Aujourd’hui tout semble en un sens opposer l’approche écologique (long-termiste) de celle des marchés financiers (court-termiste). Pourtant, il est intéressant de noter que le mot grec Oikos a donné à la fois le mot « écologie », la science du foyer, et le mot « économie », les règles à appliquer au sein du foyer. Ainsi entendues, écologie et économie (de marché) ont une racine commune. Au-delà de cette racine commune, et malgré un antagonisme naturel, de nouveaux liens rapprochant étroitement ces deux concepts font leur apparition : pour se développer et s’affirmer, l’écologie a besoin de la finance ; et la finance voit en l’écologie de nouveaux horizons d’investissement. Par ailleurs, et malgré des discours opposés, l’une comme l’autre partagent une certaine vision négative de la place de l’homme dans la société. Ce n’est pourtant qu’en mettant l’homme au centre de la finance et de l’écologie qu’il sera possible de les réconcilier durablement.
Premier postulat : l’écologie est diamétralement opposée dans ses objectifs à la finance. La première fait de la conservation de la nature son credo, quand la seconde voit dans la nature des ressources à exploiter.
Deuxième niveau de réflexion : une certaine collaboration existe entre écologie et finance. Ainsi, la première a besoin de la seconde pour atteindre les objectifs de réduction du réchauffement de la planète. Si l’augmentation des gaz à effet de serre est d’abord une préoccupation écologique, un des seuls moyens que les politiques semblent avoir trouvé pour en limiter, ou à défaut en contrôler, le développement, est de recourir à un mécanisme de prix de marché (pour les droits d’émission de CO2). Un autre exemple de cette collaboration réside dans le financement de la transition énergétique. Seuls des mécanismes de marché pourraient permettre une croissance importante des énergies renouvelables (que l’on songe aux différents schémas de financement d’infrastructures énergétiques). Au point de voir apparaître une nouvelle « classe d’actifs », celle du Green market, où écologie et finance font bon
De profonds désaccords idéologiques et d’objectifs
Troisième stade de l’analyse : la divergence ontologique. Cette collaboration cache de profonds désaccords idéologiques et d’objectifs. Défense de la nature, combat contre les OGM et le réchauffement de la planète pour les mouvements écologistes ; financement des multinationales fabriquant des OGM, exploitant des énergies fossiles, ou plus largement contribuant à l’économie de surconsommation pour les marchés financiers et les financements bancaires. Alors que la finance croit au développement et plus fondamentalement au progrès comme philosophie, l’écologie fait du principe de précaution et d’un certain conservatisme les socles de sa pensée. Bien sûr, il faut nuancer et préciser à quelle idéologie on se réfère. Ainsi, par finance, on entendra une certaine forme d’économie de marché que constitue le capitalisme financier, c’est-à-dire où la création de richesse provient d’abord des produits financiers. Quant à l’écologie, il faut distinguer parmi les divers courants qui la traversent. Si on laisse de côté les mouvements politiques, on peut schématiquement classifier la pensée écologique en trois mouvements : le premier, le plus connu (en France, ses figures les plus visibles sont Ivan Illitch, Bernard Charbonneau, Jacques Ellul), est le mouvement environnementaliste visant la protection de la nature, au point pour certains de prôner une
Le refus de placer l’homme au centre
Quatrième niveau de réflexion : la place de l’homme. Ce qui rapproche un certain courant de l’écologisme et une certaine finance, c’est le refus de placer l’homme au centre de l’organisation du monde. Seule la nature ou le marché comptent, l’homme doit se plier à l’une ou l’autre. L’écologie traditionnelle (et non seulement dans ses formes les plus extrêmes) ne fait pas confiance à la nature humaine pour sauvegarder la nature. Certaines dérives, parfois violentes, d’activistes ou la misanthropie de mouvements comme « Earth First ! » ont contribué à faire des membres de l’écologie profonde des extrémistes environnementaux ou des anti-humanismes, conduisant à assimiler ce mouvement à un antispécisme et une haine de
Pour sa part, le capitalisme financier refuse de voir dans l’Homme le principe premier devant gouverner les échanges et la vie économique. Certes, écologisme et finance se distinguent par le fait même que le centre de l’un n’est pas celui de l’autre. Ainsi, si un certain courant écologiste (y compris dans sa forme politique) refuse l’anthropocentrisme, au point de considérer que l’homme doit s’effacer (voire
Tracer une voie commune
Peut-on alors réconcilier la finance et l’écologie ? Pour y arriver, il convient d’abord de se débarrasser des postures convenues, des discours surfaits, autrement dit du « politiquement correct » qui étouffe les vraies réponses : « Dans ce cadre, le discours de la croissance durable devient souvent un moyen de distraction et de justification qui enferme les valeurs du discours écologique dans la logique des finances et de la technocratie ; la responsabilité sociale et environnementale des entreprises se réduit d’ordinaire à une série d’actions de marketing et