Dans le monde entier, la spéculation a poussé, fin 2017, le cours du bitcoin à des sommets. Au Zimbabwe, c’est plutôt la fin du règne de Robert Mugabe qui a fait exploser les compteurs de Golix, la plate-forme nationale de référence pour le trading de la cryptomonnaie, conduisant le cours local du bitcoin bien au-delà de ses niveaux sur les bourses
Au-delà de l’exemple emblématique du Zimbabwe, le continent africain n’échappe pas à la vague d’enthousiasme suscitée par l’émergence de la technologie blockchain et des cryptomonnaies qui en découlent. Des experts de l’IFC, filiale de la Banque Mondiale, tentent une
Envoyer de l’argent via Bitcoin
À travers le monde, l’un des cas d’usage de la blockchain les plus explorés est celui des transferts d’argent à l’international, à l’instar de ce que développe Ripple. L’Afrique, marquée par une faible pénétration des comptes bancaires, par une forte dépendance aux tarifs élevés des opérateurs traditionnels de transfert d’argent mais aussi par le contrôle des changes en vigueur dans certains pays, ne fait pas exception à la tendance globale. Certaines start-up se sont ainsi lancées sur ce créneau des transferts internationaux, notamment entre particuliers. Il s’agit de rendre accessible l’argent envoyé en bitcoin par la diaspora, par exemple sur le compte de mobile money du bénéficiaire. Des pistes explorées par BTCGhana ou encore BitMari au Zimbabwe.
L'innovation gagne aussi la sphère BtoB. Ainsi, la start-up BitPesa cherche-t-elle à faciliter les paiements internationaux des entreprises nigérianes, tanzaniennes, kényanes et ougandaises, en fournissant une plate-forme utilisant le bitcoin. « Lorsque nous ne pouvons pas nous-mêmes compenser les devises demandées et reçues et que nous devons passer par une monnaie intermédiaire de règlement, nous utilisons le bitcoin au lieu du dollar », explique Elizabeth Rossiello. Selon sa fondatrice, BitPesa permet de réduire les coûts des paiements jusqu’à 75 % et le délai de règlement de 12 jours à 2 heures. La start-up, agréée comme établissement de paiement auprès du régulateur britannique depuis 2015, vient de s’installer au Sénégal.
Créer une nouvelle monnaie d’échange
D’autres projets vont jusqu’à vouloir recréer un écosystème financier en l’adossant à la blockchain. C’est le cas de l’initiative portée par Tricia Martinez : « Nous avons commencé par créer une plate-forme financière sur mobile, Wala, qui permet à des fournisseurs de produits financiers (crédit, assurance…) d’accéder à une base de clientèle traditionnellement exclue du système bancaire. Mais il nous est vite apparu que pour pouvoir supprimer les frais pour ces clients et opérer dans un environnement à la fois sécurisé et non corrompu, il nous fallait passer par la blockchain. C’est ainsi que nous avons décidé de créer la cryptomonnaie Dala. » Fin 2017, une ICO a été menée et la start-up s’apprête à distribuer les premiers Dala aux utilisateurs de la plate-forme Wala en Afrique du Sud. « Notre modèle, inspiré des sciences comportementales, repose sur un mécanisme de récompenses, car nous croyons qu’il est possible d’influencer les comportements financiers grâce à elles », explique Tricia Martinez. Concrètement, une personne qui créera un compte Wala se verra créditer de tokens Dala qu’elle pourra utiliser pour acheter du crédit Internet, pour payer sa facture d’électricité, voire pour acheter un bien dans la rue, grâce à un partenariat avec le réseau M-Vendr et ses 30 000 commerçants. Après l’Afrique du Sud, la plate-forme devrait être lancée au Zimbabwe et en Ouganda. Des initiatives similaires, cherchant à utiliser la blockchain à des fins d’inclusion financière, voient le jour à travers le monde. C’est le cas du Britannique Humaniq, qui a mené une ICO en 2017, ou du Français Paypite.
Sous quelles conditions ?
Développer ces solutions adossées à la blockchain n’est pas sans difficulté. Si la pénétration du mobile est très importante en Afrique, celle des smartphones, bien qu’en progression, n’est pas encore optimale. Or qui dit cryptomonnaie dit accès à Internet. L’enjeu est également de rendre le plus transparent possible le recours à la blockchain, de sorte à en faciliter l’adoption par une part importante de la population et ainsi créer l’effet réseau nécessaire au succès de ces solutions. Enfin, des blocages technologiques demeurent pour effectuer des micropaiements. « Les transactions sur une blockchain coûtent encore cher et ne sont pas instantanées, même sur Ethereum, qui est pourtant une des plus performantes », explique Vincent Jacques, entrepreneur français qui lance, depuis Madagascar, la « paypite », cryptomonnaie dédiée aux échanges entre francophones. « En attendant qu’émergent des blockchains à faible coût et plus rapides, nous faisons cohabiter des transactions “on-chain”, très sécurisées mais plus lentes et plus chères, avec des transactions entre portefeuilles Paypite réalisées “off-chain”, sur un serveur unique centralisé. » La cryptomonnaie Dala, confrontée elle aussi à l’enjeu des micropaiements, a trouvé une solution similaire et utilise la solution « off-chain » de Raiden Network.
Enfin, l’un des avantages des cryptomonnaies pour l’Afrique est aussi l’une de leurs principales menaces : l’absence de régulation. Le développement de BitPesa a longuement été freiné par le régulateur kényan, tandis que Dala bénéficie de l’ouverture d’esprit de la banque centrale sud-africaine. Mais à l’heure où certaines autorités se mettent purement et simplement à rendre illégal l’usage des bitcoins, à l’instar du Maroc, l’avenir reste incertain. Et si, finalement, le succès de la blockchain en Afrique venait plutôt des autorités elles-mêmes ? « Les banques centrales devraient s’emparer du sujet et émettre, grâce à la blockchain, leur propre monnaie électronique », suggère ainsi Kabirou Mbodje, P-DG de