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Banque durable

Climat : il faut dépasser le cadre réglementaire

Créé le

18.10.2021

Pour les banques, il n'est pas suffisant de respecter les nouvelles règles édictées par les pouvoirs publics en faveur du climat : il leur faut aussi, voire surtout, éduquer et aider leurs clients à prendre le tournant environnemental.

Que d’écrits sur le risque climatique et sur les engagements pris par les uns et les autres ! Arrêtons-nous sur l’un d’eux. Faisant écho aux engagements pris par les institutions financières françaises en faveur de la lutte contre le changement climatique et de l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 lors de la réunion de la Place de Paris, le 2 juillet 2019, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l'Autorité des marchés financiers (AMF) ont réalisé un rapport commun sur le respect de ces engagements, paru à l’été 2020.

Ce document donne la liste des engagements analysés (pp. 9-10) :

– politique interne et empreinte carbone de l’entité ;

– stratégie de sortie des énergies fossiles ;

– engagements en faveur des financements et investissements verts ;

– engagements actionnariaux et tout autre engagement des acteurs ;

– engagement en vue d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ou alignement sur les accords de Paris ;

– transparence de l’information relative à la prise en compte des engagements climatiques.

Il est alors précisé que les engagements analysés « ne comprennent pas les engagements qui portent partiellement sur le changement climatique, tels que ceux portant sur le développement d’approches ESG ou “responsables” ».

L’ESG peut-il être si peu climato-dépendant ?

Et si, finalement, la réussite des politiques climatiques passait aussi, voire d’abord, par ce dernier paragraphe ? Et si les banques de détail devaient devenir militantes, en amenant leurs clients à accélérer leur transition climatique ?

Au Crédit Coopératif, nous n’avons pas attendu 2019 pour nous engager significativement sur ce sujet. Nous avons exclu de notre développement les entreprises ayant une activité en lien avec les énergies fossiles depuis fort longtemps et la production d’énergies vertes dans notre bilan est significative, par les choix faits depuis plusieurs décennies – hors éolien, car le bilan global de ce vecteur vert reste discutable.

Grâce à cette anticipation, nos encours « marron » sont déjà très limités dans la cartographie de nos financements ou de nos placements. Le poids du financement de l’économie sociale et solidaire l’explique d’ailleurs en grande partie. Histoire d’être dans l’air du temps, nous pourrions améliorer encore très rapidement nos indicateurs climatiques en nous précipitant sur des titres « verts » ou sur le cofinancement de grands parcs éoliens…

Le client, premier maillon de la chaîne de l’impact

Notre vision est différente. Comme nous le faisons depuis des décennies, notre priorité sera d’avoir un impact maximum en mobilisant nos clients sur leur propre impact. Tout le monde connaît le principe de notre carte bancaire AGIR : elle permet de reverser à des associations de son choix des sommes en lien avec ses dépenses. Cette même logique d’impact sera déployée sur notre approche environnementale. Notre bilan risque climatique doit s’améliorer, par les actions de placement ou de financement de nos clients, tant particuliers qu’entreprises ou associations, dont nous saurons tracer durablement les impacts. Notre challenge est de les amener à cette prise de conscience et à un engagement personnel et citoyen sur le sujet.

Des mesures d’impact existent déjà sur plusieurs de nos produits et nos affiches le rappellent régulièrement, comme, en fin d’année dernière, notre campagne « Baleine » et le slogan « Là où il va, votre argent aide à faire du bien. » Il nous faut toutefois continuer à enrichir nos approches pour toucher tous nos clients. À titre d’exemple, nous devons permettre à tous nos clients particuliers, propriétaires ou locataires, de nous fournir en self-care leur diagnostic de performance énergétique (DPE), afin de leur proposer une action pour l’améliorer. Ceci pour réduire leurs factures ou continuer à louer leur logement. À nous, ensuite, d’afficher notre impact par l’évolution annuelle de notre matrice DPE. Ce sujet est majeur, notamment dans les politiques d’exclusion (voir encadré).

La logique sera la même pour le secteur du logement social, dont nous sommes un partenaire majeur. Nous devons être rapidement en mesure de tracer comment nos financements permettent d’améliorer les DPE d’un parc locatif complet. Nous devrons en même temps être capables de relier nos financements aux objectifs d’épargne décidés par nos déposants, jusqu’au niveau individuel.

Le climat ne doit pas éclipser les autres dimensions

Pour nos clients entreprises, la diversité des métiers pose le souci du bon indicateur à retenir. Il nous faut être capables d’identifier comment nos financements permettront de réduire une trace carbone ou la facture énergétique d’un site industriel. Le calcul peut être plus complexe pour certaines activités, comme l’économie sociale ou les coopératives agricoles. L’exercice à réaliser en collaboration avec nos clients ? Trouver les indicateurs non contestables permettant de tracer notre impact commun sur le climat et de ne pas exclure certains métiers ou activités de nos financements à cause du risque climatique. Ces chantiers sont lancés, y compris dans la filière du bâtiment, avec notre filiale BTP Banque.

À travers cette approche, veillons aussi à ne pas nous focaliser uniquement sur le risque climatique, comme toute la littérature actuelle pourrait nous conduire à le faire. Il serait regrettable qu’un établissement comme le nôtre affiche un remarquable bilan sur le risque climatique, au détriment des autres dimensions sociétales. D’où la nécessité d’améliorer aussi nos impacts sur les autres dimensions, dont la finance coopérative doit également avoir la charge, comme l’insertion ou l’emploi.

L’ambition d’une traçabilité intégrale

Actuellement, notre seule inquiétude est la capacité à intégrer rapidement de nombreux éléments quantitatifs et qualitatifs dans les systèmes d’information, avec un coût maîtrisé. Nous nous interrogeons sur d’éventuelles normes qui pourraient surgir entre-temps, augmentant les contraintes de reporting, comme nous l’avons déjà connu sur d’autres dossiers réglementaires.

Pour notre établissement, le risque climatique est un sujet majeur, et depuis longtemps. Comme toutes les structures bancaires, nous aurons pour ambition que nos indicateurs réglementaires montrent notre contribution, aujourd'hui et demain, à la maîtrise de ce risque. Mais le véritable enjeu pour nous est de permettre à chacun de nos clients d’afficher sa propre contribution à travers sa relation bancaire. La traçabilité de notre action est donc l’obstacle majeur à surmonter, avec des profils de clients très différents. L’ambition est aussi que beaucoup de nouveaux clients nous rejoignent, pour contribuer avec une banque référente à un impact transparent sur le risque climatique.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº861