Sous réserve que le report annoncé en février dernier par la Commission soit confirmé par le Parlement, la directive
Des enjeux stratégiques majeurs
La première mouture de MIFID avait posé les bases de la protection de l’investisseur et introduit de nombreux principes confirmés et développés par MIFID2 : tests d’adéquation et de caractère approprié d’un produit financier pour un épargnant donné, gestion des conflits d’intérêts, meilleure exécution… La mise en œuvre de MIFID1 était cependant restée relativement confidentielle, à la main des services de conformité des entreprises d’investissement, banques ou sociétés de gestion. Par l’ampleur des mesures qu’elle recouvre, MIFID2 est apparue, dès les premières discussions sur les projets de texte, comme un « spécimen » différent. Cette directive marque la tendance encore relativement nouvelle, mais en voie d’expansion, si ce n’est de convergence au moins de réflexion commune entre « les affaires » et la conformité. D’aucuns diraient même que la directive va plus loin, car susceptible d’imposer des orientations stratégiques aux établissements. Par les mesures concernant les rétrocessions, MIFID2 est en effet susceptible d’impacter directement et de manière non négligeable le PNB (produit net bancaire) de la banque, et soulève des questions d’ordre stratégique sur les services et les gammes de produits proposés, et les clientèles visées. Les enjeux vont bien au-delà de la conformité, d’où l’implication nécessaire, et d’ailleurs déjà constatée, des directions du marketing et de la distribution, ainsi que des réseaux commerciaux dans les études d’impact en cours de réalisation.
Fin des rétrocessions : quelle stratégie adopter ?
MIFID2, à des fins de protection de la clientèle et de gestion des conflits d’intérêts, interdit les rétrocessions dans le cadre du conseil en investissement dit indépendant, de la gestion sous mandat et de la réception transmission d’ordre
Plus de valeur ajoutée
La seconde possibilité est le développement d’une offre dite de RTO à valeur ajoutée. Dans ce cas, les rétrocessions sont autorisées pour autant qu’elles soient justifiées par la mise à disposition de services complémentaires, différenciant ainsi cette offre de celle de la RTO « simple ». Les contours en sont encore mal définis par les textes. Néanmoins, il pourrait s’agir par exemple d’outils de simulation de portefeuille ou de benchmarks des cours et rendements de certaines valeurs du portefeuille. La différence entre les deux types de service – conseil en investissement et RTO à valeur ajoutée – peut être ténue et devra être lisible à la fois pour le conseiller et pour le client. Le risque de la requalification en conseil de fait demeure et nécessite une vraie réflexion sur l’articulation entre les services proposés et sur la définition des propositions de valeur associées. Néanmoins, c’est à ce niveau que MIFID2 constitue une opportunité. Par la nécessité qu’elle impose de faire preuve de valeur ajoutée, elle impose aux banques de mener une vraie réflexion de fonds sur les services proposés. Application mobile innovante et ludique, outils attractifs… Bien sûr, la tentation est grande de ne faire que le minimum, simplement pour s’assurer de respecter le point réglementaire. Mais alors que l’heure est à l’émergence de nouveaux concurrents, voici l’occasion pour les acteurs traditionnels de changer la donne et d’aller jouer à leur tour sur le terrain des FinTech, seuls ou en partenariat. Certains acteurs ont déjà affirmé leur volonté de viser le mass-market en démocratisant l’épargne financière. Si les banques ne choisissent pas cette voie, elles risquent de perdre une opportunité forte de s’afficher comme des acteurs innovants, capables de remettre en question le modèle traditionnel.
Proposer un robo advisor
S’agissant du conseil en investissement, les possibilités d’innovation sont également présentes. En effet, d’un point de vue traditionnel, le conseil est souvent réservé aux canaux face à face et/ou téléphone. Dans l’optique d’une offre multicanal, choisir de proposer une offre de conseil en ligne constitue une option à prendre en compte. Là aussi, certains acteurs investissent le terrain. Le robo advisor n’est plus un mythe. Naturellement, l’investissement technologique est nécessaire. La détermination du profil investisseur du client doit pouvoir être réalisée en ligne sur la base de questions auxquelles le client répond lui-même, seul face à son écran ; les tests d’adéquation initiaux et périodiques requis par MIFID2 sont menés en temps réel ; le conseil formulé ainsi que sa bonne compréhension par le client sont matérialisés et traçés. Si l’idée du robot conseiller effraie, un conseiller en chair et en os disponible pour un « chat » sur certains créneaux horaires reste aussi une solution envisageable… Dans tous les cas, dans un contexte où MIFID2 exige de mener une réflexion sur les offres de service et où se positionner comme un acteur innovant semble incontournable, aucune piste n’est à écarter. C’est également une opportunité de s’ouvrir à des cibles de clientèle jusqu’alors exclues du conseil en investissement, notamment les jeunes actifs. Voici donc une directive européenne qui devrait plaire aux banquiers puisqu’elle va dans le sens du développement du business par l’innovation technologique !
L’innovation dans la relation client et les processus internes
Les réseaux commerciaux seront aux premières loges pour la mise en œuvre de la réforme et l’adaptation de leurs outils va donc s’avérer nécessaire. À titre d’exemple, citons le sujet de l’adéquation : introduite par MIFID1, la revue d’adéquation est complétée dans MIFID2 par de nouveaux critères (capacité à supporter des pertes et tolérance au risque notamment), exigeant un « profilage » du client. Cette étape doit s’inscrire parfaitement dans le cadre du parcours client et ne doit en aucun cas constituer un frein au développement commercial. Des outils spécifiques doivent ainsi être mis à la disposition du conseiller, permettant de qualifier le client et ses besoins, et ce de manière fonctionnelle et ergonomique. Viennent ensuite les étapes du conseil et du choix des valeurs appropriées pour satisfaire au mieux les objectifs et besoins du client : le conseiller doit être équipé d’outils de sélection et d’allocation d’actifs, satisfaisant les obligations réglementaires en matière de formalisation du devoir de conseil et de restitution au client (déclaration d’adéquation à chaque transaction et rapport d’adéquation périodique lors de la revue de portefeuille).
MIFID2 impose également un suivi pointu du client lorsque celui-ci a souscrit un service de conseil. L’accompagnement sur la durée de la relation est de mise. Il est attendu du conseiller qu’il soit proactif dans la relation clients : identification des clients dont le profil investisseur n’a pas été effectué ou n’est pas à