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Comment les investisseurs jugent les banques ?

Créé le

10.07.2018

-

Mis à jour le

29.08.2018

Le marché bancaire européen est aujourd’hui scindé en deux : d’un côté les banques de la périphérie sont toujours (à des degrés divers) pénalisées par des ratios de NPL très élevés et une profitabilité en berne, de l’autre les banques du nord de l’Europe sont confrontés à des problèmes plus « modernes » : rester profitables alors que les taux sont négatifs, que les investissements dans le digital sont indispensables et que les acteurs de la tech commencent à menacer leurs parts de marché. Quels sont, dans ce contexte, les grands enjeux pour un investisseur bancaire ?

Les NPL restent l’alpha et l’oméga dans la périphérie. Les banques y sont en quelque sorte otages des questions de politique européenne. En effet, la réforme de la zone Euro ne peut sans doute se faire sans compléter l’union bancaire, laquelle requiert la garantie européenne des dépôts, laquelle requiert l’accord des Allemands, lequel requiert… que toutes les banques aient un ratio de NPL inférieur à 5 % (selon les projets du communiqué de Meseberg.) C’est donc sans surprise qu’on constate que la pression du superviseur unique (SSM) est loin de diminuer. La capacité à réduire rapidement le taux de NPL est ainsi devenue le critère essentiel d’investissement sur ces banques – ce qui n’est pas illogique tant l’impact sur la profitabilité est important. Notons cependant que l’arrivée d’une hétéroclite coalition au pouvoir en Italie a relancé la question du risque souverain qui avait été reléguée au second plan par l’action énergique de la BCE.

Quid du reste de l’Europe ? Je distinguerais quatre grands thèmes : le capital, les taux, les autres sources d’amélioration de la profitabilité et le M&A.

Le capital, tout d’abord. Les banques ont certes gagné en clarté avec la finalisation de l’accord Bâle IV de décembre dernier, mais les investisseurs espèrent maintenant un impact concret. Voilà dix ans que chaque année (2016 exceptée) les investisseurs injectent plus d’argent dans les banques qu’ils n’en retirent. Il est plus que temps d’inverser cette tendance. Les banques qui ont mis en place un programme de rachat d’actions ont d’ailleurs généralement eu un meilleur parcours boursier.

Les taux, ensuite. Il existe des exceptions, mais la grande majorité des banques du nord de l’Europe attendent avec une impatience non dissimulée la hausse des taux. C’est la principale source d’amélioration de leur profitabilité et certains investisseurs sont obnubilés par ce paramètre. Pour certaines banques, comme Commerzbank, il est même parfois difficile – y compris en intraday – de distinguer les courbes d’évolution du cours de bourse et celle de l’évolution des taux allemands à dix ans.

Les autres sources d’amélioration de la profitabilité. Hélas, les anticipations [1] très optimistes nées de l’élection de M. Trump sont retombées comme un soufflé mal cuit et cette perspective ne suffit plus à susciter l’enthousiasme ou à augmenter les revenus. C’est donc aussi sur leur capacité à réduire les coûts – par la digitalisation, la fermeture d’agences devenues inutiles, etc. – que les banques sont jugées. Pour les investisseurs, l’analyse n’est d’ailleurs pas simple, car il n’y a rien de plus dur à juger de l’extérieur que la qualité d’un investissement informatique ; source d’économies et de nouveaux revenus ou puits sans fond, nous avons tout vu…

Enfin, on ne peut négliger le thème du M&A tant le SSM [2] a jeté un pavé dans la mare en exprimant clairement le souhait de voir de nouvelles consolidations en Europe. De nombreuses banques ont pour stratégie d’utiliser une partie de leurs fonds propres pour réaliser de petites acquisitions ciblées (souvent auprès de vendeurs forcés), mais sont extrêmement réticentes à mener des opérations d’envergure. Les surcharges en capital imposées aux grandes banques et la non-finalisation de l’union bancaire sont les principaux obstacles avancés. La pression du superviseur sera-t-elle suffisante pour surmonter ces réticences ?

 

1 Anticipations d'une politique fortement reflationniste (baisse d'impôts, dépenses d'infrastructure, hausse de taux) qui a poussé les taux longs du monde entier à la hausse.
2 Single Supervision Mechanism : cette Supervision unique fut le premier pilier de l’Union bancaire

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº823
Notes :
1 Anticipations d'une politique fortement reflationniste (baisse d'impôts, dépenses d'infrastructure, hausse de taux) qui a poussé les taux longs du monde entier à la hausse.
2 Single Supervision Mechanism : cette Supervision unique fut le premier pilier de l’Union bancaire