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Communication financière digitalisée

L’information ESG balisée pour réduire le risque

Créé le

15.06.2020

En 2021, les états financiers des sociétés cotées devront être publiés dans un format de balisage électronique ESEF, rendant possible un accès direct aux chiffres clés. Beaucoup appellent à étendre la démarche aux données extra-financières. Une telle approche permettrait aux banques une meilleure modulation de leur mesure de risque.

Dès le 11 mars dernier, l’autorité européenne des marchés financiers (ESMA), en lien avec les régulateurs nationaux, appelait les émetteurs d’instruments cotés à communiquer toute information pertinente sur les conséquences de l’épidémie Covid-19, respectant la transparence requise par la réglementation sur les abus de marché. L’ESMA a insisté sur la publication, dans le rapport financier annuel (RFA) de l’exercice 2019 s’il n’était pas encore paru à cette date, d’une mesure quantitative et qualitative des effets sur la situation financière, l’activité et la performance économique. En France, l’Autorité des marchés financiers (AMF), dans un communiqué du 23 mars sur les règles d'information permanente dans le contexte de la crise du Covid-19, a également appelé à fournir « toute information précise, non publique et de nature à influencer de manière sensible le cours des instruments financiers ». En pratique, l’AMF invitait à mettre à jour la section « Facteurs de risques » dans le document d’enregistrement universel (URD, ancien « document de référence ») et à s’assurer que les perspectives présentées soient cohérentes avec ceUx-ci.

Une information existante, mais diffuse

Les émetteurs ont suivi ces appels. Analysant les documents publiés au 20 mars 2020, juste après la décision de confinement en France, l’agence en communication réglementée Labrador décomptait que 69 % des URD ou RFA de sociétés du SBF120 faisaient référence au Covid-19, les autres documents (à une exception) ayant été publiés avant les annonces des régulateurs et celle du gouvernement français. Néanmoins, l’étude souligne la diversité des pratiques et du niveau d’information, avec des mentions dans les chapitres extra-financiers « Facteurs de risques » (67 %), « Perspectives » (50 %) ou financiers « Événements postclôture » et « Annexes aux comptes » (33 %). 61 % des documents évoquent le coronavirus dans plusieurs parties. En période de crise, l’accès rapide à une information claire est une condition essentielle à la prise de décision des investisseurs ; un balisage électronique aurait facilité l’accès à ces indications importantes.

L’apport du règlement ESEF

Le règlement ESEF (EU/2018/815 modifié) requiert, à partir de 2021, la publication des RFA et URD dans un format digital (similaire à celui des pages web) dans lequel certaines données chiffrées et textes explicatifs sont balisés en utilisant la technologie Inline XBRL. Celle-ci met à disposition un dictionnaire commun, préparé par l’ESMA, la taxonomie ESEF. Il peut être personnalisé par chaque émetteur, avec des règles de rattachement des balises additionnelles à l’arborescence commune, afin de leur donner du sens. L’obligation d’étiquetage ne porte dans un premier temps que sur les états primaires (bilan, comptes de résultat, flux de trésorerie et variation des capitaux propres), mais sera complétée en 2023 par un macrobalisage des annexes comptables.

Le besoin de taxonomies

C’est un premier pas pour un accès direct, rapide et dématérialisé, à l’information. Mais il ne faut pas s’arrêter au seul périmètre comptable : l’exemple sur les impacts de la crise du coronavirus illustre l’égale importance des chapitres extra-financiers. Au-delà de l’enjeu sanitaire et social, ils comprennent également les aspects environnementaux. L’Accord de Paris sur le climat et le réchauffement climatique vise, au travers de dix-sept objectifs de développement durable (ODD) suivis par plus de deux cents indicateurs, la réduction des gaz à effet de serre afin de maintenir le réchauffement planétaire en dessous de deux degrés. La Non-Financial Reporting Directive (NFRD, EU/2014/95) a fait évoluer en 2017 le rapport de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), celles-ci devant désormais fournir une déclaration de performance extra-financière présentant des informations pertinentes concernant les critères ESG (Environnementaux, sociaux et de gouvernance) et prenant en compte les ODD.

Face au foisonnement d’initiatives RSE et ESG, il existe plusieurs outils aidant au reporting extra-financier. Parmi eux, les recommandations du TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures), les standards du GRI (Global Reporting Initiative), la norme ISO 26000 ou les critères du CDP. Il n’y a cependant pas de référentiel unique. C’est pourquoi émerge une demande de standardisation et de taxonomie européenne (voir encadré). Avec celle-ci, le format ESEF permettrait un balisage complet.

L’utilisation par les banques

Le règlement révisé sur les exigences de capitaux propres (CRR2, EU/2019/876) prévoit l’entrée en vigueur progressive de plusieurs mesures relatives à la finance durable. Les grands établissements devront publier leurs risques ESG et l’autorité bancaire européenne (EBA) devra incorporer leur analyse dans son processus de supervision. À ce titre, le secteur bancaire sera directement concerné par le reporting extra-financier balisé. Mais l’article 501c de CRR2 mandate aussi l’EBA pour proposer d’ici 2025 des mesures prudentielles spécifiques pour les actifs présentant des enjeux environnementaux ou sociaux. L’idée d’un facteur supplétif « vert » a été avancée, réduisant la consommation de fonds propres pour le financement des activités les plus durables. De façon moins binaire, les critères de bonne gouvernance et de meilleure gestion sociale et environnementale prendront assurément plus d’importance dans le scoring des prêts et des placements.

Les analyses de risques doivent être élargies afin de mieux évaluer les impacts écologiques et sociaux des financements accordés par les banques, tant pour communiquer sur leurs propres engagements ESG que pour moduler leurs mesures de risques envers leurs contreparties. Le balisage électronique de l’information financière, sur base d’une taxonomie commune à l’image de ce que le règlement ESEF a initié sur les données comptables, facilitera l’exercice.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº846
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