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Le contrat à impact social : un enjeu majeur pour les associations

Créé le

16.12.2021

Faute de pouvoir faire la preuve par une métrique commune et certifiée de son impact positif, le monde de l’économie sociale et solidaire et des associations végète un peu partout. « Au bout du compte, la vaste majorité des organisations à but non lucratif restent de taille limitée avec des ressources réduites, constate Ronald Cohen. Sur plus de 5 400 organismes de ce type aux États-Unis ayant répondu à la dernière enquête sur la situation du secteur menée par le Non Profit Finance Fund, plus des trois-quarts ont vu croître la demande pour leurs services, mais plus de la moitié étaient incapables de répondre à cette demande. Une entreprise qui voit sa demande croître vend plus de produits, gagne plus d’argent, investit et grandit. Or, face à cette demande, ces associations sont obligées de faire l’inverse : refuser d’aider les personnes en difficulté. » Un constat assez largement généralisable. La capacité de mesure de l’impact est donc la clé de l’évolution. Elle suppose un effort conséquent du monde associatif pour produire les données pertinentes reflétant l’impact social réel de ses activités.

En face des associations, pour les mêmes raisons de manque de mesure sérieuse de l’impact, la philanthropie de donations opérées par des fondations caritatives a pris des mauvaises habitudes. Sur la base « d’évaluations qualitatives des résultats de leurs donations, elles distribuent de petites sommes sur de relativement courtes périodes, de deux ou trois ans, avant d’en aider d’autres. Ensuite, faute de mesure rigoureuse de leur impact, la plupart des fondations exigent de leurs bénéficiaires qu’ils dépensent le moins possible en frais généraux, pour s’assurer que le maximum d’argent aille à ceux qui en ont besoin [1] ».

Un CIS réussi repose sur plusieurs acteurs

Le Contrat à impact social (CIS [2] ) est une innovation de rupture qui permet de sortir par le haut de ce cercle vicieux. Il sert de vecteur à un renforcement de l’efficacité des politiques sociales et environnementales publiques ou privées (RSE) et de catalyseur du passage d’une philanthropie de donations à une philanthropie de l’impact. Il fournit moyens et opportunités de coordination au monde associatif pour renforcer son efficacité et l’aider à en faire la preuve.

Les CIS reposent sur trois acteurs essentiels : les organismes payeurs ou tiers payants (États ou philanthropes), qui rémunèrent les investisseurs selon le résultat, et les prestataires de services sociaux (ONG le plus souvent, ou entreprises à mission). Peut s’ajouter un conseil financier, pour concevoir et élaborer le CIS, et un évaluateur indépendant, pour certifier les résultats obtenus comme un commissaire aux comptes peut le faire.

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Les CIS ont fait leur preuve

Le premier CIS (dit « de la prison de Peterborough ») a été créé au Royaume-Uni en 2010. Il visait à réduire d’au moins 7,5 % sur cinq ans le taux de récidive des prisonniers. Si le résultat était atteint, le gouvernement s’engageait à rembourser l’investissement initial de 5 millions de livres levées auprès de dix-sept fondations caritatives (dont la fondation Rockefeller, aux États-Unis), assorti d’intérêts augmentant en fonction du résultat. L’État ne pouvait débourser que 50 %, au maximum, des sommes économisées sur les procédures judiciaires et carcérales. Le nombre des condamnations ayant été réduit de 9,7 %, les fondations investisseuses ont été remboursées avec un intérêt et ont réaffecté leurs fonds à d’autres initiatives à incidence sociale. Dans le cas contraire, leur investissement se serait converti en donation classique.

L’avance du Royaume-Uni se retrouve dans les chiffres. En 2020 on recensait 156 CIS. Il y en a 67 au Royaume-Uni, soit plus de 40 % du total mondial, et 26 aux États-Unis. En France, 14 CIS ont été lancés entre 2016 et 2019, pour 13 M€, principalement axés sur les thèmes de l’emploi et de l’éducation. En 2021, 16 CIS ont été lancés, pour un montant de plus de 48 M€, dont 8 par l’ADEME, pour 27 M€ en tant que tiers payant. Comme investisseur et assembleur, BNP Paribas se taille la part du lion sur ce marché.

La clé du succès se trouve dans l’ingénierie de mise en œuvre du contrat par le conseil financier coordonnant, sous une structure ombrelle, les efforts des fournisseurs de services sociaux, auparavant simplement juxtaposés. Le vrai gisement de productivité, au sens de meilleur résultat sociétal et humain avec un moindre effort collectif, est dans cette mise en réseau des acteurs sociaux. À noter aussi les contrats à impact pour le développement (CID), jumeaux des CIS pour le monde émergent.

 

1 Cf Ronald Cohen, Impact, chapitre 5, « L’aube d’une philanthropie à impact », pp. 146-147.
2 Au Royaume Uni à l’origine Social Impact Bond (SIB – obligation à impact social), aux États-Unis Pay For Success (PFS – paiement à la réussite), en Australie Social Benefit Bond (SBB – obligation de prestation sociale), le terme d’obligation n’étant pas pris au sens financier d’obligation, mais au sens juridique général, d’un contrat de service entre un « payeur au résultat », résultat produit par un prestataire de service social. Un investisseur socialement motivé venant apporter le financement nécessaire au prestataire de service et éliminer le risque financier du commanditaire. L’histoire de l’invention de cette innovation de rupture conçue et menée à bien par Social Finance, première société de conseil en investissement social du Royaume Uni co-fondée par Ronald Cohen en 2007, est racontée dans le chapitre 1, « Une révolution : risque-rendement et impact social », Impact, pp. 27-35.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº865
Notes :
1 Cf Ronald Cohen, Impact, chapitre 5, « L’aube d’une philanthropie à impact », pp. 146-147.
2 Au Royaume Uni à l’origine Social Impact Bond (SIB – obligation à impact social), aux États-Unis Pay For Success (PFS – paiement à la réussite), en Australie Social Benefit Bond (SBB – obligation de prestation sociale), le terme d’obligation n’étant pas pris au sens financier d’obligation, mais au sens juridique général, d’un contrat de service entre un « payeur au résultat », résultat produit par un prestataire de service social. Un investisseur socialement motivé venant apporter le financement nécessaire au prestataire de service et éliminer le risque financier du commanditaire. L’histoire de l’invention de cette innovation de rupture conçue et menée à bien par Social Finance, première société de conseil en investissement social du Royaume Uni co-fondée par Ronald Cohen en 2007, est racontée dans le chapitre 1, « Une révolution : risque-rendement et impact social », Impact, pp. 27-35.