Fonds monétaires à VL constante : dans une impasse réglementaire ?

Quelle est l&rsquo;origine des fonds mon&eacute;taires &agrave; valeur liquidative (VL) constante ? Les fonds &agrave; VL constante sont d'origine am&eacute;ricaine. Ils ont vu le jour dans les ann&eacute;es 1970, dans un contexte bien particulier de plafonnement des taux d'int&eacute;r&ecirc;t. Leur sp&eacute;cificit&eacute; est d'afficher une valeur constante &ndash; 1 dollar, 1 euro &ndash; sans varier en fonction du sous-jacent. Les variations quotidiennes du portefeuille sont en effet enregistr&eacute;es en dehors de la comptabilit&eacute; l&rsquo;OPCVM, sur les comptes clients. Dans leur fonctionnement, ces fonds ressemblent beaucoup &agrave; des d&eacute;p&ocirc;ts bancaires, car leur valeur est cens&eacute;e ne pas baisser. Quelle est la position de l&rsquo;AFG concernant ces fonds ? Nous estimons que les fonds mon&eacute;taires sont des fonds de gestion collective comme les autres. &Agrave; ce titre, ils doivent avoir une valorisation en valeur de march&eacute;, qui assure une transparence sur la valeur r&eacute;ellement d&eacute;tenue par l'investisseur dans son portefeuille, et permet, lorsque la valeur du portefeuille baisse, de pr&eacute;venir des situations de runs syst&eacute;miques. Le danger soulign&eacute; par les r&eacute;gulateurs est que, &agrave; la diff&eacute;rence des fonds &agrave; VL variable, les fonds &agrave; VL constante donnent ce que l'on appelle un &laquo; avantage au premier sortant &raquo; : si un investisseur doute de la capacit&eacute; d&rsquo;un fonds &agrave; maintenir sa VL, il va chercher &agrave; sortir avant les autres. Une autre probl&eacute;matique et que le mode de valorisation des fonds &agrave; VL constante semble induire une sorte de garantie implicite, tandis que dans le cas des fonds &agrave; VL variable, les investisseurs savent bien que le risque de baisse des actifs sous-jacents ne peut &ecirc;tre &eacute;cart&eacute;. Dans ces conditions, le comportement des investisseurs n&rsquo;est pas le m&ecirc;me, puisqu'un investisseur institutionnel fran&ccedil;ais disposera d&rsquo;analyses et de proc&eacute;dures de due diligence pour choisir dans quels fonds investir, alors qu&rsquo;&agrave; l'inverse, l'investisseur dans des fonds &agrave; VL constante regardera surtout la s&eacute;curit&eacute; qu'il estime recevoir gr&acirc;ce &agrave; la notation dont la plupart des fonds b&eacute;n&eacute;ficient. De tels fonds ont-ils &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;s en Europe ? et en France ? Il en existe essentiellement en Irlande et au Luxembourg. Ces fonds ont &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;s essentiellement &agrave; l&rsquo;initiative de soci&eacute;t&eacute;s de gestion, filiales de groupes am&eacute;ricains, qui pr&eacute;f&egrave;rent fonctionner avec un syst&egrave;me &eacute;prouv&eacute;. En France, les investisseurs ne se montrent pas tr&egrave;s friands de ce type de fonds et la position de l&rsquo;AMF est d&rsquo;ailleurs qu&rsquo;ils ne peuvent &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s en &laquo; cash equivalent &raquo;. Au vu du risque que ces fonds repr&eacute;sentent, qu'est-ce qui explique les difficult&eacute;s de mise en œuvre d'une r&eacute;glementation ? Les d&eacute;fenseurs des fonds &agrave; VL constante font valoir le r&ocirc;le qu&rsquo;ils jouent dans le financement de l&rsquo;&eacute;conomie et le fait qu'un tel changement, s'il &eacute;tait op&eacute;r&eacute; de mani&egrave;re brutale, pourrait &ecirc;tre syst&eacute;mique. Ils ajoutent, et c&rsquo;est un point de vue que nous ne partageons pas du tout, que le risque est le m&ecirc;me, que la VL soit constante ou variable. La question est particuli&egrave;rement pr&eacute;gnante aux &Eacute;tats Unis, o&ugrave; tous les fonds mon&eacute;taires sont &agrave; VL constante. Ils font &eacute;galement partie int&eacute;grante du syst&egrave;me de paiement : une soci&eacute;t&eacute; peut payer une autre avec des parts de fonds mon&eacute;taires. C'est de la quasi-monnaie de banque centrale. Les co&ucirc;ts de refonte du syst&egrave;me, pour une industrie d&eacute;j&agrave; fragilis&eacute;e par un environnement de taux bas, seraient loin d'&ecirc;tre n&eacute;gligeables, il faut bien le reconna&icirc;tre. En effet, basculer vers une valeur liquidative variable s'av&eacute;rerait compliqu&eacute; pour ces fonds, notamment &ndash; mais pas seulement &ndash; pour des questions comptables et fiscales propres aux &Eacute;tats-Unis. La SEC se trouve semble-t-il dans une impasse&hellip; Quelles options lui reste-t-il pour engager une r&eacute;forme ? Les travaux de la SEC n&rsquo;ont en effet pas abouti. Mais le sujet est d&eacute;sormais trait&eacute; au niveau du FSOC am&eacute;ricain [1] . Le risque est que des solutions moins consensuelles pourraient tr&egrave;s bien voir le jour : par exemple, une &eacute;volution vers des fonds dot&eacute;s de capitaux propres, ce qui les &eacute;loignerait de l' asset management pour les rapprocher de la sph&egrave;re bancaire. Quel impact ce blocage peut-il avoir sur les travaux de l'IOSCO ? Les travaux de la SEC sont suivis de pr&egrave;s par le FSB, qui a donn&eacute; mandat &agrave; l'IOSCO pour apporter des solutions. Tout d&rsquo;abord, le planning des travaux de l'IOSCO a &eacute;t&eacute; logiquement impact&eacute; par cette situation [2] . &Eacute;tant donn&eacute; que la probl&eacute;matique concernant ces fonds est avant tout am&eacute;ricaine, il est difficile de conna&icirc;tre la nature des propositions qui seront formul&eacute;es &agrave; l'occasion du prochain G20 Finances. En outre, les principes IOSCO n'ont pas de valeur contraignante. Enfin, et malgr&eacute; le blocage actuel, n'oublions pas que la probl&eacute;matique est tout autant politique qu'&eacute;conomique. Quel est l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;avancement des projets de r&eacute;glementation en Europe ? L'approche europ&eacute;enne s'imposera aux pays membres. La Commission devra trancher. La question est pos&eacute;e dans le cadre de la consultation UCITS 4 , qui est en cours et doit s'achever le 18 octobre. Les diff&eacute;rents travaux publi&eacute;s en Europe reprennent toutes les solutions d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;es par ailleurs. Un des r&eacute;gulateurs britanniques s&rsquo;est illustr&eacute; par des prises de position assez fortes, en demandant l&rsquo;interdiction de ces fonds. Un rapport parlementaire a &eacute;t&eacute; publi&eacute; il y a quelques semaines. Il encourage la Commission europ&eacute;enne &agrave; travailler sur un certain nombre de pistes : VL variable, ou bien des capitaux propres comme pour un produit bancaire. Quelle &eacute;tait la nature des travaux que vous avez men&eacute;s avec le Tr&eacute;sor et l'AMF ? En mai 2010, le CESR a publi&eacute; des recommandations sur les fonds mon&eacute;taires. La construction de ces fonds &eacute;tait autoris&eacute;e par les textes europ&eacute;ens (UCITS) ; des soci&eacute;t&eacute;s de gestion ayant &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;es en Irlande et au Luxembourg, la Place de Paris s'est alors interrog&eacute;e sur l'opportunit&eacute; de lancer, elle aussi, des fonds &agrave; VL constante. Nous avons d&eacute;but&eacute; des travaux qui ont permis de clarifier le fonctionnement de ces fonds et les risques qu&rsquo;ils induisent. En particulier, ils posaient des difficult&eacute;s d'ordre comptable et &eacute;galement de valorisation : une valorisation des positions &agrave; 13 mois n'est pas la m&ecirc;me que la valorisation marked to market ou &agrave; 3 mois. En cons&eacute;quence de ces travaux, la France n'a pas transpos&eacute; &agrave; ce jour les dispositions du R&egrave;glement UCITS permettant la cr&eacute;ation de ces fonds. Ces fonds connaissent-ils une sinistralit&eacute; importante ? La crise est pass&eacute;e par l&agrave;. En 2008, le Prime Reserve Fund a d&ucirc; &ecirc;tre secouru par les autorit&eacute;s. D'autres incidents ont secou&eacute; le march&eacute;, qui ont justifi&eacute; l'intervention de la Fed, ou bien celle des sponsors des fonds concern&eacute;s. Rien n'assure que cela se passera ainsi &agrave; l&rsquo;avenir. Depuis quelque temps, les disparitions des fonds se sont tass&eacute;es. N&eacute;anmoins, ces fonds ont du mal &agrave; se maintenir et gagnent pas ou peu d'argent. Beaucoup d&rsquo;entre eux ont bloqu&eacute; les nouvelles souscriptions au cours de l'&eacute;t&eacute;, afin de limiter la d&eacute;gradation de leurs performances. Une cons&eacute;quence aggravante de leur situation a &eacute;t&eacute; le renforcement des m&eacute;thodologies des agences de notation &agrave; leur &eacute;gard. Il leur est d&eacute;sormais difficile d&rsquo;obtenir les meilleures notes, et donc d&rsquo;attirer des investisseurs qui recherchent avant tout du AAA. D&rsquo;&eacute;ventuelles d&eacute;faillances de ces fonds peuvent-elles avoir des cons&eacute;quences en Europe, et en France en particulier ? En cas de d&eacute;faillance, les investissements r&eacute;alis&eacute;s en Europe par ces fonds pourraient &ecirc;tre impact&eacute;s. Cependant, les fonds am&eacute;ricains, qui affichent une certaine m&eacute;fiance vis-&agrave;-vis de l&rsquo;euro, investissent de moins en moins. C&rsquo;&eacute;tait l'un des souhaits de Paul Tucker au Royaume-Uni : que les &eacute;tablissements bancaires europ&eacute;ens d&eacute;pendent moins des financements des fonds mon&eacute;taires am&eacute;ricains, en l'absence de r&eacute;forme. En effet, vu le caract&egrave;re syst&eacute;mique de ces fonds, les banques couraient le risque de se voir retirer du jour au lendemain ces financements. Cela, en contrepartie, souligne l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour les banques que les fonds mon&eacute;taires europ&eacute;ens et notamment fran&ccedil;ais &agrave; VL variable puissent continuer &agrave; se d&eacute;velopper. Un seul chiffre, tr&egrave;s parlant : les OPCVM fran&ccedil;ais d&eacute;tiennent 45 % de l&rsquo;encours des certificats de d&eacute;p&ocirc;ts des banques fran&ccedil;aises. 1 Cr&eacute;&eacute; dans le cadre de la loi Dodd Frank, le Financial Systemic Oversight Council (FSOC) , plac&eacute; sous l&rsquo;autorit&eacute; du secr&eacute;taire d&rsquo; &Eacute; tat au Tr&eacute;sor et compos&eacute; des responsables des diff&eacute;rentes entit&eacute;s de r&eacute;gulation et de supervision, est charg&eacute; d&rsquo;identifier et de suivre les risques pouvant affecter le syst&egrave;me financier am&eacute;ricain. 2 NDLR : selon l&rsquo;agenda arr&ecirc;t&eacute; &agrave; l&rsquo;issue du dernier G20, IOSCO devait remettre au FSB, d&egrave;s le mois de juillet 2012, un rapport sur la r&eacute;glementation destin&eacute;e &agrave; att&eacute;nuer les risques syst&eacute;miques qui concernent les fonds mon&eacute;taires. Il sera finalement pr&eacute;sent&eacute; &agrave; l&rsquo;occasion du G20 Finances du mois de novembre 2012.

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