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Étude

La garantie, efficace pour stimuler le crédit

Créé le

10.02.2022

L'impact d'un assouplissement des conditions d'accès à la garantie de crédit bancaire déployée par BPIFrance a été analysé. Le bilan ? On constate qu'un recours accru à la garantie entraîne une hausse de la production de crédit. Et ce, sans dégradation de la qualité du portefeuille. Explications.

De nombreux États ont mis en place des dispositifs exceptionnels de garantie de crédit bancaire afin de soutenir la trésorerie des entreprises pendant la crise sanitaire. En France, cela s’est traduit par la mise en place du Prêt garanti par l’État (PGE), un dispositif inédit permettant à l’État de garantir environ 150 milliards d’euros de prêts. Ces PGE sont venus compléter un mécanisme de garantie déployé de longue date par Bpifrance, que les banques françaises peuvent mobiliser pour couvrir leurs prêts les plus risqués à destination des petites et moyennes entreprises (voir encadré). Ces garanties bénéficient chaque année à un nombre important d’entreprises, y compris hors période de crise : en 2019, près de 50 000 entreprises ont obtenu un prêt garanti par Bpifrance. Soit un montant de prêt cumulé d’environ 7 milliards d’euros.

Malgré l’importance des volumes de soutien en jeu, peu d’évaluations ont jusqu’ici mesuré l’impact économique des garanties déployées par Bpifrance. Une étude récente s’est intéressée à l’impact d’un programme très spécifique – et temporaire – de garantie de crédit déployé durant la crise financière de 2008-2009 : elle a mis en évidence un impact important sur l’emploi, estimant des économies significatives pour l’assurance chômage. Néanmoins, cette étude ne permet pas de juger de l’impact des mécanismes de garantie en dehors d’un épisode de stress majeur sur le secteur financier. Des questions se posent pourtant : est-ce que la garantie permet, même dans un contexte porteur, d’augmenter le volume de crédit pour les PME ? Et si oui, est-ce que ces crédits garantis financent des projets viables sur le plan économique ?

L’évènement étudié : une garantie plus facile d'accès

Pour répondre à ces questions, nous avons exploité un épisode passé d’assouplissement des conditions d’accès à la garantie pour les banques. En 2015, Bpifrance a étendu le champ des crédits pour lesquels les banques peuvent mobiliser une garantie via une délégation de décision. Autrement dit, sans instruction préalable de la demande par Bpifrance. Pour les banques, ce changement a réduit les coûts et les temps de procédure de recours à la garantie pour les crédits compris entre 100 000 et 200 000 euros. La question posée par notre étude est de savoir si cette facilité d’accès à la garantie se traduit par un volume de crédit supplémentaire à destination des PME. Nous focalisons ici notre analyse sur les crédits à la création d’entreprise : sur ce champ, 30 % des crédits aux entreprises sont garantis par Bpifrance. Sur ce périmètre, un changement d’utilisation de la garantie peut avoir un effet visible sur la production totale de crédit.

L’étude montre d’abord que l’extension de la délégation de décision a effectivement accru le recours à la garantie pour les crédits compris entre 100 000 et 200 000 euros. Deux facteurs peuvent expliquer cette hausse, sans que nos données permettent d’établir dans quelles proportions. Le premier facteur est, comme mentionné plus haut, la baisse des coûts administratifs pour les banques. Le deuxième facteur est lié au fait que pour les nouveaux entrepreneurs, les conditions de la garantie (prix et taux de couverture) sont historiquement plus généreuses via la délégation de décision que via la procédure usuelle. Dès lors, élargir le champ de la délégation de décision élargit aussi mécaniquement le champ des entrepreneurs bénéficiant de ces conditions plus généreuses.

Un effet d'aubaine très limité

Grâce aux données du registre de crédit de la Banque de France, nous pouvons observer si ce recours accru à la garantie a un effet sur le volume total (garanti ou non) de crédit distribué par les banques. L’étude montre un impact positif, compris entre +6 % et +13 % à l’horizon d’un an. Plus précisément, nous voyons une accélération de la distribution de prêts sur la tranche des crédits allant de 100 000 à 200 000 euros. Mais ce mouvement n’est pas visible sur les tranches de montant adjacentes (voir graphique). Il est donc peu probable que la hausse du volume de crédit provienne d’une hausse de la demande adressée aux banques : il semble plutôt que la facilité d’accès à la garantie a bien permis aux banques de distribuer davantage de crédits. En outre, l'effet d'aubaine, consistant en une substitution de prêts garantis à des prêts auparavant non garantis, apparaît très limité.

Une meilleure capacité à financer les PME

L’analyse du profil des bénéficiaires des garanties montre que leur profil de risque n’a pas évolué significativement après l’extension de la délégation de décision : les banques ont donc distribué davantage de crédit, sans que la qualité du portefeuille garanti ne se soit détériorée. Une première explication possible est qu’il est difficile, pour les banques, indépendamment de la qualité des projets, de rentabiliser le temps consacré à l’étude des dossiers pour les petits prêts à la création, et que la garantie permet de solvabiliser ces petits crédits en accélérant la prise de décision des banques. Une autre explication possible est que la garantie permet aux banques de limiter leurs exigences en fonds propres réglementaires, ce qui améliore leur capacité à financer les PME.

Les résultats de cette étude tendent à montrer l’utilité de ce type d’instruments sur le financement des PME, y compris hors phase de stress aiguë sur le secteur financier et l’économie. Des travaux de recherche complémentaires seraient particulièrement utiles pour comprendre encore davantage les mécanismes à l’œuvre afin d’affiner les politiques publiques en faveur du financement des PME.

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº866