquoi ? Elle propose d’effectuer directement les prélèvements sur le compte bancaire du client dans le cadre d’abonnement, sans passer par une carte bancaire. Slimpay intervient face aux établissements financiers qui prélèvent les montants des factures récurrentes d’eau, gaz, électricité, téléphone… avec des volumes d’opérations qui se comptent en millions. Déjà présent dans six pays européens, Slimpay s’attaque au marché américain par l’intermédiaire d’une « licorne » californienne (Zuora) qui modélise les processus d’abonnements pour les entreprises américaines.

Le business model pousse à l’internationalisation

Le business model est aussi une composante importante de l’internationalisation : les FinTechs affichent des coûts réduits de production et les répercutent par des tarifications à prix cassé. Aussi ont-elles besoin de jouer sur le volume pour atteindre rapidement une taille critique (exemple des paiements mobiles). La captation d’une clientèle importante et addicte aux innovations technologiques est la condition du succès financier pour les FinTechs. Les start-up comme Lydia, Payname et PayTop ont proposé une tarification de 2 à 3 %, alors que les leaders historiques prélèvent des commissions de 8 % en moyenne. Spécialiste de l’échange de devises entre PME, Kantox a profité du « passporting » européen : création en Espagne, localisation à Londres et développement de transactions pour les PME anglaises, espagnoles et françaises, en cassant la tarification sur les opérations de devises. L’utilisation d’une devise unique (l’euro) et un système identique (SEPA) pour les règlements espèces en Europe ouvrent un champ des possibles dans 33 pays, auprès d’un demi-milliard d’habitants !

L’importance de l’agrément par les régulateurs locaux

L’agrément délivré par un régulateur est un point crucial pour une FinTech. Agréé comme établissement de paiement par l’ACPR depuis fin 2012 et doté du passeport européen, Lemon Way a pu ainsi exporter son modèle six mois plus tard et effectue des opérations dans une douzaine de pays européens. De même, le site de cagnotte Leetchi, agréé initialement comme émetteur de monnaie électronique au Luxembourg, a lancé dès 2013 dans 22 pays, grâce à son agrément comme établissement de paiement, la plate-forme Mangopay pour la gestion des paiements au service de l’économie collaborative.

Depuis le 1er octobre 2014, les plates-formes d'investissement en capital doivent être agréées avec le statut de Prestataire de services d'investissement (PSI) ou bien être immatriculées comme Conseiller en investissements participatifs (CIP). Le statut de PSI permet aux plates-formes de proposer toutes les catégories de titres financiers et d'obtenir plus facilement un « passeport européen » pour fournir leurs services d'investissement au sein de l'espace économique européen, sans avoir à demander un nouvel agrément dans les pays concernés. Les PSI ont également la possibilité de financer des projets jusqu'à un montant de 5 millions d'euros. Pour les CIP, ce plafond s'élève à 2,5 millions d'euros depuis le 31 octobre 2016, date d'entrée en vigueur du décret relatif aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif. La hausse du plafond de financement en titres attire les partenaires institutionnels des plates-formes, comme dans le cas des « minibons » qui pourront atteindre un montant fixé par décret à 2,5 millions d’euros sur 12 mois.

Lendix (prêt aux entreprises) a priorisé l’Espagne, pays où il y a peu de concurrence au niveau des plates-formes de prêts. Le 7 juillet 2016, cette FinTech a reçu l’agrément officiel de la part de la CNMV (le régulateur espagnol) et se tourne désormais vers l’Italie. Younited Credit (plate-forme de prêt à la consommation) est la seule plate-forme en Europe disposant de son propre agrément d’établissement de crédit-PSI délivré par l’ACPR. Par contre, l’agrégateur de comptes Bankin’ exerce en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni comme simple PSP, sans être régulé. La transposition de la directive DSP2 au 1er janvier 2018 en France obligera Bankin’ à obtenir un agrément spécifique de « prestataire de services d'accès aux comptes ». De même, la néo-banque allemande N26 (ex-Number26) vient d’obtenir le statut de banque par la BCE et va ainsi pouvoir accélérer sa croissance (avec comme objectif l’ouverture de 160 000 comptes en un an) en France et auprès de six autres pays européens.

En Afrique, Lemon Way recherche un agrément pour effectuer des transactions en ligne auprès du superviseur africain (BCEAO) qui régule huit pays de l’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali, Niger, Cote d’Ivoire, Burkina Faso…) et projette de se lancer dans six pays de l'Afrique centrale, dont le Congo et le Cameroun. Un marché gigantesque caractérisé par un paiement en espèces prépondérant, une infrastructure bancaire très centralisée et un système de transport inopérant, qui pénalise le rendez-vous physique en agence.

L’impact du Brexit sur l’éco-système des FinTechs

Le principal challenge post-Brexit est désormais réglementaire. Les FinTechs britanniques devront se confronter à de nouvelles contraintes réglementaires pour ouvrir des filiales sur le continent européen, ce qui va nécessiter des investissements coûteux et chronophages. Elles pourraient avoir également besoin de créer de nouveaux sièges sociaux dans les autres pays de l’Union européenne. Les opérations de paiement en euro dans la zone SEPA seront impactées : les FinTechs anglaises n’ayant plus le statut de « société européenne », elles ne bénéficieront plus des subventions de la communauté européenne lors des créations d’entité.

Avec une sortie du Royaume-Uni, l'Europe devra retirer les compétences développées au sein des Hubs et des nombreux technopôles britanniques : d'après le recensement de Tech Britain, le pays compte 32 sites de pointe, souvent reliés aux universités. Ces dernières vont d'ailleurs perdre une part de la dotation octroyée par l'Union européenne – soit un milliard de livres de financement par an, selon un récent rapport de Digital Science.

Le régulateur anglais (FCA) étudie à la mise en place d’un processus spécifique pour permettre aux FinTechs britanniques d'obtenir une licence bancaire. La FCA a initié en 2016 un cadre réglementaire souple (« Regulatory Sandbox ») pour faciliter le déploiement du nouveau service auprès des utilisateurs britanniques et valider le modèle financier de la FinTech. Un « effet Brexit » apparaît au niveau des dernières levées de fonds réalisées au 1er trimestre 2017 : 110 réalisés en France, contre 91 pour la Grande-Bretagne et 62 pour l’Allemagne [4] .

 

1 Source : https://thefintechblog.com/2016/06/09/biggest-fintech-infographic-ever.
2 Etude Efma 2016, World Retail Banking Ecosystem.
3 http://fintech-mag.com/amerique-latine-fintech/.
4 Source : SIRRIS – Q1 2017 European Scaleups Report.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº809
Notes :
1 Source : https://thefintechblog.com/2016/06/09/biggest-fintech-infographic-ever.
2 Etude Efma 2016, World Retail Banking Ecosystem.
3 http://fintech-mag.com/amerique-latine-fintech/.
4 Source : SIRRIS – Q1 2017 European Scaleups Report.