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Des banques solides confrontées à des perspectives économiques négatives

Créé le

16.10.2020

Si les banques ne constituent pas un sujet de préoccupation aujourd'hui, on ne peut pas exclure que certaines d'entre elles puissent être confrontées à des difficultés en fonction de l’intensité de la crise économique.

Êtes-vous d’accord avec l’assertion selon laquelle « les banques sont la solution, pas le problème » ?

Oui. Au moment où a débuté la crise sanitaire, les systèmes bancaires européens affichaient des fondamentaux solides.

Dans ce contexte, les banques ont naturellement vocation à remplir leur fonction « d’amortisseur de crise » et à contribuer à la « solution ». Dans le même temps, l’ampleur du choc issu de la crise sanitaire est susceptible de les affecter elles-mêmes de façon significative, d’où la nécessité de les protéger pour éviter qu’elles ne posent un « problème ». C’est dans cet esprit que la Banque Centrale Européenne (BCE) a apporté un soutien massif (TLTRO III) pour permettre aux banques de jouer pleinement leur rôle d’intermédiation.

À l’heure actuelle, les banques européennes continuent à prêter, répondent à une demande de crédits qui a progressé à la suite de la mise en place des programmes de soutien public (prêts garantis) et néanmoins baissé dans certains compartiments, par exemple le crédit à la consommation.

Donc, dans l’immédiat, la très grande majorité les banques ne constituent pas un sujet de préoccupation. Cela étant, on ne peut pas exclure que certaines banques puissent être confrontées à des difficultés en fonction de l’intensité de la crise économique.

Moody’s a peu dégradé de notations de banques européennes, alors que les conditions macroéconomiques sont dégradées. Pourquoi ?

En effet, les dégradations de notations ont été peu nombreuses en Europe. Cela fait écho à la solidité des systèmes bancaires évoquée plus haut. Néanmoins, l’ampleur de la secousse économique nous a conduits à placer sous perspective négative la plupart des systèmes bancaires européens, dont le système bancaire français. Ces perspectives négatives pourraient, à terme, peser sur les notations des banques si le rétablissement économique n’était pas conforme à nos attentes.

En attendant, notre attention s’est focalisée, comme souvent en temps de crise, sur le niveau de capital des banques qui doit jouer son rôle d’amortisseur. Jusqu’à présent nous avons estimé que la solidité des banques devait être appréciée à l’aune de leur capacité à maintenir, ou à rétablir le cas échéant, leurs fondamentaux à un horizon de deux à trois ans. Autrement dit, une dégradation des conditions d’exploitation d’une banque ne serait pas, en soi, un motif suffisant de dégradation de sa notation pour autant qu’elle n’ait pas d’effet négatif durable.

Nous avons néanmoins procédé à des actions de notations en Italie (révision des perspectives, « revues ») compte tenu notamment d’une situation plus fragile du système bancaire italien au moment où débute la crise sanitaire.

N’est-il pas contradictoire que les ratios de capital des banques augmentent alors que les autorités les poussent à utiliser leurs coussins de capital ?

Les pouvoirs publics sont inquiets du risque de rationnement du crédit, autrement dit d’une frilosité des banques susceptible d’enclencher un cercle vicieux de contraction de l’activité économique. Quant à elles, les banques peuvent craindre une dégradation de leurs risques sous la forme d’une envolée des crédits non performants qui pourrait in fine peser sur le niveau de leur ratio de capital.

À ce jour, on n’observe pas de contraction du crédit d’autant moins que le recours massif aux prêts garantis par l’État dans certains pays européens, y compris en France, a soutenu fortement l’activité de crédit.

Selon les données publiées récemment par l’Autorité bancaire européenne (EBA) le ratio Core Tier 1 moyen des plus grandes banques européennes a progressé de 30 points de base à 14.7 % au deuxième trimestre sous l’effet conjugué d’une légère contraction des risques pondérés et de changements réglementaires (« CRR2 quick fix »). On estime que ces deux facteurs continueront à jouer au deuxième semestre 2020, et il faudra attendre 2021 avant que les ratios de capital soient orientés à la baisse. Il n’est pas exclu, dans ce contexte, que certaines banques soient alors contraintes d’utiliser leurs coussins réglementaires de capital.

Quels sont les principaux « risques » auxquels les banques européennes vont être confrontées dans les deux années à venir ?

Tout en étant solides, les systèmes bancaires européens sont actuellement confrontés à trois défis principaux, à savoir les conséquences multiples du choc provoqué par la crise sanitaire, la permanence d’un contexte de taux bas qui pèse sur leur rentabilité et la nécessité de poursuivre la transformation digitale qui nécessite de lourds investissements. Ce n’est donc pas un hasard si les projets de fusion de banques se multiplient ces dernières semaines, la crise actuelle opérant comme un accélérateur pour la résolution de problèmes structurels (surcapacité bancaire, faible rentabilité, etc.) et si la BCE continue de plaider pour une consolidation transfrontière dans le contexte d’une Union bancaire à parfaire.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº849