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Économie

Le débat superficiel sur l’évolution du taux de change de l’euro

Créé le

13.04.2015

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Mis à jour le

27.04.2015

Lorsque l’euro a commencé à se déprécier rapidement, au début de 2014, une grande majorité des analystes ont brutalement modifié leurs prévisions et ont annoncé simultanément un fort recul des taux de change de l’euro, passant en dessous de la parité vis-à-vis du dollar. Ces annonces ont incité beaucoup d’investisseurs et d’entreprises à se couvrir, ce qui a rendu ces anticipations auto-réalisatrices, poussant l’euro vers un point bas de 1,05 dollar. Il faut regretter l’absence de profondeur de ces analyses.

Premièrement, le Quantitative Easing (QE) conduit à ce que des investisseurs ayant vendu des titres à la BCE reçoivent des liquidités qu’ils réinvestissent. Or le QE ne conduit à une dépréciation du taux de change que si ces investisseurs utilisent en quantité importante ces liquidités pour acheter des actifs financiers en devises (aux États-Unis, dans les pays émergents…). Il y a bien dans la zone euro hausse de ces achats d’actifs étrangers, mais pas considérable, ce qui est sans doute dû aux contraintes réglementaires (Solvabilité 2).

Ensuite, la forte dépréciation de l’euro depuis le début de 2014 est liée au contraste perçu entre les perspectives de politique monétaire aux États-Unis et dans la zone euro. Mais les analystes devraient s’interroger sur la force de la reprise économique aux États-Unis. Il s’y accumule plusieurs chocs défavorables : chute de l’investissement et de la production dans le secteur pétrolier, appréciation du dollar par rapport à toutes les devises qui commence à affecter les exportations, dégradation de la situation économique au Brésil et en Chine. Ceci conduit à une perspective de croissance modeste aux États-Unis en 2015 (autour de 2,5 %) et certainement à une remontée prudente des taux d’intérêt de la Réserve fédérale, ce qu’anticipent d’ailleurs de plus en plus les marchés, réduisant la perspective d’appréciation du dollar.

Enfin, les flux de capitaux vers les marchés obligataires de la zone euro n’ont pas été durablement affectés par le QE : les non-résidents retirent leurs capitaux en obligations au 4e trimestre 2014, mais en rachètent au 1er trimestre 2015. Dans le même temps, le QE et son effet positif probable et déjà observé sur les marchés boursiers attirent de nombreux investisseurs non résidents vers les marchés d’actions de la zone euro. Les flux de capitaux à long terme vers la zone euro ne sont donc pas du tout favorables à une dépréciation de l’euro. Celle-ci vient des positions spéculatives à court terme (courtes sur l’euro) et des couvertures de change. Mais il s’agit d’une situation qui peut se renverser très rapidement : si l’euro commence à remonter avec un moindre optimisme sur l’économie américaine, les positions courtes seront coupées et l’euro s’appréciera rapidement.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº784