Square

Impact, un enjeu de leadership pour la Place de Paris

Créé le

14.03.2022

Pour assouvir une ambition, il convient de semer des petits cailloux. Tel est le choix de la France pour imposer un capitalisme responsable. Définition de l’impact, révision du label ISR… Détail des mesures prises.

Le capitalisme responsable peut passer par trente-six chemins, mais il n’a qu’une destination : un modèle neutre en carbone, respectueux de l’humain, dans une gouvernance équilibrée. C’est en considérant l’ampleur de la montagne qu’il nous reste à gravir qu’il convient, en premier lieu, de se mettre d’accord sur les outils à notre disposition. La finance à impact est indéniablement l’un d’eux. Elle est en tout cas unanimement reconnue comme tel : ce terme se retrouve sur toutes les lèvres depuis des années, mais chacun profite du flou de cette notion pour en proposer sa propre définition.

Pour certains, la finance à impact, c’est celle qui assume que les acteurs financiers ont un rôle à jouer pour relever les défis auxquels est confrontée notre société. Pour d’autres, c’est celle qui va chercher d’autres performances et qui confère une utilité sociale forte à ces mêmes acteurs financiers. Pour d’autres encore, la finance à impact, c’est celle qui vise, en plus de la rentabilité financière, des performances concrètes sur certains facteurs extra-financiers : elle met en avant une obligation de résultats.

Or, l’un des plus grands obstacles au développement de ce secteur, c’est le dévoiement de son sens, donc de sa réputation et, in fine, de son impact ! « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » : ainsi, si on ne se met pas d’accord sur la définition des outils, le risque est de ne pas pouvoir pleinement les utiliser.

Une définition simple mais exigeante

C’est pourquoi, en mars 2021, avec Bruno Le Maire, nous avons souhaité consolider le modèle de la finance à impact et nourrir son développement sur la place de Paris en réunissant toutes les parties prenantes au sein d’une taskforce de place. Elle doit permettre de positionner la place de Paris en centre financier de référence mondial sur les enjeux de la finance durable.

La taskforce a rendu la première partie de ses travaux sur la définition en septembre 2021 : aujourd’hui, elle s’appuie sur les piliers de l’intentionnalité, de l’additionnalité et de la mesure de l’impact. Ces trois notions font consensus, mais leur simplicité apparente ne doit pas masquer une grande exigence.

Il s’agit d’abord de concilier la recherche de deux objectifs a priori antagonistes : la performance écologique et sociale d’un côté, la rentabilité financière de l’autre. Ceci tout en maîtrisant le risque d’externalités négatives ! Cela suppose également l’adoption d’une méthodologie claire et transparente pour mesurer les bénéfices précis de chaque stratégie d’investissement et le succès de la théorie du changement convenue entre l’investisseur et l’entreprise. Enfin, il convient que l’atteinte de ces objectifs environnementaux et sociaux s’inscrive dans le cadre de référence mondial des Objectifs de développement durable, définis par les Nations Unies et déclinés au niveau national et local.

Lutter contre le green- ou socialwashing

C’est une première étape, un premier pas en avant que je salue, car la définition constitue la pierre angulaire de tout son développement. C’est une voie essentielle pour un capitalisme renouvelé à l’heure où nous sommes en train de vivre un tournant : un mouvement de tectonique des plaques est à l’œuvre, porté non seulement par les nouvelles attentes des citoyens français, européens et mondiaux soucieux d’assurer la résilience de leurs sociétés, mais aussi par les investisseurs, en quête de placements proches de leurs convictions.

Ces derniers sont d’ailleurs de mieux en mieux équipés pour déceler les tentatives de green- ou de socialwashing. Entendons par là les stratégies marketing consistant à afficher un seul vernis écologique ou solidaire des produits financiers alors que les produits sont somme toute peu créateurs « d’impact ». C’est pour lutter contre ce phénomène que nous travaillons sur la refonte du label ISR, pour investissement socialement responsable. Représentant plus de 750 fonds labellisés, détenus par environ 145 sociétés de gestion de portefeuille, pour un total de près de 600 milliards d’euros d’encours, il s’est imposé en cinq ans comme la référence centrale pour accompagner la transition vers une finance plus durable et responsable. L’évolution de la réglementation européenne et le développement de méthodologies de mesure de l’impact nous permettent aujourd’hui d’envisager un label encore plus ambitieux. C’est pourquoi le label s’est récemment doté d’une nouvelle gouvernance, visant à en faire un instrument décisif pour la mobilisation de l’épargne, en faveur du financement d’une économie plus durable.

Les sociétés vont publier plus d'indicateurs d'impact

Finalement, dans la perspective d’un capitalisme plus responsable, pilier de l’économie française et européenne, la finance à impact ne saurait désormais se réduire à un marché de niche. Les investisseurs à impact peuvent accompagner une démarche de transformation de l’entreprise dans laquelle ils investissent. Nous avons donc besoin d’entreprises à impact pour développer la finance à impact : c’est pourquoi, du côté des entreprises, nous travaillons à améliorer le suivi de leur performance extra-financière à l’échelle européenne. Cela passe notamment par la discussion puis la transposition de la directive européenne sur la responsabilité durable des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive – CSRD), un texte crucial par lequel les 50 000 entreprises européennes de plus de 250 salariés seront désormais tenues de faire la transparence sur des indicateurs harmonisés de leur impact social et environnemental. Ce sont ces données qui, demain, vont alimenter les réflexions des investisseurs et financeurs.

La France a été pionnière, notamment grâce à une réglementation inédite sur le reporting RSE des entreprises ou sur le reporting ESG des investisseurs. Démontrons que nous sommes une nation de finance et d’entreprises innovantes : le succès de la taskforce de la Place de Paris sur la finance à impact, du label ISR et des discussions en cours sur la directive CSRD en sont de premières incarnations. Une place financière à la pointe est une place qui fait envie et qui sait s’organiser, jouer collectif pour la prospérité de tous. C’est ce que nous sommes en train de réaliser, à l’échelle de la Place de Paris, mais aussi à l’échelle de l’Europe.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº867
RB