Comment les métiers bancaires sont-ils touchés par la mise en œuvre de Bâle III ?
Les métiers et les acteurs vont être différemment touchés par la réglementation Bâle III. Sur certaines activités, l’effet sera particulièrement prévisible, voire chiffrable : ainsi, les dérivés OTC avaient déjà été impactés par l’accord de « Bâle 2,5 » de juillet 2009, avec la mise en place de la Value at Risk stressée, d’un nouvel indicateur – l’incremental risk charge –, sans oublier la nouvelle
Par ailleurs, le secteur financier est en train de vivre un ajustement de la réglementation dans le cadre du clearing, qui pourrait aussi se traduire par des surcharges en capital. Le Comité de Bâle distingue les chambres de compensation éligibles et non éligibles : les établissements qui traitent avec ces dernières seront fortement pénalisés. Mais même dans le cas de chambres de compensation éligibles, ils subiront des surcharges en capital liées à leurs expositions sur ces dernières.
Autre activité directement concernée par la réglementation Bâle III : le cash trading, car le cash renvoie immédiatement à la question de la liquidité, qui va faire l’objet de
La titrisation est également dans le collimateur. Bâle II prévoyait une alternative pour les tranches les moins bien notées (BB- et en dessous), donc les plus risquées, des véhicules de titrisation :
- la possibilité de les déduire, dans des conditions très particulières, du calcul du capital éligible ;
- ou de leur appliquer un taux de pondération (risk weight) très pénalisant, de 1250 %, le plus haut mentionné dans les accords de Bâle II.
En ce qui concerne les crédits immobiliers, un des plus vieux métiers des banques dans le monde consistait à faire de la transformation : recevoir court et prêter long, en se refinançant pour assurer l’équilibre. Et cela fonctionnait très bien. Bâle III n’interdit pas de le faire mais rappelle qu’il est préférable de prêter long avec des ressources longues, et qu’il n’est pas possible d’adosser indéfiniment des ressources courtes à des opérations longues et risquées. Ceux dont le métier est de faire du crédit immobilier devront donc, soit développer des stratégies alternatives, soit capter des dépôts longs. Il leur faudra aussi collatéraliser leurs opérations pour pouvoir prouver au régulateur que même s’ils conservent une exposition de crédits immobiliers à long terme, celle-ci est durablement sécurisée et peut s’exprimer sous forme d’une exposition nette.
La collatéralisation peut notamment venir des actifs sous-jacents qu’il faudra alors valoriser : face à un crédit immobilier, quelle est la valeur de l’hypothèque consentie par l’acheteur ? Si le marché de cet actif se restreint, les prêteurs risquent de se retrouver dans une position où ils ont octroyé des crédits avec des maturités longues et avec un collatéral dont la valeur faiblit sur le marché.
Ainsi, dans cette activité aussi, la peine est double : les acteurs sont contraints par la réglementation et potentiellement par le marché parce qu’après l’Espagne et les États-Unis, l’hypothèse d’une baisse du marché immobilier n’est pas à éliminer.
Enfin, les collectivités locales. Elles ont comme contrainte d’équilibrer leur budget, souvent grâce à des emprunts. Or leurs prêteurs sont soumis au nouveau ratio de levier : ils doivent avoir un montant de capital Tier 1 qui doit représenter au moins 3 % du montant de leurs expositions non pondérées. Pour respecter ce ratio, ils peuvent être conduits à restreindre les crédits faits aux entités publiques, crédits qui sont souvent de montants très élevés.
Peut-on chiffrer les surcoûts induits par ces mesures dans les comptes bancaires ?
Si ce chiffrage est quasiment arithmétique pour les activités de dérivés ou de titrisation, il est plus complexe à évaluer pour le cash trading ou les crédits immobiliers, pour lesquelles il faut concevoir et dérouler des scénarios sur l’approvisionnement en liquidité ou sur les valorisations des garanties reçues.
Pour les autres cas de figure que ceux cités, la mesure peut être encore plus diffuse. Globalement, selon une étude de Booz & Cie, le ROE moyen avant impôt du secteur bancaire passerait ainsi de 15 % avant la crise à 9 %.
Quels moyens mettre en œuvre ?
Pour se conformer aux nouveaux ratios, il faudra calculer les expositions et la consommation en capital des activités dans chaque ligne métier, ainsi que les collatéraux engrangés, leur valeur, les taux de perte effective des opérations… Une capture de data énorme est à prévoir par les départements informatiques qui seront fortement mis à contribution. Les banques devront en outre développer des outils nouveaux, réécrire des procédures, etc.
Sur la prise en compte des contreparties, il faudra probablement adapter et améliorer la gestion des collatéraux et les modèles de calcul du risque. Un modèle est un univers mathématique statistique capable, à partir d’une population d’événements survenus dans l’établissement, de produire une expression arithmétique la plus prédictive possible de la réalité de demain. Pour modifier ces configurations et remodéliser, il faut mettre à contribution des quants, qui sont des ressources rares et chères… Et cela ne se fait pas en 15 jours. Sans oublier les économistes qui devront fournir des hypothèses sur l’évolution de l’environnement économique et du PIB afin que certains événements soient pris en compte dans les modèles, par exemple pour évaluer la production nouvelle et ses incidences sur les buffers et sur la consommation en capital.
Enfin, les auditeurs internes devront être en nombre suffisant ou renforcés pour s’assurer de la conformité des dispositifs dans la perspective d’une revue du dispositif qui serait organisée par le régulateur (l’ACP). D’ores et déjà, des comités Bâle III sont mis en place dans certains établissements.