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Bonnes pratiques

Internet au service de la traçabilité juridique et du « know your customer »

Créé le

20.01.2012

-

Mis à jour le

29.02.2012

Une des conséquences de la faillite de Lehman Brothers est d’avoir mis en lumière les risques juridiques liés à l’absence de traçabilité des ​cocontractants à une opération financière. Internet et la construction ​d’un réseau social dédié aux personnes morales peuvent remplacer ​efficacement cette gestion administrative, jusqu’à présent fastidieuse, ​voire inefficace.

Le fait de ressortir un contrat d’un dossier n’est jamais un acte neutre : que ce soit pour gérer un précontentieux avec le cocontractant, parer à la menace de sa faillite ou mettre fin à une prestation, cette réouverture traduit souvent une dégradation des relations avec celui-ci. Dans un contexte de tension, s’apercevoir que sa contrepartie n’est plus tout à fait la même ajoute un facteur de risque préjudiciable à une gestion efficace de la problématique. La traçabilité des cocontractants devient, ainsi qu’a pu l’acter le Dodd Frank Act, un véritable enjeu de sécurité juridique.

Un risque juridique et des pertes potentielles

Lors de la signature d’un contrat – financier ou non –, les parties prennent le soin de consigner leur « identité contractuelle » au travers de la comparution figurant en début de contrat (dénomination, siège social, numéro d’immatriculation et capital social). Cette « identité contractuelle » est parfois complétée d’une clause de notification, qui est une adresse distincte de celle du siège, spécifiquement  affectée aux notifications afférentes à l’exécution du contrat. Or, cette donnée fondamentale qu’est l’identité même du cocontractant est irrémédiablement exposée à l’obsolescence. Les entreprises (ou les services) changent en effet d’adresse, de dénomination, sont rachetées, absorbées, scindées, etc. : l’identité contractuelle est mouvante, ce qui est mal appréhendé par les juristes opérationnels. Ce constat se retrouve au niveau de l’actualisation des « know your customer » (KYC), notamment lorsque les diligences attendues portent, outre sur les clients, sur les « relations d’affaires », ainsi que le prescrit la réglementation en vigueur. Il en résulte un risque tangible : à l´occasion de la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, et dans le cadre de l’exécution de contrats de marché comportant des clauses de notification qui se sont avérées périmées, l’obsolescence de ces clauses, venant jeter un flou sur les délivrances des notifications de défaut, portait un enjeu contentieux chiffrable en millions d’euros.

Une désorganisation administrative chronophage

En dehors de ces hypothèses de faillites très critiques, une autre zone de risque juridique peut être identifiée dans la gestion courante des résiliations contractuelles, où le non-respect des préavis de résiliation, du fait de retour en « NPAI » des courriers ad hoc, génère des coûts significatifs pour bon nombre d’entreprises. Au-delà de ces risques avérés, il résulte également de ce manque de traçabilité des cocontractants, une désorganisation administrative chronophage : informer les tiers d’un événement vous impactant (transfert du siège social, fusion, scission, etc.) suppose au préalable d’avoir actualisé l’identité contractuelle de l’ensemble de vos cocontractants, afin d'être sûr que l’information arrivera à bon port, ce qui est intrinsèquement difficilement gérable. Ce constat est induit par la structuration des bases tiers, au moyen desquelles les départements juridiques et secrétariats généraux suivent leurs relations contractuelles : jusqu’à présent, ces bases sont essentiellement alimentées par l’information reçue des cocontractants. Pour autant, force est de constater que ces processus d’information sont fastidieux et globalement mal gérés par les établissements émetteurs. Par ailleurs, lorsque l’information est valablement diligentée, elle est diversement intégrée dans les systèmes du réceptionnaire. Il n’est pas rare d’avoir une difficulté à réconcilier les opérations et le contrat sous-jacent, par exemple lorsque les opérations sont enregistrées avec une entité définie par son nom commercial, là où le contrat porte une comparution spécifique. Lorsqu’un tel doute survient, les efforts à déployer pour actualiser l’identité contractuelle d’une partie sont alors parfois entravés par la méconnaissance des vecteurs locaux d’information légale (équivalents étrangers d’infogreffe) et, bien évidemment, par la barrière de la langue.

Un réseau social dédié à la traçabilité contractuelle

Le Dodd Frank Act a fait ce même constat : le manque de traçabilité des parties à un contrat financier expose significativement celles-ci – et, par ricochet, la sphère financière. Ce constat se heurte à une réalité pratique : tant que l’identité contractuelle demeurera consignée dans le contrat, cette péremption restera une fatalité. Cependant, la gestion de ces identités contractuelles peut désormais être adossée aux nouvelles technologies. Organiser sur Internet un « réseau social de personnes morales » peut être un moyen efficace d’assurer la traçabilité de la sphère contractuelle (voir Encadré) : les adhérents y sont visibles et participent à un système vertueux où, en apportant de la visibilité sur eux, ils en acquièrent sur leurs partenaires, tout en respectant le secret des affaires – ​le réseau social ne donnant aucune indication sur les relations contractuelles existant entre ses différents membres.

En outre, actualiser sa fiche afin d’informer la sphère des adhérents est un acte plus simple que d’écrire à ses cocontractants ou mettre en place des avenants. Ainsi, rapporté à une clause de notification contractuelle, qui peut désormais renvoyer à la fiche du cocontractant sur le site, la mise à jour de cette dernière actualise de plein droit les contrats qui y font référence, garantissant l’efficacité des notifications sans qu’aucun avenant soit nécessaire. Enfin, ce « réseau social »  peut être un lieu d’échange de documents publics, en permettant à ses membres d'en stocker un certain nombre sous leur profil. En effet, les procédures de KYC dictées par la réglementation, tant celle relative à la lutte antiblanchiment que Mifid, requièrent de collecter de la documentation sur les clients et les contreparties. Les départements juridique et conformité des sociétés gèrent cette documentation à grand renfort de moyens, le traitement des demandes étant particulièrement fastidieux. Le stockage de son propre dossier KYC sur le réseau social le rend disponible à la sphère de ses cocontractants, et  permet réciproquement de se procurer celui de ses clients sans même avoir à le leur demander. Héberger un portefeuille contenant des documents non sensibles (statuts, Kbis, rapport annuel...), déposés et gérés par l’adhérent sous sa responsabilité, permet d’affecter juristes et compliance officers à des tâches plus rentables – et de mieux maîtriser ses risques.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº746