En décembre, la Réserve fédérale a annoncé qu’elle ne relèverait pas le taux des fonds fédéraux (actuellement presque à 0 %) tant que le taux de chômage serait supérieur à 6,5 %, pourvu que les anticipations d’inflation ne soient pas supérieures à 2,5 %. C’est une nouveauté, en ce sens que cela introduit de fait une dissymétrie, au moins temporaire, entre les deux objectifs que la loi assigne à la banque centrale américaine : la stabilité des prix et le plein-emploi. Dans le même temps, on voit plusieurs banques centrales mettre en place des mesures tout à fait exceptionnelles de politique monétaire – prêts illimités, à long terme, achats de titres (y compris, au Japon, des actions via
Avec cette crise, quelque chose aurait-il changé dans la doctrine monétaire ? Les banques centrales indépendantes, avec pour objectif premier ou unique la stabilité des prix – modèle hégémonique depuis 20 ans –, ont réussi la mission qu’on leur a confiée : l’inflation est basse dans tous les pays qui ont adopté ce modèle. Mais ce modèle est-il optimal ? La pire crise financière depuis 80 ans, un chômage de masse et de longue durée ne semblent pas le montrer. Bien entendu, personne ne recommande de renoncer à l’objectif de stabilité des prix en acceptant une inflation élevée, et personne ne recommande non plus de soumettre à nouveau les banques centrales aux exigences des gouvernements au gré des échéances électorales. En revanche, il n’est peut-être pas absurde d'accorder une importance aussi grande au plein-emploi, et aussi, ce qui est plus nettement encore du ressort des banques centrales, à la stabilité financière et à la prévention des bulles qu’à la stabilité des prix, surtout si celle-ci est définie de manière extrêmement restrictive. Les banques centrales sont très attachées à la crédibilité qu’elles ont acquise depuis 20 ou 30 ans. On le comprend aisément. Mais le cadre institutionnel général qui leur a assigné cette mission unique dans une indépendance totale a-t-il, lui, gardé sa crédibilité ? Une mission moins exclusive et une « indépendance dans l’interdépendance », pour détourner une formule d’Edgar Faure, seraient-elles