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Responsabilité sociale et environnementale

La fonction développement durable se structure au sein des banques

Créé le

14.12.2011

-

Mis à jour le

26.12.2011

Les banques cherchent à réduire leur propre impact écologique. Elles se soucient également des conséquences sociales et environnementales des projets qu’elles financent. La fonction développement durable entend assumer l’ensemble de ces préoccupations.

La fonction développement durable et les démarches de RSE [1] initiées depuis une dizaine d’années dans les groupes bancaires restent relativement méconnues du grand public mais également, paradoxalement, de nombreux collaborateurs de la banque. Dans un contexte où la responsabilité des banques est au cœur du débat politique et ne cesse de faire la une de l’actualité, les prérogatives attribuées à cette fonction pourraient pourtant constituer l’une des clés au nécessaire regain de légitimité du secteur.

Le poste de directeur développement durable figure aujourd’hui dans l’organigramme de l’ensemble des groupes bancaires. Communément rattaché à la direction générale et souvent doté de fortes convictions et d’un parcours atypique, le chef de file du développement durable dans le groupe s’appuie sur quelques collaborateurs à temps plein, mais surtout sur un réseau de correspondants dans chacune des directions et, pour les groupes bancaires les plus importants, sur des responsables nommés dans chacune des filiales ou entités régionales. La direction développement durable anime l’ensemble de ce réseau, avec un double objectif de piloter la politique RSE du groupe et de favoriser le partage des bonnes pratiques entre entités ou métiers. Ses attributions couvrent le reporting RSE, l’animation du réseau de correspondant, la conception de l’offre, la gestion de la relation avec les parties prenantes (actionnaires ou sociétaires, clients, collaborateurs, fournisseurs, société civile) et le déploiement des actions de formation et de sensibilisation en interne, indispensable pour diffuser la RSE aux métiers.

L'étude menée par le cabinet Ailancy montre que le positionnement, les attributions et les compétences détenues au sein de la fonction développement durable connaissent de profondes mutations à mesure que les dispositifs RSE gagnent en maturité, et que les niveaux de maturité sont encore très variables entre les banques, mais également entre les entités régionales ou filiales d'un même groupe.

Les prémices de la démarche RSE

Les premières actions conduites par la fonction développement durable sont souvent tournées vers la gestion interne de l’entreprise : promotion de la diversité, insertion des personnes handicapées, organisation du covoiturage, bilans carbone, certifications HQE, évaluation des fournisseurs… Elles peuvent généralement être menées sur les budgets et avec les moyens des directions concernées (ressources humaines, moyens généraux, achats, etc.).

En France, la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) de 2001 a été décisive dans la structuration de la démarche RSE au sein des banques, en rendant obligatoire, mais pour les sociétés cotées uniquement, la publication d’un rapport annuel RSE sur un périmètre d’indicateurs relevant essentiellement de la gestion interne.

Cette phase de structuration de la démarche est désormais achevée dans la plupart des établissements. Elle a conduit à une prise de conscience sur le fait que l’impact écologique direct d’une banque n’est pas neutre, bien que moins visible a priori que celui d’une industrie. Des problématiques propres aux banques ont été révélées : par exemple, la consommation énergétique des data centers hébergeant les serveurs des systèmes d’information bancaires n’est pas systématiquement intégrée dans le bilan carbone des banques, leur gestion étant parfois sous-traitée.

Vers une prise en compte de l’impact sociétal indirect de l'activité bancaire

L'action des banques en matière de développement durable ne saurait cependant se limiter aux initiatives internes. Les banques sont amenées, de manière croissante, à intégrer l’impact sociétal indirect de leur activité, c’est-à-dire celui des entreprises, des institutions et des ménages dont elles financent l’activité, gèrent les économies ou auxquelles elles proposent également de multiples services (assurance, service à la personne, téléphonie mobile…). Les banques peuvent le faire volontairement, soit pour prévenir les risques juridiques et de réputation, soit dans le cadre d'une politique d'offre, en exploitant de nouveaux segments de marché. Selon Serge Tisserant, en charge de l’innovation et de l’environnement au pôle de banque du développement régional de la Caisse d’Épargne Île-de-France, « le green business, par exemple, n’est plus un marché de niche. Ce sont tous les marchés traditionnels qui deviennent progressivement verts, responsables ou éco-conditionnés. »

Les banques sont également incitées par l'évolution du cadre normatif et réglementaire. La norme ISO 26000, publiée fin 2010, recommande en effet d'identifier des domaines d'action RSE dans la « sphère d'influence » de son activité. Les recommandations du Global Reporting Initiative (GRI) [2] vont également dans ce sens, en préconisant aux banques des indicateurs sectoriels de plus en plus précis. Le Grenelle II a quant à lui légiféré cette tendance : l'article 224 fait obligation aux sociétés de gestion de mentionner annuellement les modalités de prise en compte des critères sociaux, environnementaux et de gouvernance (ESG) dans leurs choix d’investissement ; le décret d’application à paraître de l’article 225 devrait quant à lui imposer à toute entreprise de plus de 500 salariés de justifier de la pertinence des indicateurs RSE publiés au regard de son activité.

Ce mouvement est également encouragé du fait de l'évaluation des banques par des agences de notations extra-financières pour les structures cotées, et de publications régulières par plusieurs ONG et médias de rapports et classements extrêmement précis sur leurs pratiques sociales et environnementales. Comme l'affirme WWF, « les banques doivent prendre la mesure de leurs impacts induits liés à leur métier de financement d'une économie très carbonée ».

Nous avons la conviction que l’enjeu, pour intégrer l’impact sociétal indirect de l’activité bancaire, réside non seulement dans l’offre mais également dans l’intégration des problématiques de RSE à l’ensemble des processus métiers bancaires traditionnels.

Du développement de l'offre développement durable…

L’offre spécifique développement durable couvre désormais l'ensemble des métiers bancaires :

  • en banque de détail : microcrédit, prêts verts ou éco-conditionnés, épargne solidaire, produits donnant lieu à des dons associatifs ;
  • dans la gestion d'actifs : investissement socialement responsable (ISR), fonds sectoriels énergie renouvelable ;
  • en BFI : financement d'infrastructures éoliennes ou photovoltaïques, conseil ou prise de participation dans le social business.
Néanmoins, bien que s'étant étoffée ces dernières années et malgré de nombreuses incitations fiscales, l'offre développement durable ne représente encore qu’ une proportion assez faible de l'activité bancaire [3] . La rentabilité relative de l'offre développement durable par rapport à l'offre traditionnelle est un facteur discriminant dans la détermination de ses perspectives d'évolution à terme : marché de niche ou réel gain de parts de marché. Selon Arnaud Berger, directeur développement durable de la BPCE, «  le développement durable génère un modèle économique sociétal qui doit cohabiter avec le modèle économique classique des banques. Cette position renvoie au nécessaire calcul d'un “ ROI sociétal [4] ”, mariant les préoccupations sociétales et la logique business ».

…à l’intégration aux processus bancaires

Nous constatons de multiples initiatives qui démontrent que, au-delà de l'offre, les banques sont de par leur cœur de métier des acteurs privilégiés pour agir sur l’impact environnemental et social de leurs clients.

La banque de financement et d’investissement, et en particulier le financement de projets, a été précurseur en la matière. Du fait de la nature des projets financés, les risques y sont en effet très importants. Les « principes de l’Équateur » adoptés par la plupart des banques françaises depuis 2003 et s'appliquant aux projets supérieurs à 10 millions d'euros dans les pays en voie de développement en sont le fer de lance. Les impacts sociaux et environnementaux, notamment vis-à-vis des communautés locales, sont évalués très en amont du projet par des évaluateurs externes. Ils sont intégrés dans la décision de lancement du projet et des actions correctrices font l'objet d'un suivi rapproché. Marine de Bazelaire, directrice développement durable chez HSBC France, souligne que ces principes se sont étendus à d'autres financements, avec la mise en place de politiques sectorielles propres aux établissements. Plus récemment, les banques ont travaillé de manière concertée, et avec des ONG telles que The Climate Group, sur des politiques relatives au domaine du charbon.

En banque de détail, c’est pour l’instant dans une démarche de conseil que les banques agissent sur la responsabilité sociétale de leurs clients PMI-PME, voire particuliers. Pour les PME, des outils d’autodiagnostic social et environnemental peuvent être proposés, tel que Lucie au Crédit Coopératif, en partenariat avec l’agence de notation sociétale Vigeo, ou Living Business chez HSBC France. Pour les particuliers, la banque canadienne Desjardins a mis au point un outil basé sur une analyse de « cycle de vie », permettant au client bénéficiant d'un prêt immobilier de mieux appréhender les impacts environnementaux de ses choix de rénovation. Ces initiatives ne vont pas encore jusqu'à prendre en compte l'évaluation RSE dans la décision ou le taux du crédit accordé, mais elles jouent un véritable rôle de sensibilisation.

Toujours dans la banque de détail, on peut noter les initiatives en matière de pédagogie (comme Finance et Pédagogie à la Caisse d'Epargne) et d’inclusion financière, tels que Point Passerelle au Crédit Agricole ou Parcours Confiance à la Caisse d'Épargne.

Un moment clé pour la « professionnalisation » de la fonction développement durable

Nous avons la conviction que la fonction développement durable se situe à un moment clé de sa transformation au sein des banques. Son enjeu actuel réside dans sa capacité à pérenniser la démarche initiée et à garantir son appropriation par l'ensemble des métiers et donc des collaborateurs de la banque.

Dans les grands projets de transformation que nous avons l'occasion de mener auprès des établissements bancaires, nous observons qu'au départ, la complexité de l'accompagnement du changement est souvent sous-estimée. Or la réussite d'un projet repose sur un fort positionnement stratégique, une évaluation adéquate des moyens à mettre en œuvre, une mobilisation très en amont des futurs porteurs du projet et la couverture de l'ensemble des domaines d'expertise requis.

Dans le cas du développement durable, le besoin en expertises nécessite la constitution d'une équipe pluridisciplinaire, alliant savoir-faire en matière de management RSE, connaissance approfondie des marchés, métiers et processus bancaires et méthodologie de gestion de grands projets.

La fonction développement durable est ainsi amenée à se renforcer jusqu'à devenir une fonction métissée au sein de la banque, rassemblant des attributs du contrôle interne, de la distribution, des ressources humaines, de la communication, ou encore de fonctions opérant « en mode projet », telles que maîtrise d’ouvrage, organisation et qualité. Il s'agit là d'un nouveau métier bancaire à part entière.

1 Responsabilité sociale des entreprises. 2 Organisation fondée en 1997 destinée à établir des recommandations en matière de reporting extrafinancier. Elle bénéficie depuis 2002 d’un partenariat avec le Programme d'Environnement des Nations Unies (PNUE). 3 De 3 à 5 % environ, selon nos estimations. 4 Méthodologie d’analyse visant à mesurer la rentabilité extra-financière d’un projet, d'un produit ou d’une entreprise. La valeur ajoutée extra-financière telle qu'estimée quantitativement ou qualitativement au regard de l’impact sur les parties prenantes, est rapportée à l’investissement réalisé. Cette méthodologie fait l'objet de travaux de recherche et de standardisation au niveau international, au sein de l’International Integrated Reporting Committee (IIRC), un comité constitué du Global Reporting Initiative (GRI), de l’IFAC, de grands cabinets d’audit et de représentants de la société civile, et dont le secrétariat est assuré par l’Accounting for Sustainability Project (A4S).

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº744
Notes :
1 Responsabilité sociale des entreprises.
2 Organisation fondée en 1997 destinée à établir des recommandations en matière de reporting extrafinancier. Elle bénéficie depuis 2002 d’un partenariat avec le Programme d'Environnement des Nations Unies (PNUE).
3 De 3 à 5 % environ, selon nos estimations.
4 Méthodologie d’analyse visant à mesurer la rentabilité extra-financière d’un projet, d'un produit ou d’une entreprise. La valeur ajoutée extra-financière telle qu'estimée quantitativement ou qualitativement au regard de l’impact sur les parties prenantes, est rapportée à l’investissement réalisé. Cette méthodologie fait l'objet de travaux de recherche et de standardisation au niveau international, au sein de l’International Integrated Reporting Committee (IIRC), un comité constitué du Global Reporting Initiative (GRI), de l’IFAC, de grands cabinets d’audit et de représentants de la société civile, et dont le secrétariat est assuré par l’Accounting for Sustainability Project (A4S).