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L’enjeu de la donnée ESG (et de son utilisation) sur l’impact

Créé le

17.03.2022

On ne gère que ce que l’on mesure ! Face à ce constat, la donnée est essentielle pour piloter l’impact. Elle est diffuse et les moyens de s’y intéresser sont multiples, en particulier avec les agences de notation. Sycomore a pourtant fait le choix d’outils propriétaires partagés avec d’autres. Voici pourquoi.

Chez Sycomore AM, nous investissons depuis l’origine pour développer une économie plus durable et inclusive et générer des impacts positifs pour l’ensemble de nos parties prenantes. Notre mission : humaniser l’investissement. Elle définit notre raison d’être.

Pour la mener à bien, nous nous sommes fixé six objectifs statutaires. Au lieu de les citer tous, regardons simplement les deux premiers :

– mesurer et améliorer la contribution environnementale et sociétale de nos investissements en assurant transparence et pédagogie pour nos clients ;

– poursuivre le développement de notre offre ISR visant à générer des impacts positifs, alliant sens et performance.

Afin de réaliser ces objectifs, nous avons besoin d’outils nous permettant d’orienter nos investissements au service de cette recherche d’impacts positifs et de rendre compte à nos clients de la contribution positive des entreprises sélectionnées.

Forces et faiblesses des notations ESG

Pour évaluer la performance ESG (Environnemental, social et de gouvernance) et la contribution des entreprises à la génération d’impacts positifs, il faut avant tout collecter les informations, matière première de nos travaux d’analyse. Ces informations peuvent être des données quantitatives, par exemple sur la répartition des activités de l’entreprise par nature de produits et services, ou qualitatives, sur la manière dont les opérations sont conduites et dont les facteurs ESG sont pris en compte.

Cette collecte est une étape fastidieuse, d’autant que les données ne sont pas standardisées d’une entreprise à l’autre. Comment s’y prendre ? Il y a les données brutes fournies par certains fournisseurs de données ESG : elles nous offrent une base de travail pour nourrir notre travail de collecte, avec à la clef, un gain de temps non négligeable. Il y a aussi d’autres fournisseurs, en particulier les agences de notation.

Faut-il exclure les petites entreprises ?

Les agences ont le mérite de rassembler puis d’agréger les données afin de leur permettre d’établir une notation (scoring), classant les entreprises selon leur performance ESG, selon des méthodologies propres. Autre caractéristique de base : elles reposent principalement sur les données publiques et celles transmises par les entreprises lorsque ces dernières allouent les moyens qui sont nécessaires pour répondre aux questionnaires des agences.

D’où de nouveaux biais. Prenons le cas des plus petites entreprises : elles sont peu couvertes par les agences de notation, plus focalisées sur les moyennes et grandes capitalisations [1] .

Les petites entreprises publient en général moins d’indicateurs et d’informations ESG, non pas par manque de transparence, mais parce qu’elles n’ont pas les moyens financiers ou humains pour produire ces informations, ni la capacité à évaluer les attentes de leurs parties prenantes et les meilleures pratiques en la matière. À noter, toutefois, que la communication des entreprises est de plus en plus étoffée et mature, du fait d’une réglementation croissante, en France et en Europe, portant sur la transparence des entreprises en matière de durabilité.

Multiplier les sources d’information

Face à cette offre, certains investisseurs ont fait le choix de s’appuyer sur ces méthodologies externes. Chez Sycomore AM, nous avons fait le choix d’une méthodologie propriétaire d’analyse partagée sur notre site Internet. Pour la bâtir, nous diversifions nos sources d’information et confrontons les données recueillies pour objectiver notre analyse. C’est pourquoi, nous nourrissons également nos analyses d’interviews d’experts, d’études d’ONG ou encore, par exemple, de l’avis des partenaires sociaux. Et nous allons encore plus loin en effectuant des visites de sites et en interrogeant l’ensemble des parties prenantes gravitant autour de l’entreprise.

C’est en traitant rigoureusement l’ensemble des informations en provenance de sources complémentaires que nous sommes à même d’évaluer, le plus objectivement possible, l’impact réel d’une entreprise, en tenant compte de l’ensemble de sa chaîne de valeur et des impacts positifs comme négatifs. Et ainsi de prendre nos décisions d’investissement..

Forts de la conviction que « ce qui n’est pas mesuré, n’est pas géré » et en l’absence d’indicateurs répandus d’évaluation de la contribution d’une entreprise aux enjeux sociétaux et environnementaux, nous avons choisi de développer des méthodologies propriétaires permettant d’assurer l’homogénéité de notre évaluation au sein de notre univers d’investissement. Le développement de ces méthodologies s’appuie sur des expertises externes et des référentiels reconnus tels que les Objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU ou les principes directeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à l’intention des entreprises multinationales.

La NEC, plus holistique que l’empreinte carbone

Lorsque nous avons entamé nos réflexions pour créer une solution d’investissement sur la thématique environnementale, nous avons fait un constat. L’offre existante se focalisait quasi exclusivement sur un indicateur – l’empreinte carbone – pour sélectionner les entreprises de fonds dits « bas carbone ». Or, cet indicateur affiche de réelles limites (voir encadré). Et quelles entreprises cet indicateur conduit-il à financer ? Beaucoup de sociétés des secteurs de la technologie, des services ou de la santé. Mais pas les industries qui fabriquent les solutions dont nous avons besoin pour mener la transition comme, par exemple, les trains pour une mobilité plus durable et écologique…

C’est alors que nous est venue l’idée de développer, en collaboration avec I Care et Quantis, une métrique multi-enjeux permettant de mesurer les impacts environnementaux de toute activité économique et d’identifier, de ce fait, aussi bien les risques que les opportunités de transition associés. La NEC, acronyme de « Net Environmental Contribution », évalue la contribution environnementale d’une entreprise, sur une échelle de -100 % pour les activités les plus destructrices de capital naturel, à +100 % pour celles à impact environnemental net fortement positif. Elle indique le degré d’alignement d’une activité économique avec la transition écologique et climatique et intègre, au-delà du climat, les enjeux liés à la biodiversité, l’eau, les déchets et la gestion des ressources ou encore la qualité de l’air. Basée sur une approche en analyse de cycle de vie, elle s’appuie sur des principes scientifiques et des données physiques.

La NEC mesure ainsi les impacts environnementaux de chaque activité en les rapportant à une unité fonctionnelle pertinente, à savoir la tonne/km pour le fret, le kg de nutriment pour les aliments, le kWh pour l’électricité ou le m² pour la construction.

À titre d’illustration, le train, le tram et le vélo se situent à +100 %, la voiture thermique à -6 % et l’avion à -100 % s’il s’agit d’un vol sur un trajet courte distance ; ce pourcentage est ramené à -17 % dans le cadre d’un vol long-courrier. Cet indicateur apporte un éclairage totalement différent de l’approche traditionnelle (voir encadré).

Partager, c’est augmenter collectivement notre potentiel d’impact !

Il existe aujourd’hui autant de méthodologies que de fournisseurs de données ESG. Cette hétérogénéité constitue un véritable frein à la lisibilité des reportings et in fine des solutions d’investissement ESG. Comment évaluer la performance environnementale ou sociale d’une entreprise, d’un portefeuille ou encore d’un indice si les données sont inexploitables car non comparables ? C’est tout l’enjeu de la NEC : un indicateur clé simple et transparent permettant de synthétiser, en un seul chiffre, si une entreprise contribue positivement ou va à l’encontre de la transition écologique.

En rendant la méthodologie publique, nous avons fait le choix de la « standardisation » pour offrir une réponse claire aux attentes des investisseurs – institutionnels, distributeurs, épargnant final – en matière de transparence et de communication sur les enjeux environnementaux.

Si la taxonomie se veut un « dictionnaire des activités vertes » selon une approche binaire (pourcentage de l’activité d‘une entreprise « aligné » ou non), la NEC fournit quant à elle une analyse discriminante et granulaire, en évaluant les activités économiques sur une échelle de 200 points : 100 nuances de brun et 100 nuances de vert. À ce titre, elle figure d’ailleurs parmi les outils d’analyse recommandés par le WWF et le LIST (Luxembourg Institute of Science and Technology).

Un processus déployable sur toutes les thématiques

Ce processus de construction d’outils ne doit pas se limiter aux seuls sujets environnementaux. Sur les enjeux sociaux et sociétaux, nous avons développé des méthodologies pour évaluer la contribution sociétale des entreprises à travers leurs produits ou services ou encore leur capacité à créer des emplois durables, de qualité et accessibles aux populations qui en ont le plus besoin (The Good Job Rating, en partenariat avec The Good Economy). Nous avons également corédigé, avec notre partenaire Revaia, une charte de la tech responsable fournissant ainsi un cadre d’analyse à l’identification des meilleures pratiques dans le secteur de la technologie, mais aussi un outil de dialogue avec nos parties prenantes pour faire émerger de nouvelles bonnes pratiques. Pour rendre des comptes précis aux clients, mieux vaut en effet savoir exactement quelles sont les règles du jeu et comment les méthodologies sont établies.

 

1 En Europe, seule l’agence Ethifinance est spécialisée dans la notation ESG des entreprises de taille intermédiaire.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº867
Notes :
1 En Europe, seule l’agence Ethifinance est spécialisée dans la notation ESG des entreprises de taille intermédiaire.