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Diversification

Le développement des sources alternatives au financement bancaire pour les TPE-PME

Créé le

18.05.2017

-

Mis à jour le

04.12.2017

Face au risque de tarissement des liquidités bancaires suite à la crise puis dans le contexte du renforcement des exigences prudentielles appliquées aux établissements bancaires, les Pouvoirs Publics ont favorisé le développement de nouvelles sources de financement pour les PME depuis 2012 : formalisation des produits de placement privé, cadre réglementaire du financement participatif…

L’encours de dette des sociétés non financières s’élève à environ 1 500 milliards d’euros, selon la Banque de France. Après un fléchissement – mais pas un retournement – pendant la crise, le rythme de croissance de l’endettement des sociétés non financières a été dynamique, avec un taux de croissance annuel moyen de 5 % entre 2008 et 2016, assez nettement supérieur au rythme de croissance de l’économie.

Dynamique générale du financement par dette des sociétés non financières en France

Cette dynamique a été doublement soutenue. D’une part, l’octroi de crédits bancaires a accéléré depuis 2014, après le recul de 2009-2011 et l’atonie des encours entre 2012 et 2014. D’autre part, l’endettement de marché a été particulièrement dynamique sur l’ensemble de la période. Ces deux dernières années, les contributions de la dette de marché et du crédit bancaire ont été équilibrées, et le crédit bancaire demeure prépondérant au sein de cet endettement global (912 milliards pour les crédits et 593 milliards pour les titres à fin 2016).

Les besoins courants des plus petites entreprises (crédits de trésorerie) et leur développement futur (crédits d’investissement, crédits-bails) restent majoritairement financés par le crédit bancaire, qui représente plus de 95 % de leur endettement. Ces dernières années, les encours de crédits mobilisés par les PME (385 milliards d’euros à fin 2016) ont suivi la même tendance que les crédits totaux, même s’ils ont été légèrement moins dynamiques. Parmi ceux-ci, les encours de crédit des TPE (246 milliards à fin 2016) ont davantage progressé ces trois dernières années (de 3,6 % en moyenne, contre 2,1 % pour l’ensemble des PME), même si les encours de crédit de trésorerie aux TPE sont restés globalement stables.

C’est donc surtout pour les plus grandes entreprises que le fort dynamisme général de l’endettement de marché par rapport à celui du crédit bancaire sur la période récente a mené à un rééquilibrage du mix d’endettement.

Enjeux du recours à des sources alternatives de financement par dette

Si la principale distinction entre sources de financement est généralement opérée entre fonds propres et endettement, les déterminants de ce financement peuvent aussi ressortir d’une autre approche, entre financements internes et externes.

Une telle approche permet de mieux comprendre les choix de financement de certaines TPE et PME, notamment familiales, pour lesquelles les enjeux de maîtrise voire de confidentialité de l’information financière, ainsi que de coût et de capacité de production de celle-ci, apparaissent essentiels. Ainsi, selon une enquête menée par le cabinet KPMG en 2014 auprès de PME familiales, les prêts bancaires, l’autofinancement et le capital-investissement constituent les trois principales sources de leur financement.

Afin de prendre en compte ce souhait de maîtrise de l’information financière, tout en contribuant à la diversification des sources de financement des entreprises dans le contexte du tarissement des liquidités bancaires suite à la crise puis du renforcement des exigences prudentielles appliquées aux établissements bancaires, les pouvoirs publics ont appuyé le développement des placements privés, et leur formalisation depuis 2012. Ce soutien est notamment passé par une réforme visant à permettre aux assureurs de mobiliser davantage l’épargne des ménages au service des entreprises, via un investissement dans les fonds de prêts à l’économie. Ces fonds, qui ont notamment vocation à investir dans des entreprises non cotées, grandes PME ou ETI, ont été définis par un décret du 2 août 2013 s’agissant des assureurs relevant du code des assurances, puis étendus aux institutions de prévoyance et mutuelles par un décret du 17 décembre 2014. Cette réforme a permis de renforcer, et ce avant l’entrée en vigueur en 2016 du régime Solvabilité 2, la capacité d’intervention de ces investisseurs institutionnels en dette privée.

Plus généralement, le contour des produits de placement privé a été formalisé en 2014 avec le lancement de la charte Euro PP, puis en 2015 avec l’établissement de contrats types (format prêt et format obligataire). Cette formalisation a favorisé l’émergence rapide des placements privés « à la française », qui représentent aujourd’hui un encours de près de 20 milliards d’euros, selon Dealogic. Les très récentes modernisations des régimes de l’agent des sûretés (ordonnance du 4 mai 2017) et de la représentation de la masse des obligataires (ordonnance du 10 mai 2017) vont par ailleurs contribuer à consolider le recours à ces instruments, tant pour le format prêt que pour le format obligataire.

Au-delà de la mise en œuvre des fonds de prêt à l’économie et de l’Euro PP, et dans le contexte de l’initiative communautaire pour une Union des marchés de capitaux, la France a engagé un travail approfondi sur l’octroi direct de prêts par des fonds. Le mouvement s’est inscrit dans la continuité du règlement européen sur les fonds d’investissement de long terme (ELTIF), qui en 2015 a donné aux fonds satisfaisant les contraintes du règlement la possibilité d’octroyer directement des prêts aux entreprises. La loi de finances rectificative pour 2015 est ainsi allée plus loin, en ouvrant à certains autres fonds d’investissement cette possibilité. Ces fonds doivent vérifier les conditions fixées par le décret du 24 novembre 2016 : ils doivent notamment être réservés aux professionnels, présenter des dispositifs de restriction des rachats et limiter fortement leur recours à l’effet de levier.

Les conditions fixées par ce décret ont pour objectif de permettre à ces fonds – dont les gestionnaires doivent par ailleurs disposer de compétences suffisantes pour permettre la mise en place d’un processus d’origination sain – d’exercer leur activité sans risque particulier sur le plan de la stabilité financière. L’interdiction de toute transformation de maturité et la limitation forte de l’effet de levier doivent permettre à ces fonds de ne pas entrer dans la définition du shadow banking mais dans celle de la market-based finance.

Ces financements directs doivent pouvoir compléter l’offre bancaire à destination des PME et ETI de différentes façons, en offrant des formes de financements moins typiques (prêts in fine, sans garantie personnelle…) ou en complétant l’offre bancaire sur les maturités les plus longues (montages d’infrastructure, dette de long terme) et pour certains segments de marché. Plus largement, ces fonds pourront intervenir en partenariat avec les établissements de crédit.

Ces diverses initiatives ont toujours recherché un équilibre entre ouverture de ces sources alternatives de financement par dette et protection des investisseurs. Cela a été notamment le cas s’agissant du financement participatif, qui s’adresse pour partie au moins à des souscripteurs particuliers et vise à financer des entreprises souvent très petites, jeunes ou particulièrement innovantes. Une grande attention a donc été portée à l’élaboration d’un cadre juridique dédié au financement participatif en adéquation avec les enjeux de protection ainsi posés et à l’application effective de cet encadrement juridique. Ce cadre, mis en place dès 2014, a ainsi créé les statuts de conseiller en investissement participatif (CIP) et d’intermédiaire en financement participatif (IFP). L’ordonnance du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse est venue accompagner le développement du marché, en créant un nouvel instrument de financement destiné aux TPE et PME ayant recours au financement participatif, le « minibon », tandis que le décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016 relatif aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif a porté le plafond des prêts consentis par un même souscripteur à 2 000 euros pour les prêts avec intérêts et à 5 000 euros pour les prêts sans intérêts, et a porté le plafond des offres admises sur ces plates-formes IFP à 2,5 millions d’euros. En outre, l’offre de service des CIP a été étoffée : ces professionnels, assujettis à une obligation de conseil, peuvent dorénavant proposer des actions de préférence et des obligations convertibles. Ces initiatives ont participé au dynamisme du financement participatif, dont les montants levés ont encore progressé de 40 % (à 234 milliards d’euros) entre 2015 et 2016, selon le baromètre publié par l’association Financement Participatif France.

Perspectives de développement des différentes sources

La structure actuelle du financement des TPE et PME françaises est susceptible de ne pas refléter les équilibres de long terme, compte tenu de l’actuelle abondance exceptionnelle de liquidités bancaires. La remontée des taux d’ores et déjà observée sur certains segments de marché justifie dès lors de maintenir une attitude proactive à l’égard de la diversification des outils de financement des TPE, PME et ETI.

Cette attitude prévaut par ailleurs au niveau européen, dans le contexte de l’Union des marchés de capitaux. Ce projet devrait notamment permettre de faciliter la convergence au niveau européen des principes sous-jacents d’un champ plus large d’instruments que ceux dévolus aux seules grandes entreprises (obligations). Ainsi, s’agissant des placements privés, une initiative de l’International Capital Market Association (ICMA) est d’ores et déjà à l’œuvre afin de déterminer des termes de référence communs aux différentes formes prises par ces instruments en Europe – sans pour autant remettre en cause la légitime concurrence et coexistence de ces différents instruments. Il conviendra aussi d’observer avec attention les initiatives, non nécessairement réglementaires, en matière de financement participatif ou d’octroi direct de prêts par des fonds que la Commission européenne pourrait promouvoir en juin à l’occasion de sa revue à mi-parcours de l’Union des marchés de capitaux.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº809