ICO est l’acronyme de l’anglais Initial Coin Offering. À quoi bon s’embarrasser de ce terme, qui évoque celui d’Initial Public Offering, ou introduction en Bourse ? Il se trouve que, depuis le début de 2017, les ICO ont attiré l’équivalent de deux milliards de dollars en cybermonnaies,
principalement bitcoins et ethers. Soit près de cinquante fois plus que pendant la même période de 2016. C’est peut-être une raison suffisante pour essayer de comprendre, par exemple, ce que désigne ce terme, comment il se situe par rapport à d’autres formes de financement, et ce qu’il nous apprend sur les cybermonnaies.
De quoi s’agit-il ?
Evidemment, on ne peut pas « introduire en Bourse » des pièces de monnaie, car il n’y a pas de Bourse pour les « pièces de monnaie » offertes dans les ICO. Les coins des ICO sont des unités de compte de cybermonnaies en devenir, qui sont offertes en quelque sorte « sur plans ». On nous propose donc d’acheter des unités d’une monnaie qui n’existe pas encore, et dont le protocole est décrit dans un Livre blanc (white paper) de quelques pages qui ne contient pas un plan d’affaires mais des principes. Prenons deux exemples, parmi les 400 ICO déjà lancées en
- CarTaxi est une plateforme logistique pour l’évacuation et le transport d’automobiles qui intègre toutes les dépanneuses en une seule application. C’est une solution mobile planétaire bénéficiant de la synergie entre géolocalisation, chaîne de blocs et services programmés (smart
contracts) ;[2] - Les jetons DomRaider (DRT) permettront de mettre aux enchères des noms de domaine internet et de participer à ces enchères ; les achats seront enregistrés dans une chaîne de blocs
spécifiques[3] .
Quelle différence entre une ICO et un financement participatif ?
Puisque ces ICO consistent à vendre des jetons et que ces jetons correspondent à des projets décrits par des livres blancs, on peut, d’une part, définir une ICO comme une Offre publique de ventes de jetons (OPVJ) et, d’autre part, rapprocher cette forme de financement du financement participatif, où des donateurs-investisseurs contribuent à un projet dans l’espoir de le faire exister.
Il s’avère cependant que le financement participatif est aujourd’hui régulé dans tous les pays développés, qu’il s’agisse du financement participatif par don, par
Depuis le 25 juillet dernier toutefois, la SEC a émis un
Ce que les OPVJ nous apprennent des cybermonnaies
On peut considérer que la valorisation des cybermonnaies repose sur leur demande. Si on prend l’exemple du bitcoin, la demande a d’abord été alimentée par les paiements entre particuliers (Athey et al., 2016), parfois à la recherche d’une discrétion coupable (Christin, 2013), puis par une demande chinoise partagée entre les paris et le contournement des règles de contrôle des changes (Popper, 2016). Cette demande s’est effondrée (-98 %) en février avec l’imposition par la Banque de Chine de déclarer un compte en banque pour les opérations en bitcoin. Elle est repartie fortement à la hausse en avril, avec un effet sur le prix au mois de mai, quand les résultats des OPVJ d’avril ont été connus.
De là, on peut imaginer deux scénarios. Dans le premier, les cybermonnaies sont l’avenir de l’humanité et les OPVJ la voie de leur avènement. Reste qu’il est difficile de comprendre pourquoi nous aurions besoin de « cartaxis », qui n’ont vocation à régler que les dépenses de dépanneuse (lesquelles sont le plus souvent prises en charge par les prestations d’assistance de nos contrats d’assurance automobile), alors que nous n’avons déjà pas évidemment besoin de bitcoins, qui devraient pouvoir régler n’importe quelle dépense… Imaginons donc un second scénario : les propriétaires de bitcoins ont le plus grand mal à s’en défaire parce que les changeurs
Dans ses chroniques sur FT Alphaville, la spirituelle Izabella Kaminska décrit ce qu’elle nomme l’« ICOmedy » comme la nouvelle « bulle dot-com ». L’analogie avec la situation de début 2001 paraît fondée : la valorisation repose désormais sur l’anticipation des anticipations, et personne ne saurait fournir un plan d’affaires crédible. Dans ces conditions, la fin est proche. Et il vaut mieux attendre que le krach soit passé pour s’intéresser à tous ces merveilleux cyberjetons.