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Gestion de patrimoine

Développement et perspectives du marché des robo-advisors : quels enjeux pour les banquiers et assureurs ?

Créé le

14.01.2020

Nous assistons ces dernières années au développement de robo-advisors et de FinTechs patrimoniales, qui viennent moderniser les parcours d’épargne financière tout en apportant une mise en conformité et en renforçant la dimension de conseil.

Le marché français compte désormais une quinzaine d’acteurs qui se définissent comme robo-advisors ou FinTechs patrimoniales. Certains de ces acteurs ont acquis une certaine maturité, après cinq à dix ans d’expérience. Ces FinTechs se scindent progressivement en deux groupes :

– celles qui apportent une forte valeur ajoutée dans les moteurs d’allocation d’actifs, comme Active Asset Allocation ou PrimeRadiant ;

– celles qui offrent un parcours patrimonial complet, comme ManyMore ou Gambit.

La plupart des acteurs de ce marché sont orientés en B2B2C pour les banques, assureurs, ou réseaux de conseil en gestion de patrimoine indépendants (CGPI) et conseil en investissement financier (CIF). Ils proposent des allocations basées sur des portefeuilles modèles par profil de risque en croisant les données de marché – rendement, volatilité, tendances bearish ou bullish –, mais aussi une aide à la digitalisation des parcours de vente auprès des conseillers, tout en respectant les réglementations MIFID (Markets in Financial Instruments Directive), DDA (Directive sur la distribution d'assurances) et PRIIPS (Packaged Retail Investment and Insurance-based Products) sur les différentes enveloppes d’assurance vie, de PEA ou comptes titres. Ces acteurs apportent une approche globale de l’épargne et permettent d’orchestrer un parcours épargne digitalisé de bout en bout, de la connaissance client à la souscription ou aux arbitrages.

Un défi métier, réglementaire et informatique

Les FinTechs spécialistes de l'épargne viennent en soutien des conseillers bancaires ou d’assurance et les accompagnent dans le parcours de vente, tout en respectant les contraintes de conformité et la politique de diversification de l’épargne des grands groupes bancaires et d’assurance. Aujourd’hui, d'importants enjeux subsistent : tout d’abord, la conduite du changement auprès des réseaux physiques, qui doivent s’approprier ces outils, comprendre la logique de fonctionnement du robot, soutenir ou challenger les propositions d’allocations d’actifs et répondre aux attentes de leurs clients. Une fois adoptés par les réseaux, ces outils permettent de renforcer le dialogue entre conseillers et clients sur la constitution d’une épargne de long terme et sur le choix des supports financiers adéquats. D'après notre expérience, la dimension « conduite du changement » constitue un défi important, qui nécessite d'accompagner les conseillers dans la durée via des dispositifs de formation présentiels et à distance.

Ensuite, il faut arriver à intégrer ces FinTechs au CRM (Customer Relationship Management) et aux outils de souscription tout en maintenant des performances techniques lorsque ces solutions sont déployées dans plusieurs milliers d’agences sur tout le territoire. Enfin, il faut faire constamment évoluer ces outils, vers le parcours digital ou l'intégration du nouveau PER (Plan Épargne Retraite).

L’intégration de ces acteurs dans les modèles épargne constitue un défi métier, réglementaire et informatique, dans un processus que nous appelons la « fintégration » : la capacité à arriver à intégrer ces solutions au système d'information des banques et assurances tout en se fondant dans les bonnes pratiques métier et dans la gouvernance de l’épargne.

Ces FinTechs deviennent de plus en plus un élément clé de l’offre « épargne » des institutions financières. Le robot prend un rôle central dans la proposition de produits et supports ou modes de gestion – gestion profilée, conseillée, sous mandat. Il convient donc de s’entendre entre distributeur, assureur et Asset Manager sur les priorités : substitut aux fonds euros, fonds structurés, modes de gestion, nouveaux supports respectant les critères ESG. Cela nécessite, pour les acteurs, de définir ces priorités et de s’accorder dans une vision globale des enjeux de l’épargne, non plus dans une logique en silo.

L’évolution du marché des robo-advisors

Le marché des robo-advisors et FinTechs patrimoniales devrait être marqué par une dynamique de consolidation dans les prochaines années. Des acteurs sortent du lot et concentrent la majorité des actifs sous gestion du secteur. On pourra noter des coopérations entre FinTechs, telles que celle de Wealth Cockpit Alliance avec des acteurs comme PrimeRadiant, Budget Insight, InCube, Deecision, Sesamm et Monuma, afin de couvrir toute la chaine de valeur de l’épargne.

En réaction aux limites constatées du marché B2C pour les robots, le B2B2C s’impose de plus en plus comme une terre d’opportunités : les modèles B2C, coûteux, nécessitent un niveau d’AuM (Assets under Management) suffisant, de l'ordre du milliard d'euros, pour assurer la profitabilité du modèle, avec des coûts fixes importants. Ainsi, les partenariats B2B, pouvant aller jusqu’à la marque blanche, permettent de capitaliser sur l’image de marque des grands banquiers et assureurs, et ainsi de contribuer au développement des AuM sous gestion du robot. Les clients finaux continuant de valoriser la relation privilégiée qu’ils entretiennent avec leur conseiller, l’opportunité de développer des modèles hybrides se fait plus forte : l’intervention humaine s'en trouve recentrée là où elle apporte le plus de valeur.

Ces robo-advisors ou FinTechs patrimoniales s’implantent auprès de la quasi-totalité des grands acteurs de l’Épargne du marché français : BPCE Natixis, BNP Paribas, AG2R La Mondiale, Aviva, Crédit Agricole, etc. Les robots sont de plus en plus implémentés, tant au sein des équipes de gestion d’actifs pour les aider à optimiser les allocations d’actifs, qu’auprès des conseillers.

Ces FinTechs spécialistes de l'épargne peuvent continuer à se sophistiquer dans l'univers de l’investissement, en allant au-delà des ETF (Exchange Traded Fund), vers les fonds Real Estate ou de Private Equity, pour les clients de banque privée, ou vers l’intégration de nouvelles convictions et nouvelles tendances, fonds ISR (critères ESG par exemple).

Ces FinTechs doivent proposer un suivi de l’investisseur dans la durée, pour renforcer la confiance de la clientèle comme celle des conseillers dans le robot. La capacité à proposer un conseil dynamique adapté aux évolutions conjoncturelles, mais également à offrir du reporting et un push régulier d’information et de propositions, apparaît comme essentielle pour inciter les clients à envisager un investissement à long terme géré par des robots.

Une mise en œuvre « FinTech based » ou « FinTech like »

De nouveaux terrains de jeu sont à développer pour ces acteurs, notamment dans le cadre des évolutions réglementaires, par exemple celle du plan d'épargne retraite. Ce sont autant d'opportunités de voir les robo-advisors s’imposer comme aide à la décision en gestion collective, à la manière de Fundvisory auprès de Natixis Interépargne, pour pénétrer le marché de l’épargne salariale, de l’épargne retraite et de l’épargne retraite entreprises, afin de dynamiser voire de « gamifier » la gestion de ces contrats, de favoriser l’apport de versements complémentaires, et d'intégrer dans leur approche la Prévoyance, qui est aussi une protection financière.

Pour les institutions financières établies, il est nécessaire de construire son business case et de choisir le bon partenaire. Les robots peuvent s’affirmer comme des outils de fidélisation des clients. Certains acteurs auront choisi de développer par eux-mêmes ces logiques – moteur d’allocation ou parcours digital – par eux-mêmes. La mise en œuvre peut être « FinTech based » en intégrant une FinTech via un partenariat, ou « FinTech like » en développant par eux-mêmes ces nouveaux modèles digitaux, à condition de mettre en place son propre « start-up studio » et en adoptant les approches agiles tout en veillant à maîtriser qualité, compétences, coûts de mise en œuvre et délais. Dans tous les cas, le défi est de taille et ces projets nécessitent, pour réussir, une persistance dans la durée.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº841