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Economie

Ce que nous « dit » la crise catalane

Créé le

18.10.2017

-

Mis à jour le

27.10.2017

Les futurs historiens n’omettront certainement pas de remarquer qu’au moment où la majeure partie de l’Europe occidentale tentait de construire plus ou moins explicitement une architecture fédérale entre États-nations, certaines provinces de ces États souhaitaient faire sécession. Le Royaume d’Espagne ne peut faire preuve de complaisance durable avec les indépendantistes catalans, non seulement parce qu’il a le droit pour lui, mais aussi parce que la sécession catalane constitue une démarche parfaitement aventuriste au plan économique. Sans compter que cela favoriserait aussi des revendications autonomistes d’autres régions comme le Pays Basque. Même chose pour l’Europe qui ne peut ouvrir la boîte de Pandore à toutes les velléités sécessionnistes en Europe et on sait que celles-ci sont particulièrement vivaces, notamment en Italie du Nord, en Belgique et au Royaume-Uni.

Une hypothèse plausible est donc que la situation va suffisamment se détériorer (délocalisation des sièges sociaux hors de Catalogne, fuite de capitaux bancaires, écartements de taux catalans par rapport aux taux espagnols, voire ultérieurement réduction des investissements étrangers et émigration de salariés qualifiés) pour convaincre une majorité de Catalans de rejeter l’indépendance, à la faveur d’un référendum en bonne et due forme. Comme au Québec dans les années 1990 ou en Écosse en 2014, la pression favoriserait le statu quo, éventuellement assorti ultérieurement d’une nouvelle phase d’autonomie financière.

La crise catalane met une nouvelle fois en évidence un « nationalisme de région riche », à l’instar de la Flandre ou de l’Italie du Nord. La Catalogne est en effet plus riche et plus performante que la moyenne de l’Espagne (PIB par habitant de 30 % supérieur à celui du reste de l’Espagne, taux de chômage inférieur, niveau technologique supérieur…). Cette crise révèle également une fois de plus la naïveté du projet d’Union monétaire qui était politiquement présenté comme devant spontanément favoriser la convergence économique. Pourtant, dès 1993, Paul Krugman (prix Nobel 2008) affirmait avec justesse dans « Lessons from Massachusetts to the European Monetary Union » [1] que la constitution d’une union monétaire était au contraire susceptible d’accentuer la tendance des régions à se spécialiser en fonction de leurs avantages comparatifs existants (effets d’agglomération). Les inégalités régionales demeurent donc encore l’un des grands défis que devra affronter l’Union monétaire européenne.

 

 

1 In Torres F. and Giavazzi F., Adjustment and Growth in the European Monetary Union, Cambridge University Press, Cambridge, 1993.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº813
Notes :
1 In Torres F. and Giavazzi F., Adjustment and Growth in the European Monetary Union, Cambridge University Press, Cambridge, 1993.