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Banque de financement et d’investissement

« Avec Solvabilité 2, les produits de couverture (...) deviendront nécessaires »

Créé le

17.01.2012

-

Mis à jour le

16.11.2017

Société Générale propose aux assureurs de s’orienter vers les prêts. Elle a étudié l'impact prudentiel de la détention de ces actifs. Ils viennent compléter l’offre des BFI qui continuent de vendre des produits de couverture.

Quels sont les nouveaux produits financiers que vous proposez aux assureurs qui se préparent à Solvabilité ​2 ?

Le crédit à long terme est un thème d’actualité. D’un côté, les banques réduisent leurs engagements sur certains pans de cette activité en raison de la réglementation bâloise ​; de l’autre, les assureurs, qui sont des investisseurs à moyen-long terme traditionnels sur le marché du crédit en raison de passifs généralement longs, peuvent chercher à diversifier leur risque de crédit en complétant leur portefeuille obligataire par des loans [1] . En effet, les portefeuilles obligataires d’assureurs sont composés pour une part significative de titres d’émetteurs souverains et de sociétés financières. Nous observons avec la crise que ce style d’investissement contribue à un risque de concentration important dans les portefeuilles car ces titres sont fortement corrélés.

Ces investisseurs doivent donc regarder ailleurs que vers l’obligataire et envisager d’accorder des prêts. Par exemple, ils peuvent aujourd’hui se positionner sur le financement d’investissements d’infrastructures, en respectant naturellement le monopole bancaire sur le crédit et les règles d’éligibilité des actifs à la couverture des engagements dans le cadre de Solvabilité ​1.

Outre les infrastructures, les corporates pourraient-ils eux aussi être financés sous forme de prêts par les assureurs ​?

Le marché doit encore se structurer pour que l’offre et la demande se rencontrent plus facilement.

Et comment ces actifs sont-ils traités sur le plan prudentiel dans le cadre de Solvabilité 2 ​?

En Solvabilité ​2 et dans la formule standard [2] , il n’y a pas à proprement parler d’avantage comparatif entre, d’une part, des financements d’infrastructures ou de prêts aux corporates et, d’autre part, des obligations classiques, en l’état des discussions.

Dans l’environnement Solvabilité ​2, les assureurs qui disposent d’un modèle interne pour mesurer leurs risques peuvent-ils envisager d’alléger les charges en capital à détenir face à des portefeuilles de loans ?

L’objectif des modèles internes est en premier lieu de permettre de refléter au mieux les risques supportés par les assureurs et leur utilisation peut aboutir à des calculs de charges en capital supérieures ou inférieures par rapport à la formule standard. Plusieurs éléments plaident en faveur d’une réduction de la charge en capital associée à un prêt destiné à financer des infrastructures ​: nos investigations tendent à montrer que, comparée à celle d’obligations classiques de rating équivalent, la probabilité de défaut des financements d’infrastructures est plus faible et que le taux de recouvrement en cas de défaut est plus important, surtout s’il y a des covenants [3] .

N’est-il pas légitime d’attendre des amendements aux règles qui ont été appliquées dans le QIS ​5, pour permettre aux assureurs de financer l’économie ​?

Il subsiste en effet encore à ce jour des incertitudes sur les calibrations finales qui seront utilisées dans le cadre de Solvabilité ​2. Il existe à ce titre des documents non officiels dans lesquels des modifications substantielles ont été apportées par rapport à QIS 5. Dans un souci d’équité entre les acteurs finançant l’économie et d’harmonisation des règles prudentielles entre banques et assurances, et pour faciliter le financement de l’économie en période de crise, il est raisonnable d’envisager une convergence des règles entre acteurs. Mais il est difficile de prédire l’issue finale des discussions en cours.

Solvabilité ​2 va également devoir tenir compte de l’augmentation du risque sur les obligations souveraines. Cette évolution ne va-t-elle pas, par comparaison, améliorer le traitement prudentiel réservé à tout ce qui est risque corporate ?

En effet, si tel était le cas, et de façon relative, les risques de crédit (prêts ou obligations) bénéficieraient d’un meilleur traitement prudentiel.

Certains asset managers proposent eux aussi des loans aux assureurs. Ce sont des concurrents ​?

Il est naturel que les asset managers liés aux plus gros assureurs viennent sur ce marché. Nous travaillons d’ailleurs déjà avec eux. Nous pensons qu’ils vont jouer un rôle de distributeur ​: ils feront le lien entre les banques et les investisseurs, sélectionneront les actifs que nous leur proposerons et les géreront sur la durée. En revanche, ils ne se positionneront vraisemblablement pas à l’origination [4] des crédits. Cette activité demeurera la spécialité des banques. Si certains asset managers veulent aussi faire de l’origination, cela ne sera pas forcément souhaitable, ni rentable pour eux.

Quels sont les autres produits que vous proposez et comment, selon vous, aident-ils les assureurs à respecter Solvabilité ​2 ​?

Si la directive est appliquée dans sa forme actuelle, avec Solvabilité 2, les produits de couverture – dont certains​, comme les Cap CMS [5] ou les options de vente sur actions, sont déjà largement utilisés par les assureurs – deviendront nécessaires. Alors qu’en Solvabilité 1, ils ne contribuent pas à diminuer le besoin en capital et ne permettent pas d’améliorer automatiquement la marge de solvabilité, ils permettront de protéger les fonds propres économiques et de réduire les besoins en capital de façon systématique. Il n’en reste pas moins que les couvertures sont « chères » et qu’un travail s’imposera aux compagnies pour en maximiser le rapport coût/efficacité.

Les produits structurés présentent-ils un intérêt particulier ?

Les dérivés sont compatibles avec Solvabilité 2 à partir du moment où ils permettent de gérer efficacement les risques des compagnies d’assurance, et donc de protéger les fonds propres des compagnies. Il convient à ce titre de rappeler que les compagnies d’assurance fournissent aux assurés des garanties financières à caractère optionnel [6] , naturellement couvertes par des options financières.

Que ces instruments soient achetés de gré à gré ou vendus sous forme de produits structurés importe peu en théorie, car Solvabilité 2 instaure la notion de transparence et privilégie la substance à la forme. À ce titre, un produit structuré est un ensemble d’instruments financiers, susceptibles d’être décomposés et analysés séparément en fonction de ces caractéristiques financières.

Sur le risque actions, avez-vous des solutions ?

Comme sur les autres sous-jacents, nous avons des solutions adaptées aux besoins des assureurs sous Solvabilité 2. Il est vrai que le cas des actions est particulièrement intéressant, car ce risque coûte cher aux assureurs en Solvabilité 2. Pour éviter cela, nous élaborons des stratégies permettant de limiter le risque de perte sur les actions. Ainsi, une économie de fonds propres peut être réalisée. L’économie en coût du capital qui en résulte doit naturellement être plus intéressante que le coût du produit pour avoir un sens économique. Ces stratégies sont développées sur mesure en fonction des sous-jacents, des conditions de marché et de l’appétit au risque des compagnies.

Est-il possible de détailler ces stratégies ?

Nous pouvons par exemple mettre en place des couvertures qui plafonnent les pertes à 10 % ; donc l’assureur ne met pas plus de 10 % de fonds propres en face de ce portefeuille au lieu de « 39 % » qui constitue le point de départ de la charge actions dans le QIS 5. Le prix de ce niveau de couverture étant toutefois cher, nous travaillons à des schémas de financement de la protection. Ces derniers passent par l’abandon de certains scénarios de hausse des marchés actions. Notre valeur ajoutée dans ce cadre tient à notre capacité à permettre aux assureurs de vendre des scénarios qu’ils jugent peu probables mais auxquels les marchés attribuent un prix relativement élevé. Un assureur peut ainsi devenir vendeur de protection afin de financer la protection qu’il achète.

Êtes-vous également actifs dans le domaine de la réassurance ?

En Solvabilité 2, comme évoqué plus haut la substance prime sur la forme. À ce titre, le choix d’enveloppe pour la couverture de risques financiers et/ou actuariels, qu’elle prenne la forme d’un dérivé ou d’un contrat de réassurance, ne devrait pas représenter un enjeu majeur pour les assureurs sous Solvabilité 2. Toutefois pour d’autres raisons (comptables, réglementations locales en vigueur actuellement, culturelles, etc.) nos clients peuvent préfèrent traiter avec un réassureur. Dans ce cadre, nous détenons des véhicules de réassurance comme la société Catalyst Re.

Catalyst Re est aujourd’hui spécialisée dans la couverture de risques associés à des contrats d’assurance-vie de type « variable annuities [7] ». Il s’agit, pour simplifier, de contrats en unités de comptes assortis de garanties individuelles explicites (rente viagère garantie au moment du départ à la retraite, montant de rachat garanti pendant la durée de vie du contrat). Même si ces garanties coûteront cher en Solvabilité 2, elles peuvent permettre aux assureurs de diversifier leur offre dans un contexte où l’assurance vie traditionnelle est pénalisée par des taux d’intérêt extrêmement bas et donc peu attractifs pour les assurés. Les assureurs souhaitant entrer sur ce marché devront être capables de tarifer les risques de façon adéquate et de les gérer efficacement. Nous avons à ce titre développé une expertise de pointe sur ce domaine depuis de nombreuses années que nous pouvons mettre au service des assureurs, sous forme de réassurance ou autre.

 

1 En français, prêts ou crédits, NDLR. 2 Dans la formule standard, les assureurs supportent une charge en capital pour les risques de marché, dont le risque de spread de crédit et le risque de concentration qui concernent les titres de dettes (qu’il s’agisse d’obligations ou de loans, si ces derniers sont traités dans le module de spread, NDLR). Les assureurs supportent également une charge liée au risque de contrepartie sur les actifs non couverts par le module de spread de crédit. La différence de charge entre les deux modules est significative : le module de spread de crédit envisage une charge qui est fonction de la qualité de l’émetteur et de la duration des actifs censée refléter une variation de valeur de marché à un an, alors que le module de risque de contrepartie envisage, comme cela est le cas pour les banques dans la réglementation bâloise, une charge plus faible basée sur la probabilité de défaut à un an du débiteur. À ce jour, seuls certains prêts individuels adossés à l’achat d’immobilier sont concernés par le module de risque de contrepartie. 3 Le covenant est une clause d'un contrat de prêt permettant de réduire le risque d'insolvabilité de l'emprunteur : en cas de non-respect de certains ratios financiers, le remboursement anticipé du prêt peut être exigé. 4 L'origination consiste à identifier les besoins de financement d’une entreprise, structurer et organiser l’opération. 5 Un Cap CMS est un contrat dérivé dans lequel un investisseur paye une prime pour se protéger contre la hausse du taux swap (Constant Maturity Swap) en dessous d'un certain niveau (Strike). 6 Un contrat en euros donne à l’assuré l’option de sortir de son contrat à la valeur accumulée (prime + intérêt technique + participation aux bénéfices) indépendamment de la valeur des actifs adossés aux contrats. L’assuré a donc implicitement un put (option de vente de protection) sur les actifs de la compagnie. 7 En français, contrats à annuités variables. Contrats en unités de compte qui exposent les souscripteurs aux risques de pertes et de gains du marché financier tout en offrant un certain nombre de garanties individuelles (généralement sur le capital ou sur une rente viagère).

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº745
Notes :
1 En français, prêts ou crédits, NDLR.
2 Dans la formule standard, les assureurs supportent une charge en capital pour les risques de marché, dont le risque de spread de crédit et le risque de concentration qui concernent les titres de dettes (qu’il s’agisse d’obligations ou de loans, si ces derniers sont traités dans le module de spread, NDLR). Les assureurs supportent également une charge liée au risque de contrepartie sur les actifs non couverts par le module de spread de crédit. La différence de charge entre les deux modules est significative : le module de spread de crédit envisage une charge qui est fonction de la qualité de l’émetteur et de la duration des actifs censée refléter une variation de valeur de marché à un an, alors que le module de risque de contrepartie envisage, comme cela est le cas pour les banques dans la réglementation bâloise, une charge plus faible basée sur la probabilité de défaut à un an du débiteur. À ce jour, seuls certains prêts individuels adossés à l’achat d’immobilier sont concernés par le module de risque de contrepartie.
3 Le covenant est une clause d'un contrat de prêt permettant de réduire le risque d'insolvabilité de l'emprunteur : en cas de non-respect de certains ratios financiers, le remboursement anticipé du prêt peut être exigé.
4 L'origination consiste à identifier les besoins de financement d’une entreprise, structurer et organiser l’opération.
5 Un Cap CMS est un contrat dérivé dans lequel un investisseur paye une prime pour se protéger contre la hausse du taux swap (Constant Maturity Swap) en dessous d'un certain niveau (Strike).
6 Un contrat en euros donne à l’assuré l’option de sortir de son contrat à la valeur accumulée (prime + intérêt technique + participation aux bénéfices) indépendamment de la valeur des actifs adossés aux contrats. L’assuré a donc implicitement un put (option de vente de protection) sur les actifs de la compagnie.
7 En français, contrats à annuités variables. Contrats en unités de compte qui exposent les souscripteurs aux risques de pertes et de gains du marché financier tout en offrant un certain nombre de garanties individuelles (généralement sur le capital ou sur une rente viagère).