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Comment les banques gèrent-elles leur système informatique ?

Créé le

21.05.2014

-

Mis à jour le

02.06.2014

Les banques, quelle que soit leur taille, réseaux traditionnels ou nouveaux entrants, ont tendance à recourir au core banking, délaissant les systèmes propriétaires. Cette tendance s’explique par leur volonté de réduire les coûts informatiques, tout en augmentant la performance de leur système d'information.

Quels sont les besoins exprimés par les banques en matière de core banking ?

Les banques font face à des demandes en constante mutation, tant de la part de leurs clients que de celle des régulateurs. Les investissements dans les systèmes d’information représentent des montants très importants et une des préoccupations majeures des banques est de réduire ces coûts tout en offrant des services de plus en plus sophistiqués. Ces contraintes induisent une demande forte pour des systèmes très évolutifs, performants et flexibles, à même de pouvoir supporter les nouveaux produits et services que la banque se doit d’offrir à ses clients pour rester compétitive.

La définition de core banking varie passablement selon les acteurs interrogés. Généralement, un système de core banking est destiné à supporter les activités de base d’une banque, telles que la tenue de comptes, la gestion de l’épargne, les crédits et les paiements. Toutefois, toutes les banques aujourd’hui proposent une palette de produits et services très vastes et la tendance est d’intégrer ces activités dans la définition de core banking. Les services tels que les cartes de crédit et autres moyens de paiement sophistiqués, les accès à la Bourse, les crédits à la consommation, les assurances sont devenus universels sur le marché européen, à l’inverse toutefois du marché américain où l’intégration des services bancaires n’est justement pas souhaitée par le régulateur.

Le maître-mot en matière de besoin est certainement la flexibilité. Un core banking moderne doit être à même de permettre à la banque de créer de nouveaux produits ou d’intégrer de nouveaux services dans un temps très bref. La différenciation ne peut se faire que sur la capacité d’anticiper les nouveaux besoins des clients, que l’on parle de l’épargnant moyen, de l’entreprise ayant des besoins complexes de financement ou du client fortuné attendant de sa banque et de son gestionnaire des services à la mesure de ses moyens.

L’architecture de core banking doit permettre cette approche et la modularité est au centre des préoccupations des responsables IT des banques. Les architectures orientées services (SOA) sont parmi les réponses à ces challenges.

Tous les établissements ont-ils les mêmes besoins ? Quels sont les critères pour les catégoriser (taille de la banque, historique informatique, etc.) ?

Fondamentalement, tous les établissements bancaires doivent faire face aux mêmes demandes dans un segment de marché donné. Les fonctions de base sont naturellement identiques, mais la nature et la complexité des besoins varient énormément selon le type d’établissement. La taille est effectivement un critère ; une grande banque de détail servant plusieurs millions de clients n’aura pas les mêmes besoins, par exemple, qu’un établissement spécialisé dans la gestion de fortune dont la clientèle pourra ne compter que quelques milliers de clients. Le critère déterminant reste néanmoins les métiers de la banque et la diversité des produits et services offerts à la clientèle.

B eaucoup d’établissements français fonctionnent encore sur des systèmes propriétaires : est-ce un frein en matière d’agilité bancaire ?

Le fait d’avoir la maîtrise de son SI est un atout en relation avec les changements constants qui affectent le marché. Mais il y a un problème de taille pour ceux qui développent leur système en interne : le coût ! C’est d’ailleurs pour cette raison que la majorité des petits ou moyens acteurs de l’industrie bancaire ont mis en place des progiciels core banking. Devant offrir les mêmes produits et services que les grands groupes, mais avec des moyens représentant une petite fraction des budgets de ces derniers, les petits établissements n’ont d’autre solution que de se tourner vers des solutions progicielles. Heureusement, le marché de ces solutions est extrêmement compétitif et des solutions comme la nôtre permettent de maîtriser à la fois la problématique des évolutions requises par le marché et les aspects réglementaires dans un cadre budgétaire bien maîtrisé. Par ailleurs se pose également, pour la banque qui développe sa propre solution, le problème des compétences nécessaires à ce type de développement. Les systèmes devenant de plus en plus pointus, la diversité des compétences requises rend difficile la maîtrise à long terme des systèmes développés en interne et augmente de facto leur coût.

Les nouveaux entrants (banques sur Internet, établissements de paiement ou de monnaie électronique, mobile banking...) font-ils plus appel au core banking ?

Pour ce type d’établissement, la rapidité est la clé de leur modèle d’affaire. Il est indispensable de pouvoir, dans un délai très court, lancer une offre qui devra, dès le début, être suffisamment étoffée pour attirer une nouvelle clientèle. Compte tenu de ces contraintes, les nouveaux entrants s’appuient toujours, soit sur une infrastructure existante, généralement fournie par la maison mère (cas des filiales des grands groupes bancaires), soit sur un assemblage de « composants » informatiques existants. Au cœur de cette architecture se trouvera naturellement un core banking mettant à disposition la majorité des grandes fonctionnalités bancaires requises. Par ailleurs, certaines activités non stratégiques sont fréquemment sous-traitées dans ce type de modèle, afin notamment de gagner du temps et de mutualiser certains coûts.

Plus globalement, certains marchés/pays sont-ils plus concernés par le core banking que d’autres ? La demande en matière de core banking est-elle en croissance ?

La demande en matière de core banking ne connaît pas réellement de frontière. Notre expérience dans plus de 50 pays tend à nous démontrer que les besoins sont fondamentalement les mêmes, quels que soient le secteur d’activité ou la géographie. La demande reste soutenue, même si les taux de croissance restent plus importants dans les pays en développement, où les infrastructures doivent être rénovées, qu’en Europe. Les banques dans la plupart des pays européens sont largement équipées de core banking, même s’il reste encore un nombre significatif d’établissements qui disposent de systèmes développés en interne. C’est le cas, notamment, des établissements qui appartiennent au Tier One, c’est-à-dire les grands groupes bancaires sur leurs marchés domestiques. La règle générale pour les cinq à dix établissements principaux sur quasiment chaque marché (France, Allemagne, Italie, UK, Espagne…) est de développer en interne le système de base et de s’appuyer sur des packages spécialisés pour des fonctions pointues.

Par contre, pour leur réseau international, on retrouve la plupart du temps des core banking intégrés, permettant d’adresser beaucoup plus facilement les aspects liés aux spécificités locales, notamment réglementaires et fiscales.

Quelles sont les réponses apportées par les éditeurs aux besoins des banques ?

Les core banking offrent à leurs utilisateurs des systèmes en constante évolution, que ce soit fonctionnellement ou technologiquement. Ils intègrent souvent les best practices de l’industrie, de par leur large diffusion au sein du secteur financier. Ces caractéristiques tendent à faire diminuer les risques encourus par les établissements financiers quant à leur infrastructure informatique. Une étude publiée récemment par un grand cabinet de conseil démontre par ailleurs que les banques utilisant un core banking moderne ont des indicateurs de profitabilité meilleurs que leurs consœurs utilisant des systèmes développés en interne. Durant les cinq dernières années, les banques utilisant des applicatifs bancaires tiers ont démontré, en moyenne, une rentabilité sur fonds propres supérieure de 19 % et un ratio coûts/revenus inférieur de 6,5 % que les banques utilisant des systèmes propriétaires. Cette corrélation a été constatée sur des données significatives en volume, sur la durée et quelles que soient les zones géographiques analysées.

Certaines solutions comme le SAAS [1] ne posent-elles pas des questions en termes de sécurité des données et sur le plan juridique (localisation du cloud…) ?

Les offres SAAS connaissent un grand succès dans le monde industriel et sur certains types d’applicatifs relativement standard (CRM, RH, comptabilité). Dans le domaine bancaire, le mode SAAS est pour l’instant relativement peu développé compte tenu justement des risques associés à la localisation des données des clients. Comment en effet expliquer à un client d’une banque privée que les détails de ses comptes sont stockés sur des serveurs dont nul ne sait réellement où ils sont localisés, ni par qui ils seront gérés ? Pour assurer un niveau de confidentialité adéquat, l’offre s’élargit et les clouds privés apparaissent, apportant une réponse partielle aux risques associés à ce mode d’exploitation de solutions.

Certaines banques, comme le Crédit Agricole Suisse, ont développé une offre en matière de core banking et deviennent vos concurrents : est-ce une tendance ?

Certaines banques ont en effet lancé des offres à destination d’autres banques, mais aucune ne propose de vendre sa plate-forme sous forme de core banking. En ce sens, ces banques ne sont pas réellement des éditeurs de logiciels, mais proposent à d’autres établissements d’utiliser leurs infrastructures existantes pour la gestion de leurs opérations, sous forme de BPO [2] . Pour ces établissements, c’est une manière de mutualiser leurs coûts de développement interne. Ces offres sont généralement destinées à des banques de petite taille, pour qui les investissements à consacrer dans des infrastructures internes sont probablement trop importants, compte tenu de l’érosion des marges qui est constatée depuis quelques années sur le marché bancaire. Par contre, nous avons également vécu plusieurs cas de retour en arrière, certaines banques considérant que le manque de flexibilité d’une offre de type industriel allait à l’encontre des objectifs stratégiques de la banque.

 


1 Software as a service : modèle d'exploitation des logiciels dans lequel ceux-ci sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur la machine de l'utilisateur. 2 Business Process Outsourcing, ou externalisation des processus.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº773
Notes :
1 Software as a service : modèle d'exploitation des logiciels dans lequel ceux-ci sont installés sur des serveurs distants plutôt que sur la machine de l'utilisateur.
2 Business Process Outsourcing, ou externalisation des processus.