Fondé il y a 35 ans par Bernard Devert, Habitat et Humanisme (H&H) s’est voulu, bien avant l'émergence du concept d’Économie sociale et solidaire (ESS), en alternative et complémentarité à d’autres organismes caritatifs fondant leur modèle économique exclusivement sur le don, une « entreprise à vocation sociale » – voir l’encadré où le fondateur exprime sa vision initiale, évoque l’actualité immédiate d’H&H et ses orientations à l’horizon 2025 – dont la « raison d’être » est de « réinsérer des personnes fragilisées ou en précarité, en les accompagnant et en leur fournissant un logement digne dans un environnement socialement équilibré, proche des commerces, des transports, des écoles, généralement dans des centres-villes, voire des beaux quartiers ». Sa volonté était de chercher à développer le chaînon manquant entre l’hébergement d’urgence, précaire par définition, et le logement social de familles et personnes autonomes n’ayant pas accès au parc locatif privé non aidé : 86 % des logements réceptionnés par H&H le sont en logement très social (4 fois plus que dans le parc social).
Entreprise à vocation sociale a signifié, pour Bernard Devert, la volonté de trouver un modèle économique et financier viable et pérenne, qui mélange soutien public et soutien privé, les investissements solidaires avec le mécénat de toute nature, les dons et legs, les subventions, l’action de bénévoles et de salariés. Ce modèle diversifié et robuste fait concrètement écho à la vision à long terme d’une société contemporaine rééquilibrée et reliée, c’est-à-dire ouverte à la diversité sociale. Un modèle dans lequel chaque acteur, chaque personne, trouve son compte.
Une société foncière solidaire pour investir dans l’immobilier
Pour répondre aux besoins immobiliers des associations souhaitant accompagner des personnes en difficulté, la Foncière Habitat et Humanisme (FHH) est créée en 1986. Elle a pour vocation l’achat, la construction, la réhabilitation et la rénovation de logements dans des quartiers dont le renchérissement tend à exclure les populations les plus modestes. Elle tire sa vocation solidaire de son objet, mais aussi du fait qu’elle est dotée d’un agrément ESUS
L’attractivité de cet investissement est soutenue, non par son rendement financier, la Foncière ne distribuant pas de dividendes, mais par une revalorisation régulière de la part sociale fondée sur la qualité du parc immobilier géré et entretenu par la FHH (voir Graphique 1).
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Son attractivité vient de sa dimension sociétale – les particuliers, fonds d’investissement institutionnels solidaires et organisations souhaitent donner du sens à leur placement – mais aussi de son mécanisme de financement par des fonds privés et des fonds publics. La FHH utilise l’effet de levier des investissements réalisés en fonds propres pour lever des emprunts auprès de la Banque des Territoires (CDC), son grand partenaire financier institutionnel, à des durées et des taux aussi avantageux que pour les organismes de logement social, des subventions d’investissements auprès des collectivités, justifiées par le très faible niveau des loyers proposés aux locataires (loyers conventionnés) et du mécénat d’entreprises concernées par le projet social. Ces mécanismes lui permettent d’abaisser le seuil de rentabilité ou d’équilibre des projets immobiliers de FHH et d’abaisser le risque pris par les investisseurs dans les parts de la foncière. Le prix de revient moyen d’un logement réceptionné par la FHH est de ce fait limité à 135 K€.
C’est grâce à cette construction financière, qui requiert notamment que les investisseurs n’attendent pas de rentabilité financière de leur investissement (mais une rentabilité sociétale) que la FHH peut aujourd’hui fournir sur une durée appropriée à chaque locataire un vrai service de qualité immobilière.
La FHH s’engage désormais résolument dans la transition écologique et l’amélioration de l’efficacité énergétique de son parc immobilier nouveau et ancien (voir Graphique 2), devenant ainsi non seulement l’acteur solidaire reconnu du monde professionnel de l’habitat social et de la finance solidaire, mais également un acteur du verdissement de l’habitat, principale source d’inefficacité énergétique et de factures de chauffage excessives chez les mal-logés. Faisant appel public à l’épargne, la FHH s’engage à assurer la liquidité de ses titres auprès des investisseurs dans un délai raisonnable. Aux particuliers, l’avantage IR-PME-SIEG fournit un dégrèvement fiscal porté en 2020 et 2021 à 25 % de la valeur de l’investissement, plafonné à 10 K€ par personne physique, à condition de conserver ses actions, au moins 5 ans.
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Un second modèle économique fondé sur la location solidaire
Complémentairement à l’action directe de logement et de relogement de personnes et familles en difficulté, le tissu associatif local qui constitue le mouvement H&H (56 associations départementales ou régionales dotées d’une Fédération nationale depuis 1993) a, face au même renchérissement des prix du foncier et de l’immobilier des grands centres urbains, développé la « location solidaire ». Il fait appel à des « propriétaires solidaires » prêts à confier un bien à louer dans des conditions inférieures à celles du marché, par le biais de la sous-location ou via un mandat de gestion auprès d’une agence immobilière à vocation sociale. L’association Habitat et Humanisme locale peut y loger des personnes et familles à faibles ressources. L’intermédiation associative permet au « propriétaire solidaire » de bénéficier d’une tranquillité de gestion et d’avantages fiscaux, tout en participant à la lutte contre le mal-logement.
Une société foncière solidaire spécifique pour la dépendance
Il y a 20 ans, Habitat et Humanisme s’est engagé dans l’accueil et le soin de personnes âgées dépendantes à faibles ressources, à travers le réseau La Pierre Angulaire (aujourd’hui H&H Soins). Dans ce contexte la foncière solidaire EHD (Entreprendre pour humaniser la dépendance) a été créée, dans l’objectif de réhabiliter et mettre aux normes des EHPAD en difficulté notamment ceux gérés par des communautés religieuses dans l’impossibilité de faire face aux évolutions réglementaires : cette création spécifique était nécessaire, pour ne pas fragiliser le modèle économique et financier classique, troubler le marché et les investisseurs historiques avec des problèmes d’évaluation d’un immobilier spécifique. D’où également le choix d’un statut spécifique de cette deuxième foncière solidaire, celui de Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), dont les parts sont souscrites (et liquidées le cas échéant) à leur valeur nominale de 20 euros. Cette foncière a également participé, avec FHH, à la construction et l’aménagement des résidences intergénérationnelles, innovation sociale importante qui apporte une réponse simultanée et synergique à des précarités différentes et complémentaires (isolement de personnes âgées, difficulté à se loger d’étudiants de familles modestes, familles monoparentales…), qui est une sorte de modèle pour la politique publique d’« habitat inclusif », appelé à jouer un rôle majeur dans un proche futur. EHD, créée en 2003, bénéficie d’un agrément ESUS et de la reconnaissance SIEG. Elle fait l’objet d’une promotion spécifique auprès des Conseillers en Gestion de Patrimoine en direction de leur clientèle d’investisseurs particuliers à fort penchant solidaire, soutenue par la déduction fiscale améliorée citée plus haut qui en fait un placement comparativement fort intéressant, jusqu’à son plafond, pour les personnes assujetties à l’IRPP.
L’appel à l’épargne solidaire
La publication des décrets relatifs à la mise en force de la partie « solidaire » du LDDS, qui n’avait, jusqu’au 1er octobre 2020, de solidaire que le nom, va permettre à tout détenteur de LDDS, pourvu que les réseaux des conseillers bancaires l’en informent effectivement, le fléchage possible du (faible) rendement financier, mais aussi d’une partie du capital de ses comptes d’épargne vers les entreprises de l’ESS. Cette ouverture réglementaire tant attendue et longtemps réclamée par FINANSOL
Un modèle économique permis et renforcé par le bénévolat
Habitat et Humanisme est un modèle d’entreprise solidaire fondé sur l’investissement dans des sociétés foncières solidaires, mais aussi et surtout un modèle qui s’appuie sur la générosité des personnes. En effet, on ne peut oublier la part du bénévolat dans cette économie sociale et solidaire, qui est un véritable arc-boutant invisible de nos sociétés contemporaines rien moins. Pour le mouvement H&H, ce sont 4 800 bénévoles qui ont consacré 233 000 heures (373 ETP ou 9,5 M€ valorisés au SMIC, de manière réductrice mais indicative) à la mission qui, au-delà des outils financiers et des toits protégeant les hommes et les femmes qui décrochent socialement et peuvent se retrouver « à la rue », revient à se faire bâtisseur de liens et diffuseur de chaleur humaine.