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Rencontre avec ...

« Il y a 60 000 DAB environ en France, ce sont 60 000 points de vente qui ne sont pas utilisés »

Créé le

21.04.2017

-

Mis à jour le

14.06.2017

Quelques semaines après avoir signé un partenariat avec le fabricant coréen d’automates bancaires Nautilus Hyosung, Pascal Hermandesse revient sur l’avenir de Moneyline Banking Systems. Nouveau venu dans le secteur bancaire, il livre sa vision du marché un an après avoir racheté la société.

Comment est né ce partenariat entre Moneyline et Nautilus ?

J’ai repris la société en avril 2016. Je viens de l’industrie plus large des composants électroniques. Une des raisons qui m’ont poussé vers Moneyline est la fusion annoncée entre deux des grands équipementiers d’automates bancaires (Wincor et Diebold, ndlr) qui paraissait offrir une opportunité sur le marché pour un remplaçant. Moneyline affichait une belle croissance, avec une bonne implantation dans le secteur bancaire, des équipes compétentes avec des développements matériels et logiciels. La société a eu une croissance de plus de 15 % depuis quelques années. Elle fera plus de 16 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année. Ce sont ces raisons qui m’ont poussé à reprendre la société et je me suis tout de suite empressé de chercher un partenaire qui avait des produits complémentaires. Le choix s’est porté vers Nautilus Hyosung pour des raisons de fiabilité, d’image sur le marché, de positionnement. Nautilus est le 4e mondial de son secteur.

Pourtant il n’est quasiment pas présent en France ?

Il est très implanté en Asie, encore plus aux États-Unis où il est le premier en termes d’équipements installés. Et il a une bonne réputation sur le marché contrairement à d’autres intervenants dont j’avais étudié le dossier. De plus, je bénéficiais du travail du commercial mis en place pour l’Europe et qui depuis trois ans fait connaître les machines Nautilus Hyosung. Elles ont donc déjà une certaine notoriété dans les bureaux d’études. L’intérêt pour moi est d’avoir des produits qui complètent la ligne. Moneyline est plutôt dans des automates de remise de chèques, et le dépôt d’espèces déclaratif, et sur la ligne hors banque, des automates de paiement tout type. Nautilus, avec ses distributeurs automatiques de billet (DAB), nous permettait d’avoir une offre plus complète sur le marché. Pour eux, l’intérêt est d’avoir une structure de support ingénierie et de maintenance. Aujourd’hui, nous faisons l’avant-vente, le support et l’après-vente. Nous sommes capables de gérer toute l’offre service sur les produits.

La particularité de Nautilus par rapport à ses concurrents est de fournir les DAB physiques, et la partie logicielle peut venir de n’importe où. Pourquoi avoir choisi un partenaire purement matériel et pas logiciel ?

Nous n’avions pas la solution DAB et il nous fallait quand même le matériel. De plus, il me semble que le modèle « fournisseur d’automates qui vend aussi le logiciel » est périmé. Les banques ont envie d’indépendance aujourd’hui, parce qu’il y a eu aussi quelques déboires lorsque tout est contrôlé par le même prestataire. Avec Nautilus, nous pouvons proposer une offre matérielle et garder une grande flexibilité sur le logiciel. Tous les logiciels actuellement existants ont déjà été intégrés et testés par Nautilus. Nous sommes prêts à aller vers une personnalisation totale des solutions.

Dans le domaine bancaire, le DAB est le segment dans lequel il y a le moins d’innovation en France. Comment changer cette situation ? Les banques ont-elles envie de changer, ou faut-il passer par d’autres types de nouveaux entrants ?

Nautilus est bien placé sur tous les nouveaux concepts d’agence. Nous sommes en train de discuter avec certains clients pour faire de la distribution rapide de carte bancaire qui pourra être codifiée sur place, etc. En France, l’intérêt est manifeste, mais les contraintes réglementaires ralentissent tous ces projets. En outre, les lourdeurs des systèmes logiciels aussi semblent être un frein constant sur les processus de développement et de validation des nouveaux concepts. Aujourd’hui on parle beaucoup de POC (Proof of Concept), mais les banques ne sont pas organisées pour faire un véritable POC, c’est-à-dire : prendre une machine, la mettre dans un coin et travailler dessus. Aujourd’hui dès que vous proposez une nouvelle machine, elles cherchent d’emblée à l’intégrer dans leur système. C’est une barrière à l’entrée, mais je pense qu’on y viendra. Aujourd’hui il y a 60 000 DAB environ en France, c’est 60 000 points de vente potentiels qui ne sont pas utilisés. Ils pourraient aussi facilement comprendre des outils marketing et proposer la vente de différents produits. C’est déjà le cas en Italie où les DAB permettent de payer son loyer, sa place de cinéma ou de théâtre. Cela ne se fait pas en France, mais quand les banquiers viennent dans notre showroom, ils voient de nouveaux concepts d’agence où vous pouvez appeler, faire une interface vidéo. Ce sont des choses qui interpellent, tout au moins la partie marketing et technique des banques.

Les banques de distributeurs, qui sont à la fois banques et issues des commerçants, sont peut-être plus intéressées ?

Nous discutons avec elles et avec les nouveaux arrivants comme Orange. Si Orange installe dans ses points de vente une borne bancaire, celle-ci pourrait aussi proposer des abonnements téléphoniques, etc. Techniquement c’est tout à fait réalisable. Mais certains freins notamment psychologiques subsistent : on associe toujours une borne à une réduction d’emploi ce qui n’est pas forcément le cas, au contraire, cela peut représenter de l’emploi plus spécialisé ou du moins plus focalisé.

Est-ce que ce partenariat marque aussi une volonté de partir plus à l’international ?

À court terme, nous allons nous occuper des marchés francophones en Europe, et de manière opportuniste, des marchés africains. L’Afrique francophone a une tendance à chercher des fournisseurs français. Aujourd’hui, nous montons une offre pour ces marchés. Nous verrons ensuite comment évolue le partenariat. Je pense qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. La priorité porte sur le marché européen. Mon ambition personnelle à terme est que Moneyline devienne un hub européen pour Nautilus, mais aujourd’hui il n’y a pas d’accord dans ce sens.

Vous avez un œil neuf sur le marché bancaire, comment voyez-vous l’évolution du DAB et du marché bancaire en France avec l’arrivée de nouveaux entrants et la mort annoncée des espèces ?

Le chèque devait disparaître il y a 10 ans, il est toujours là. Il perd entre 5 et 10 % par an, mais il en reste quand même quelques millions en circulation. De même, il va s’écouler encore quelques années avant que le cash ne disparaisse. Théoriquement, la carte pourrait disparaître aussi avec tous les appareils de mobilité. Ceci dit, je garde des doutes sur la sécurité du paiement par mobilité. Celle-ci peut y être encore améliorée. Hors paiement internet, la carte bancaire avec le contact reste quand même le moyen le plus sûr. Sans contact, le niveau de fraude augmente. Aujourd’hui, de plus en plus de banques ont fait le choix de l’externalisation complète pour la gestion du csah. C’est ce que propose notre offre AVB en collaboration avec la Brinks. C’est une offre clé en main sur la gestion des coffres de dépôts d’espèces déclaratifs. D’autres banques comme CIC Crédit Mutuel continuent de vouloir tout gérer en direct pour des raisons principalement sociales. Je ne sais pas s’il existe un modèle, mais il me semble que c’est aujourd’hui plutôt une exception.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº808
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