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Gestion de trésorerie d’entreprises : le casse-tête du calcul des intérêts de retard

Créé le

16.10.2012

-

Mis à jour le

29.11.2012

Si la nécessité d’une coopération entre trésorier et credit manager pour optimiser la gestion du cash et du poste client n’est plus à démontrer, la gestion du taux de facturation des intérêts de retard en constitue une nouvelle illustration. Elle impose de suivre systématiquement les variations de taux directeurs de la BCE et de la loi LME, et de gérer des changements fréquents d’index pour fixer le taux des pénalités de retard.

Rappelons que le taux de facturation des intérêts de retard exigibles, en cas de non-respect des délais de paiement pour les opérations commerciales, a connu plusieurs modalités d’application depuis 2007. Le taux applicable aux pénalités de retard a en effet subi la double incidence de l’entrée en vigueur de la loi LME [1] et de la volatilité des taux d’intérêt. Entre 2008 et 2012, le taux directeur de la Banque Centrale Européenne (BCE) est passé de 4,25 % à 0,75 %. Le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles, communément appelé « taux des intérêts de retard », est fixé :

 

  • soit par rapport à l’un des deux index suivants : taux d’intérêt légal ou taux directeur de la BCE ;
  • soit en appliquant un taux fixe ou un taux variable (Euribor, Eonia…).

Deux index de référence

Le taux de l’intérêt légal, fixé par décret pour chaque année civile, est égal à la moyenne arithmétique des 12 dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à 13  semaines [2] . Ce taux est publié au Journal Officiel et sert notamment à déterminer le montant des intérêts de retard en cas de dépassement du délai de paiement accordé par le fournisseur. Ce taux est fixé à 0,71 % pour l’année 2012.

Concernant le taux directeur de la BCE, bien qu’il ne soit pas défini officiellement par l’Institut d’émission, son Conseil des gouverneurs retient comme « taux directeur » le taux des appels d’offres de refinancement des banques commerciales auprès de l’Eurosystème. Ce taux, communément désigné « taux REFI [3] » par les intervenants de marché, est, soit à taux fixe lorsque l’appel d’offres est effectué à taux fixe (situation en vigueur depuis le 15 octobre 2008), soit à taux variable, correspondant dans ce cas au taux minimum des soumissions des banques auprès de l’Institut d’émission. Le taux REFI est fixé à 0,75 % depuis le 8 juillet 2012. Ce taux peut être modifié lors de chaque conseil de la BCE.

Pour connaître le taux d’intérêt de retard minimum à appliquer, le législateur stipule que « les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire [4] ».

La règle de taux minimum imposée par la loi LME

La loi LME a modifié le taux d’intérêt de retard minimum sur deux points :

  • l’indexation de ce dernier sur le taux d’intérêt légal selon un coefficient multiplicateur de 3 au lieu de 1,5 ;
  • sa majoration par rapport au taux REFI, passée de 7 à 10 points de pourcentage (soit +10 % l’an).
À noter que le législateur reste muet sur la fixation d’un taux maximum.

Pour décrypter ce langage, pour le moins abscons du législateur, la loi n’impose pas à l’entreprise de choisir entre les deux index précités (REFI ou taux d’intérêt légal) pour fixer son taux d’intérêt de retard. Mais que l’entreprise choisisse le REFI ou un autre taux, elle doit s’assurer en permanence que le taux retenu soit toujours supérieur ou égal à 3 fois le taux d’intérêt légal pour pouvoir appliquer cet index. Si tel n’est pas le cas, elle doit retenir comme taux d’intérêt de retard minimum le taux d’intérêt légal multiplié par 3. Depuis 2007, cette situation peut être synthétisée dans le tableau de l’encadré 1.

La comparaison de l’évolution des taux d’intérêt légal et REFI de la BCE de 2007 à juillet 2012 montre deux enseignements principaux :

  • l’écart entre le taux d’intérêt légal et le taux REFI de la BCE +10 % se creuse fortement depuis 2010, notamment suite à la baisse significative des taux de rendement des bons du Trésor français ;
  • le taux d’intérêt de retard minimum, lorsqu’il est indexé sur le taux REFI, a toujours été supérieur au taux d’intérêt légal multiplié par 1,5 (par 3 depuis la loi LME), sauf entre le 8 avril et le 31 décembre 2009.

Mettre en place un contrôle permanent…

Pour se conformer à la fois à la réglementation applicable (en France) et faire face aux risques de changements fréquents d’index pour fixer le taux des pénalités de retard, il est impératif de mettre en place un contrôle permanent portant sur quatre points :

  • revue de tous les contrats commerciaux, et en particulier les clauses relatives aux intérêts de retard ;
  • vérification de la mention du taux d’intérêt de retard applicable sur chaque facture ;
  • veille pour se conformer en permanence à la réglementation applicable, impliquant un suivi régulier des modifications législatives/réglementaires et des taux servant de référence au calcul des pénalités de retard (taux REFI de la BCE et taux d’intérêt légal) ;
  • formalisation de ces règles dans les procédures de contrôle interne et vérification de la bonne application des procédures.

…pour un suivi systématique

Ainsi, si la loi LME n’empêche pas l’entreprise de retenir un taux fixe ou tout autre index (de type Euribor) pour définir son taux d’intérêt de retard, elle doit cependant veiller systématiquement à ce que le taux d’intérêt de retard retenu ne soit jamais inférieur au taux d’intérêt légal multiplié par 3 et, par ailleurs, ne soit pas en infraction avec d’autres réglementations en vigueur sur le taux maximum à appliquer (du type taux de l’usure…). En conclusion, dans les deux hypothèses, un suivi s’impose systématiquement pour respecter la législation applicable, même si en pratique les pénalités de retard sont encore rarement exigées par le vendeur.

Achevé de rédiger le 12 octobre 2012.

 

1 La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie ( JO du 5 août 2008) prévoit des taux de retards minimums légaux obligatoires applicables dès le dépassement du délai contractuel de paiement. 2 Selon la définition du Code Monétaire et Financier, article L. 313-2. 3 Pour taux de REFInancement. 4 Code de commerce, article L. 441-6, I.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº754
Notes :
1 La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (JO du 5 août 2008) prévoit des taux de retards minimums légaux obligatoires applicables dès le dépassement du délai contractuel de paiement.
2 Selon la définition du Code Monétaire et Financier, article L. 313-2.
3 Pour taux de REFInancement.
4 Code de commerce, article L. 441-6, I.