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Droit de la régulation bancaire

Gestion des crises bancaires par la BCE : des progrès mais peut mieux faire !

Créé le

15.02.2018

-

Mis à jour le

06.03.2018

Un récent rapport de la Cour des comptes européenne constate la solidité du cadre mis en place par la Banque Centrale Européenne (BCE) pour la gestion des crises du secteur bancaire tout en soulignant certains défauts.

Conformément à l’article 27 § 2 des statuts du Système européen de banques centrales (SEBC) [1] , la Cour des comptes européenne est tenue d’assurer un audit de l’efficience de la gestion de la BCE. L’article 20 § 7 du règlement MSU précise que « lorsque la Cour des comptes européenne examine l’efficience opérationnelle de la gestion de la BCE […] elle tient également compte des missions de surveillance confiées à la BCE » [2] . Cet audit participe de l’obligation de rendre des comptes à laquelle la BCE est assujettie dans l’exercice de ses missions de surveillance prudentielle des établissements de crédit en vertu de l’article 20 § 1 du règlement MSU [3] .

Le rapport spécial de la Cour des comptes européenne [4] publié le 16 janvier 2018 porte uniquement sur l’une des missions de surveillance confiées à la BCE : la gestion des crises bancaires concernant les établissements importants placés sous son contrôle direct en application de l’article 6 § 4 du règlement MSU. Pour mémoire, il s’agissait en juillet 2017 de 120 groupes bancaires détenant un peu plus de 80 % des actifs du secteur (soit environ 22 000 milliards d’euros). L’audit de la Cour n’incluait donc pas la gestion des crises relative aux établissements moins importants qui relèvent de la surveillance prudentielle directe des superviseurs nationaux agissant sous la direction de la BCE, telle l’ACPR. La gestion des crises, qui est définie par la Cour comme le « processus utilisé par les autorités de surveillance pour repérer les banques confrontées à des difficultés financières et intervenir en cas de besoin », vise à préserver la stabilité financière et à réduire la dépendance des établissements de crédit à l’égard des fonds publics. Elle se traduit par la planification du redressement des banques, l’intervention précoce de l’autorité de surveillance compétente et, en dernier, ressort, la mise en œuvre de la procédure de résolution bancaire.

La BCE a établi un cadre solide pour la gestion des crises bancaires

Dès les premières pages du rapport, la Cour indique que « la BCE a refusé de […] fournir des éléments probants importants », ce qui a nui aux travaux des auditeurs. Elle souligne que les observations et les conclusions formulées sont, par conséquent, provisoires et que l’équipe d’audit n’est pas en mesure de confirmer l’efficience de la gestion des crises dans la pratique. Un tableau annexé au rapport permet de comprendre les éléments qui ont manqué aux auditeurs dans l’accomplissement de leur mission. En conséquence, la Cour demande à la BCE d’autoriser l’accès à tout document ou information nécessaire à son audit, tout en rappelant que la banque centrale est tenue par une obligation de rendre des comptes.

Si la Cour reconnaît que « dans le cadre de son rôle de surveillance, la BCE a établi un cadre solide pour les procédures de gestion des crises », elle considère néanmoins que « des améliorations importantes restent nécessaires ».

Dans ses observations en réponse, la BCE conteste cependant l’analyse des auditeurs et affirme qu’elle a fourni à la Cour tous les documents et informations lui permettant d’évaluer l’efficience opérationnelle de la gestion des crises bancaires.

La Cour relève des insuffisances et formule des recommandations

La Cour observe que la BCE, en sa qualité d’autorité de surveillance sur base consolidée, préside trente-quatre collèges d’autorités de surveillance dont quatre collèges internationaux qui n’accueillent aucun superviseur d’un État membre de l’Union européenne. Or, en juin 2017, la BCE n’avait conclu d’accords écrits de coordination ou de coopération pour faciliter la gestion des crises bancaires que pour cinq collèges. L’absence de tels accords pourrait réduire la capacité de la BCE à réagir efficacement en cas de crise.

La Cour regrette également l’insuffisance des échanges d’informations entre la BCE et le Conseil de résolution unique (CRU). Elle remarque que la BCE ne communique au CRU que les informations qu’elle estime pertinentes et que, si celui-ci a besoin de données supplémentaires, il doit en faire la demande.

La Cour déplore, par ailleurs, l’insuffisance des critères et indicateurs permettant à la BCE de détecter les crises éventuelles et notamment l’absence de seuils clairs, ce qui pourrait nuire à l’efficience de la gestion des crises.

Elle observe, en outre, que la BCE ne dispose pas de procédures et de systèmes permettant de compiler la multitude d’informations à sa disposition, de les évaluer et de les faire remonter à l’échelon hiérarchique pertinent.

La Cour souligne encore que la BCE n’est pas en mesure de dépêcher rapidement une équipe d’inspection sur place pour effectuer une analyse détaillée de la qualité des actifs des banques en crise, ce qui compromet sa capacité à réagir rapidement à une crise bancaire.

Afin de corriger ces insuffisances, la Cour formule sept recommandations que la BCE est invitée à mettre en œuvre selon un calendrier précis. La plupart des ces recommandations ont été acceptées par la BCE.

 

1 Art. 27 §2 du protocole n°4 sur les statuts du SEBC et de la BCE.
2 Art. 20 §7 du règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit : JOUE L 287 du 29 octobre 2013, p. 63.
3 V. également Cour des comptes européenne, « Mécanisme de surveillance unique : les débuts sont réussis, mais des améliorations sont nécessaires », rapport spécial n° 29/2016 publié le 18 novembre 2016, ainsi que « Conseil de résolution unique – L’ambition chantier de l’Union bancaire a commencé mais est loin d’être terminé », rapport spécial n° 23/2017 publié le 19 décembre 2017.
4 Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits de la performance et de conformité relatifs à des domaines budgétaires ou à des questions spécifiques.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº818
Notes :
1 Art. 27 §2 du protocole n°4 sur les statuts du SEBC et de la BCE.
2 Art. 20 §7 du règlement (UE) n°1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit : JOUE L 287 du 29 octobre 2013, p. 63.
3 V. également Cour des comptes européenne, « Mécanisme de surveillance unique : les débuts sont réussis, mais des améliorations sont nécessaires », rapport spécial n° 29/2016 publié le 18 novembre 2016, ainsi que « Conseil de résolution unique – L’ambition chantier de l’Union bancaire a commencé mais est loin d’être terminé », rapport spécial n° 23/2017 publié le 19 décembre 2017.
4 Les rapports spéciaux de la Cour présentent les résultats de ses audits de la performance et de conformité relatifs à des domaines budgétaires ou à des questions spécifiques.
RB